Deux militaires ukrainiens ont été tués vendredi lorsque deux hélicoptères MI-24 ont été abattus avec des lance-roquettes portables près de Slaviansk, bastion des insurgés pro-russes dans l’Est de l’Ukraine, a annoncé le ministère de la Défense.
L’armée ukrainienne avait tenté de passer à l’offensive à Slaviansk mais elle n’a guère progressé. La Russie a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation en Ukraine qui devrait se tenir en fin de matinée vendredi à New York, ont indiqué des diplomates.
Les autorités ukrainiennes exigent des "terroristes" qu’ils "libèrent les otages, déposent leurs armes et quittent les bâtiments", a indiqué le ministre ukrainien de l’Intérieur Arsen Avakov, sur place avec le ministre de la Défense Mikhaïlo Koval et le commandant de la Garde nationale. La "phase active" de l’opération a été lancée à 4h30 du matin à Slaviansk et Kramatorsk, selon le ministre. "C’est une attaque d’envergure totale", avait auparavant déclaré la porte-parole des rebelles.
"L’attaque contre les terroristes se poursuit", a dit le président par intérim Olexandre Tourtchino, utilisant le terme employé par les autorités de Kiev pour décrire les rebelles russophones. "Au cours de l’opération, les criminels ont essuyé de lourdes pertes : beaucoup de morts et de blessés, de nombreux prisonniers. Malheureusement, nous avons des informations sur deux morts et sept blessés parmi nos soldats", a-t-il déclaré.
La porte-parole des séparatistes à Slaviansk, Stella Khorocheva, a fait état de cinq morts, "trois membres des milices populaires et deux civils tués" dans l’assaut. Selon elle, les insurgés "ont perdu quatre à cinq postes de contrôle aux limites de la ville". M. Tourtchinov s’est adressé à la Russie pour lui demander d’"arrêter l’hystérie". "J’en appelle au leadership de la Russie : arrêtez l’hystérie autour des événements qui se déroulent en Ukraine. Arrêtez les menaces et l’intimidation". "Nous exigeons que la Russie cesse ses provocations contre notre pays et n’ait pas recours au terrorisme, au sabotage et aux menaces militaires pour faire pression sur notre pays", a ajouté le président par intérim. "Si vous vous inquiétez des droits de l’homme, occupez-vous-en dans votre pays où les violations des droits sont systématiques", a-t-il conclu.
L’accord de Genève en sursis
"En utilisant l’aviation pour tirer sur des localités civiles, le régime de Kiev a lancé une opération de représailles, détruisant le dernier espoir de viabilité de l’accord de Genève", a réagit Dmitri Peskov, porte-parole du président russe Vladimir Poutine. "Le recours à l’armée contre son propre peuple est un crime qui mène l’Ukraine à la catastrophe", a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué
Cet accord conclu à la mi-avril entre Ukraine, Russie, États-Unis et Union européenne visait à une désescalade de la crise en Ukraine. Dmitri Peskov a par ailleurs indiqué que Moscou avait dépêché la veille dans l’est de l’Ukraine son émissaire Vladimir Loukine afin de participer à des négociations pour libérer les inspecteurs de l’OSCE détenus depuis une semaine par les séparatistes à Slaviansk.
"Attaque totale"
Mais les soldats ukrainiens ont du faire face à une riposte inattendue : deux hélicoptères ont été abattus, par des miliciens pro-russes. "Les appareils ont été abattus par des inconnus qui ont utilisé des lance-roquettes portables. Deux militaires ukrainiens ont été tués et plusieurs blessés dans ces tirs", a déclaré le ministère dans un communiqué. Le premier bilan officiel du ministère de l’Intérieur faisait état d’un hélicoptère abattu et d’un pilote tué.
"C’est une attaque d’envergure totale", a déclaré la porte-parole des rebelles à l’AFP, affirmant qu’un hélicoptère ukrainien avait été abattu. "Le village de Bilbassivka est occupé" par des militaires ukrainiens, selon elle.
Arsen Avakov accuse également les séparatistes pro-russes d’avoir recruté des mercenaires professionnels.
Slaviansk échappe depuis plus de deux semaines au contrôle des autorités de Kiev et c’est là qu’est retenue depuis une semaine une équipe d’observateurs de l’OSCE.
La ville semble en état de siège. Des hommes et des femmes de tous âges érigent fébrilement des barricades de fortune dans les rues de Slaviansk où ils ont été réveillés aux aurores vendredi par de fortes détonations, après le déclenchement de la première opération ukrainienne d’envergure contre ce bastion de la rébellion armée. Les cloches de l’Église du Saint-Esprit, près de la mairie, au sommet de laquelle flotte le drapeau de la Fédération de Russie, ont sonné des heures durant afin d’alerter la population de l’attaque en cours.
Les cloches de l’Église du Saint-Esprit, près de la mairie, au sommet de laquelle flotte le drapeau de la Fédération de Russie, ont sonné des heures durant afin d’alerter la population de l’attaque en cours.
Deux blindés légers, tombés le mois dernier aux mains des insurgés, dont un arborant les couleurs russes, ont pris position en début de matinée à proximité immédiate de ces édifices. Des membres des groupes d’"autodéfense" en tenue de camouflage sont déployés autour.
A cinq kilomètres au nord de Slaviansk, à un poste de contrôle en flammes, les rebelles racontent que, dans la nuit, un hélicoptère volant à très basse altitude est intervenu en appui de troupes au sol et qu’ils ont eux-mêmes mis le feu aux pneus alignés sur la chaussée pour retarder leur progression.
Tocsin, blindés, magasins fermés
A distance égale du centre-ville, mais cette fois vers le sud, près du village d’Andriïvka, huit blindés ukrainiens ont détruit un avant-poste des militants pro-Russes, à quelques encablures d’une voie ferrée enjambée par un pont. Un détachement constitué de dizaines de parachutistes s’est installé à cet endroit, au milieu des ruines encore fumantes.
De loin, un villageois descendu de son vélo, fait un bras d’honneur aux soldats qui viennent de menacer de tirer sur quiconque tenterait de s’approcher d’eux, y compris les journalistes de l’AFP. Un milicien pro-Russe sort soudain d’une voiture, ajuste une sorte de longue vue, observe brièvement ses "ennemis", puis repart.
Au total, deux militaires ukrainiens ont été tués et deux hélicoptères ont été abattus à l’aide de lance-roquettes pendant l’opération autour de Slaviansk, a annoncé Kiev. "On ne m’a pas pour l’instant signalé de pertes dans nos rangs", a, quant à lui, déclaré à l’AFP Anatoli Khmelevoï, un des leaders de la rébellion.
A 500 m de la mairie, cinq camions ont été garés en travers de la rue Chevtchenko, de même que dans des ruelles adjacentes dont les habitants tentent de bloquer les accès en empilant en vrac des planches arrachées de palissades, des meubles ou encore des branchages.
De l’autre côté, rue de la Victoire, c’est un enchevêtrement d’arbres coupés qui empêche désormais la circulation automobile. Nombre de ménagères se plaignaient bruyamment de ne pas pouvoir acheter de pain, la plupart des magasins, ainsi que des agences bancaires, ayant été fermés ce vendredi.
Une centaine de personnes se sont rassemblées en fin de matinée au pied de la statue de Lénine. "Nous sommes prêts à faire rempart de nos corps pour protéger" l’hôtel de ville", proclame une femme. Une autre crie qu’"après ce qu’ils (les militaires ukrainiens) ont fait aujourd’hui, il n’y a plus qu’une chose à faire, s’unir à la Russie". "J’ai peur pour ma fille et ma petite-fille", confie, plus posé, à l’AFP Victor, un retraité, avant de lancer, à propos de la situation régnant à Slaviansk : "tout ça est de la plus grande bêtise".
"Phase sensible" pour la libération des observateurs militaires
Les négociations menées en vue de la libération des sept observateurs de l’OSCE détenus à Slaviansk (Ukraine) sont dans "une phase très sensible", déclarait vendredi à Berne le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier. S’exprimant à l’issue d’une rencontre avec son homologue suisse Didier Burkhalter, actuellement président de l’OSCE, Frank-Walter Steinmeier a déclaré qu’il ne pouvait donner davantage d’informations sur l’évolution de la situation. De son côté, Didier Burkhalter a répété que l’objectif de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Allemagne, dont quatre ressortissants font partie des observateurs détenus à Slaviansk, était "leur libération sans aucune condition".
En milieu de journée, à Berlin, Frank-Walter Steinmeier a également appelé "toutes les parties impliquées dans le conflit en Ukraine à ne pas détruire le chemin d’un retour à l’accord de Genève, par des actions comme celles que l’on peut malheureusement voir en ce moment", sans citer directement l’offensive militaire ukrainienne sur l’enclave séparatiste pro-russe de Slaviansk.
L’OTAN présent dans la Baltique
Par ailleurs, cinq navires de l’Otan sont arrivés vendredi dans le port lituanien de Klaipeda, sur la Baltique pour renforcer la défense de la région, a indiqué le ministre lituanien de la Défense Juozas Olekas. Le ministre a salué l’arrivée de ces navires - quatre dragueurs de mines et un navire de soutien, battant pavillon norvégien, néerlandais, belge et estonien, comme un signe de la volonté de l’Otan de rassurer la Lituanie et les autres États membres de l’Alliance dans la région, inquiets de la crise en Ukraine.
"L’arrivée de navires de l’Otan est encore un autre signe de l’unité et de la solidarité de l’Otan", a-t-il déclaré à l’AFP par téléphone après la cérémonie d’accueil. Selon le ministre, la présence accrue de l’Otan dans la région constitue une "mesure de dissuasion" face à la Russie, qui a rassemblé environ 40 000 soldats à la frontière orientale de l’Ukraine. L’Otan a déployé le groupe naval sur la Baltique la semaine dernière pour marquer "son engagement dans la sécurité et la sûreté des Pays baltes", membres de l’Alliance depuis 2004.
Les navires se rendront dans d’autres ports de la Baltique et participeront à une opération de dragage de mines plus tard ce mois-ci dans la Lettonie voisine. Les trois anciennes républiques soviétiques - Lituanie, Lettonie et Estonie, s’inquiètent du potentiel militaire grandissant de la Russie à leurs frontières, la crise ukrainienne n’ayant fait que renforcer leurs appréhensions. Quelque 600 soldats américains ont été envoyés dans ces pays et en Pologne au cours des dernières semaines, alors que la Grande-Bretagne, la France et le Danemark y ont envoyé des avions de chasse.