La Chine est-elle un colosse aux pieds d’argile ? Longtemps Pékin a fait la pluie et le beau temps sur le secteur des terres rares. Responsable de 95 % de la production mondiale, l’Empire du Milieu était capable de dicter sa loi sur le marché, voire d’utiliser ces 17 métaux pour servir des objectifs politiques. Le Japon en a fait l’amère expérience en 2010 lorsque le port de Shanghai s’est mystérieusement arrêté d’exporter des cargaisons de terres rares vers le Japon.
Mais en septembre, un article publié dans le China Daily est venu briser l’image pleine d’assurance de la Chine. Le pays chercherait à acheter des terres rares à l’étranger pour garnir ses stocks stratégiques. Ce serait pas moins de 10 000 tonnes que le pays chercherait à acquérir. C’est considérable si l’on se souvient que le marché ne représente que 110 000 tonnes par an.
Le roi est-il nu ?
Pourquoi la Chine ne stocke-t-elle pas sa propre production ? À vrai dire il est assez facile d’expliquer cette annonce. La Chine ne possède, selon l’USGS, que 50 % des réserves de terres rares dans le monde. Et avec une consommation effrénée, il semble bien que la Chine ait surexploité ses ressources. Du côté de l’offre, Pékin a également serré les vis de ses minières qui subissent une réglementation plus ferme en termes environnementaux.
Ces données étaient connues avant la publication de l’article. Simplement, peu de gens s’attendaient à ce que la Chine se tourne vers les marchés internationaux aussi rapidement. Cette perspective a déjà relancé l’intérêt pour plusieurs petites minières spécialisées dans les terres rares, comme Avalon Rare Earths ou Rare Element Resources. Toutefois la décision chinoise n’a pas eu pour effet immédiat de faire bondir les prix.
Surproduction de terres rares en vue
Les terres rares n’échappent pas à la tendance générale d’un déclin des marchés des métaux. Selon le consultant canadien SNL Metals Economics Group, cité par L’Usine Nouvelle, les budgets globaux d’exploration pour les métaux non-ferreux vont reculer de 29 % en 2013, ce qui ne fait que traduire la déprime des marchés. Et les terres rares ont fidèlement suivi le mouvement.
Le cours du cérium, une des terres rares les plus consommées, est à nouveau en chute libre en 2013 après une première chute en 2012. Le pire, c’est que les nouveaux projets d’exploitation de terres rares continuent de sortir de terre. Ce mois-ci deux nouveaux projets viennent d’être lancés.
Le Groenland compte sur la mine
La nouvelle Premier ministre, Aleqa Hammond, fraîchement élue, vient de lever l’interdiction de l’exploitation d’uranium au Groenland. C’est un pas de plus vers l’indépendance de la province. Alors que son budget dépend encore au tiers des dotations du Danemark, les facilités données aux exploitants miniers pourraient aider Nuuk, sa capitale, à devenir plus autonome.
Cette nouvelle a également été chaudement accueillie par les exploitants miniers désireux de profiter du rebond attendu de l’uranium. En effet, le Groenland possède le précieux gisement de Kvanefjeld, dont l’exploitation pourrait rapidement devenir rentable alors que les prix de l’uranium devraient se redresser en 2014. La compagnie GME qui pourrait exploiter le gisement a annoncé que le projet devrait accroître de 25 % les revenus du pays.
Cette évolution législative est tout aussi essentielle aux terres rares, car le gisement de Kvanefjeld en contient également une importante quantité. Le Groenland est d’ailleurs fréquemment présenté comme le prochain eldorado des terres rares.
Le déstockage russe
Les projets d’exploitation de gisements terres rares en Russie ne manquent pas. Ce mois-ci, c’est le groupe ICT, propriété du milliardaire russe Alexander Nesis, qui a annoncé l’exploitation du gisement de Tomtor. Le plus intéressant n’a cependant pas concerné l’annonce de la mise en exploitation prochaine de Tomtor, mais du retraitement des anciens stocks de Krasnoufimsk datant de l’ère soviétique.
Il s’agit de stocks de thorium, minerai également radioactif. Selon Alexander Nesis, ces stocks seraient composés à 55 % de terres rares, soit un taux 10 fois supérieur à celui des mines de terres rares.