Un document de l’U.S. Energy Information Administration en date du 20 février 2013 met en lumière les intérêts énergétiques qui ont conduit les Occidentaux et le Conseil de coopération du Golfe à soutenir les Contras en Syrie. Le rapport porte exclusivement sur les réserves prouvées. Il élude donc la question de vastes gisements de gaz supplémentaires qui ont été détectés, mais pas encore explorés et évalués.
Les réserves pétrolières prouvées de la Syrie, d’un montant de 2,5 milliards de barils, sont plus importantes que celles de tous les pays environnants à l’exception de l’Irak : l’estimation vient de l’U.S. Energy Information Administration, qui, en pétrole (surtout celui des autres), s’y entend. Ceci fait de la Syrie un des plus grands producteurs et exportateurs potentiels de pétrole au Proche-Orient. Le pays possède aussi de grosses réserves de gaz naturel, utilisé jusqu’à présent pour la consommation intérieure, surtout pour alimenter en gaz (carburant moins polluant, NdT) les centrales thermoélectriques.
Mais il y a un problème, signale l’agence états-unienne : depuis 1964, les licences pour l’exploration et l’exploitation des gisements sont réservées aux sociétés d’État syriennes. Ceci procurait à l’État, jusqu’en 2010, une entrée annuelle de plus de 4 milliards de dollars provenant de l’exportation de pétrole, surtout en Europe.
Les choses changent avec la guerre. L’ « Armée syrienne libre » s’est emparée d’importants champs pétrolifères dans la région de Deir Ezzor. D’autres sites, dans l’aire de Rumeilan, sont contrôlés par les Kurdes du Parti d’union démocratique, hostiles cependant, aussi, aux « rebelles » avec lesquels ils se sont affrontés plusieurs fois. La stratégie USA/Otan mise sur les « rebelles », qu’on a aidés à s’emparer des champs pétrolifères dans un double objectif : priver l’État syrien des revenus des exportations, déjà fortement en baisse sous l’effet de l’embargo de l’Union européenne ; faire en sorte qu’à l’avenir les plus grands gisements passent, par l’intermédiaire des « rebelles », sous le contrôle des grandes compagnies pétrolières occidentales.
À cet effet, le contrôle du réseau intérieur des oléoducs et gazoducs est fondamental. Ce réseau a été saboté par les « rebelles » à plusieurs endroits, surtout dans les alentours de Homs où se trouve une des deux raffineries du pays, afin d’interrompre la fourniture de produits pétrolifères.
Mais une autre mise est plus importante encore, stratégiquement : le rôle de la Syrie comme hub de couloirs énergétiques alternatifs à ceux qui passent à travers la Turquie et d’autres parcours, contrôlés par les compagnies états-uniennes et européennes. La « guerre des oléoducs » a commencé depuis longtemps : en 2003, en envahissant l’Irak, les États-Unis ont immédiatement détruit l’oléoduc Kirkouk-Baniyas qui transportait en Syrie le brut irakien.
Celui de Ain Zalah à Suweidiva est resté par contre en fonction. Damas et Bagdad, défiant les interdictions de Washington, ont ensuite lancé le projet de deux oléoducs et d’un gazoduc qui, à travers la Syrie, relieront les gisements irakiens à la Méditerranée et donc aux marchés extérieurs. Plus dangereux encore pour les intérêts occidentaux est l’accord stipulé en mai 2011 entre Damas, Bagdad et Téhéran : il prévoit la réalisation d’un gazoduc qui, à travers l’Irak, transportera la gaz naturel iranien en Syrie et de là aux marchés extérieurs. Ces projets, et quelques autres, déjà financés, ont été bloqués par ce que l’agence états-unienne définit comme « les conditions de sécurité incertaines en Syrie ».