La monnaie unique européenne a longtemps été un projet. Au cours de la dernière décennie, elle est devenue une réalité. Mais, depuis hier, c’est une question. Une question posée par le dirigeant du pays le plus puissant d’Europe, la chancelière allemande, Angela Merkel, sous la forme d’une proposition radicale : « A l’avenir, nous aurons besoin d’une disposition dans le traité qui permette, en dernier recours, d’exclure un pays de la zone euro. » Radicale pour trois raisons. C’était d’abord la première fois qu’un dirigeant européen disait publiquement que l’euro n’était pas intangible. Une déclaration particulièrement forte en ce qui concerne une monnaie qui n’est rien d’autre que de la confiance cristallisée. Ensuite, la chancelière a évoqué la nécessité de changer le traité sur l’Union européenne. Une procédure particulièrement lourde puisqu’elle suppose l’adoption d’un nouveau texte ratifié par chacun des vingt-sept pays membres. Enfin, Angela Merkel a parlé de l’exclusion d’un pays ne respectant pas les règles -une action particulièrement violente dans une construction politique fondée depuis un demi-siècle sur l’envie de participer à une aventure collective. Bien sûr, la chancelière parlait non devant le Parlement européen mais devant des députés allemands très remontés à l’idée d’un soutien de Berlin à Athènes. Son propos marque néanmoins un moment décisif. L’euro devait être un début. Une monnaie unique devait engendrer un rapprochement des politiques budgétaires. Comme toujours dans les affaires européennes, l’économique était censé entraîner le politique. Mais, depuis, rien n’a été fait. Et, comme l’avaient dit les économistes, le grand écart entre le monétaire et le budgétaire pose un problème vital en temps de crise. La question est posée. Il n’y a que deux réponses possibles : l’avancée ou l’explosion.