Tout le monde semble aujourd’hui d’accord pour dire que le Code du travail, devenu incompréhensible pour tout un chacun (employés comme employeurs), mérite d’être simplifié. C’est aussi votre avis ?
Bien sûr qu’il doit être simplifié, puisqu’il est devenu inutilisable, en particulier dans les PME. Mais toute la question est de savoir dans quel sens et au bénéfice de qui il doit l’être. Rappelons que le droit du travail est né, à la fin du XIXe siècle, du constat que les salariés sont, par définition, en position de faiblesse par rapport à ceux qui les emploient, et qu’il vise à rétablir un minimum d’équilibre en donnant aux premiers un certain nombre de droits. Une réforme du Code du travail qui irait en sens inverse équivaudrait donc à violer l’esprit même du droit du travail. Un accord d’entreprise ne peut valoir, par ailleurs, que s’il apporte un plus aux travailleurs par rapport à la convention de branche, celle-ci par rapport à l’accord interprofessionnel, et ce dernier par rapport à la loi. Si l’accord d’entreprise revient à faire accepter de force par les salariés de travailler toujours plus en étant toujours moins payés, en les menaçant par exemple de licenciement ou de délocalisation en cas de refus, il est évident qu’on va, là encore, à l’encontre des principes de base du droit du travail.
Le souhait du gouvernement est de donner plus de place aux accords collectifs au sein des entreprises. Il s’agit donc, dans l’esprit de Valls et de Macron, de favoriser les exceptions dérogatoires à la loi, ce qui est parfaitement conforme aux exigences du MEDEF, qui réclame toujours plus d’accords et de contrats, moins de lois et plus de « flexibilité », terme pudique pour désigner la précarité. Cela pose déjà un problème du point de vue de la concurrence : celle-ci ne peut qu’être faussée si certaines entreprises doivent appliquer des règles sociales dont certaines autres sont exemptées. Si le Code du travail est progressivement devenu d’une extraordinaire obésité, c’est d’ailleurs aussi parce qu’il a fallu y inclure les multiples régimes dérogatoires introduit par le législateur pour satisfaire aux exigences patronales. La complexité, en d’autres termes, s’est seulement déplacée du droit du travail à la négociation collective. Sous prétexte de simplifier le Code du travail, le risque est donc grand d’accélérer la précarité de l’emploi au détriment des salariés.