La question du modèle de développement que la Russie pourrait suivre dans les années qui viennent est maintenant ouvertement posée par l’évolution du contexte international. Le jeu des sanctions et des contre-sanctions risque de se prolonger. On peut d’ores et déjà se demander s’il n’a pas provoqué un changement important dans la perception du monde pour le gouvernement mais aussi les élites russes.
Le retour de la guerre froide ?
Les relations entre les États-Unis, l’Union européenne et la Russie se sont dégradées de manière considérable depuis le début de 2014. Non qu’elles aient été bonnes avant. Les contradictions entre les politiques étrangères étaient flagrantes depuis environ deux ans. Mais, l’initiative russe sur la question des armes chimiques en Syrie avait montré que des collaborations étaient toujours possibles. Ces collaborations sont d’ailleurs nécessaires, que ce soit pour les États-Unis qui ne peuvent s’extraire d’Afghanistan sans le soutien implicite de la Russie, ou que ce soit pour la France qui est largement tributaire des moyens de transports lourds mis à sa disposition par des sociétés russes pour les opérations en Afrique. Pourtant on assiste à une détérioration impressionnante de ces relations depuis le début de l’année 2014.
John Mearsheimer, un professeur de sciences politiques de l’université de Chicago a bien montré dans un récent article du magazine Foreign Affairs que la responsabilité de cette dégradation était plutôt à chercher du côté des États-Unis et de l’Union européenne [1]. Dans cette dégradation, un tournant important semble avoir été pris avec le drame du vol MH17 de la Malaysian Airlines, détruit au-dessus de l’est de l’Ukraine. Les États-Unis ont immédiatement déclaré que les insurgés du Donbass et la Russie étaient responsables de ce drame. Il apparaît aujourd’hui que les choses sont bien plus complexes, et que les preuves permettant de condamner la Russie et les insurgés n’existent tout simplement pas [2]. Des anciens responsables des services de renseignements américains s’en sont émus [3].
Mais, quelle que soit l’origine de cette crise, sa dynamique actuelle constitue un pivotement important dans les relations internationales, qui va largement au-delà du cas de la seule Russie.