Ce que Vichy n’a pu faire – aliéner les juifs de France de leur pays –, les petites frappes des banlieues sont-elles en train de le réussir ? La société française a su surmonter des périls bien plus graves.
Fin janvier 2002, alors ambassadeur d’Israël en France, je me suis rendu à Matignon pour une entrevue avec Olivier Schrameck, le directeur de cabinet du Premier ministre Lionel Jospin. La seconde intifada battait son plein et l’Union des étudiants juifs de France venait de publier, avec SOS Racisme, un livre, Les Antifeujs, qui recensait plus de 1 500 actes à caractère antisémite commis sur le territoire de la République depuis le début des troubles au Proche-Orient, à l’automne 2000.
Cette conversation n’a été suivie d’aucun effet. Pas seulement contre la violence antijuive, contre la violence identitaire en général. Pour des raisons qui tiennent, au moins en partie, au code génétique de la gauche. Ses représentants au pouvoir se sont contentés de condamner les faits, tout en en comprenant les causes, mais sans en excuser pour autant les auteurs, dont il fallait tout de même se rappeler d’où ils viennent et, n’est-ce pas, ce qui les motive, et tout en appelant tout le monde au calme afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu du communautarisme... Bref, on s’est empressé de ne rien faire.
C’est à ce moment que s’est manifesté le grand malaise des juifs de France. Comment en est-on arrivé là ? Après tout, les juifs ont connu avec la France une vraie histoire d’amour. Vivre heureux « comme Dieu en France », proclamait un vieux dicton yiddish répandu en Europe orientale parmi les ashkénazes fascinés par ce pays de liberté qui, le premier, émancipa ses juifs.