La rencontre impromptue du samedi 6 décembre entre les Présidents Hollande et Poutine, lors d’une escale du premier à son retour du Kazakhstan marque peut-être un tournant dans les relations avec la Russie. Ces dernières étaient devenues franchement détestables avec la crise ukrainienne, mais leur détérioration était en réalité bien antérieure à cette crise.
Même s’il ne faut pas trop attendre d’une réunion d’une heure, même si – et l’Elysée a bien tenu à le préciser – il y a eu concertation préalable avec la Chancelière Angela Merkel, il est clair que cette rencontre, organisée à la demande du Président français, constitue une étape importante dans l’amélioration de ces relations. Il faut donc s’en réjouir.
Une rencontre prévisible
Cette rencontre, pour inattendue qu’elle ait été, n’en était pas moins prévisible. En France, tout d’abord, de nombreuses voix commençaient à se faire entendre pour souligner l’extrême fragilité de notre position, qu’on la considère sur le plan moral, en raison de la révélation progressive tant des crimes de guerre commis par certaines des troupes du gouvernement de Kiev que des conditions réelle de son arrivée au pouvoir, ou politique, avec le risque réel de déboucher sur une nouvelle « guerre froide », ou enfin économique. La France, tout comme l’Italie et l’Allemagne, a beaucoup à perdre avec le maintien des « sanctions ». Le risque de voir la Russie se détourner de l’Europe pour de longues années était bien réel. Bref, il fallait mettre un coup d’arrêt à cette logique profondément destructrice. Un tel point de vue était apparu depuis ces dernières semaines dans les milieux proches du Quai d’Orsay. Dans la conférence de presse commune qu’il avait faite avec le Président du Kazakhstan, M. Nursultan Nazerbaev, François Hollande avait largement ménagé, dans ses propos, son homologue russe. Par ailleurs, il ne pouvait pas ne pas mesurer l’incohérence d’une position qui amène la France à avoir des bonnes relations avec des pays avec lesquels les causes de conflits, qu’elles soient latentes ou explicites, sont bien plus importantes qu’avec la Russie. Ceci a été dit et répété. Tout ceci rendait nécessaire une initiative forte de la diplomatie française sur ce dossier. La visite du président François Hollande au Kazakhstan fournissait l’occasion. Elle fut donc saisie. Mais, il convient ici de rappeler que François Hollande était demandeur.
Se réjouir, mais ne pas se bercer de fausses illusions.
Il n’en reste pas moins qu’il ne faut pas trop en attendre. Assurément, toutes les conditions pour la « désescalade » sont réunies. On a déjà noté la déclaration du Commandant en Chef des forces de l’OTAN, le général Breedlove, qui déclarait le 26 novembre dernier à Kiev qu’il n’y avait pas de troupes de combat russes dans le Donbass. Par ailleurs, un nouvel accord de cessez-le-feu entrera en vigueur le 9 décembre entre les troupes de Kiev et celles des insurgés. De plus, avec l’arrivée de l’hiver, un certain sens des réalités va s’imposer à Kiev. Des accords économiques ont d’ailleurs été signés, tant avec la Russie qu’avec les insurgés du Donbass. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la décision de Kiev de suspendre tous les salaires et tous les versements sociaux à la population du Donbass. Pour scandaleuse que puisse paraître cette mesure, il faut aussi comprendre qu’elle signifie une reconnaissance de fait que la partie insurgée n’est plus l’Ukraine. En un sens, c’est aussi une décision qui va vers une stabilisation de la situation.
On peut donc s’attendre à ce que tant l’OTAN que les russes, comprenant que cette crise les entrainait dans une spirale dont il pouvait à tout instant perdre le contrôle, trouvent un intérêt commun à faire descendre la tension. Il est tout aussi certain que tel est bien l’intérêt de la France, et ceci est compris par François Hollande. Outre la pression des industriels, qui va bien au-delà de la question de la livraison des deux BPC de classe « Mistral », il conçoit que cette tension est délétère pour l’ensemble du continent.