Ce lundi 5 mai, la Commission européenne a rendu un rapport sur le « programme de surveillance active de la mortalité des colonies d’abeilles », intitulé EPILOBEE. Cette étude a surveillé à trois reprises la vigueur et/ou la mortalité de l’insecte de l’hiver 2012 à l’été 2013 dans 17 pays européens.
Il y avait de quoi se réjouir, l’étude est historique depuis le malheureux constat d’affaiblissement et de mortalité des abeilles et les moyens sont à la hauteur de la catastrophe sanitaire : il concerne 31 832 colonies (provenant de 3 284 ruchers), 1300 inspecteurs et 3,3 millions d’euros payés par Bruxelles, auxquels se rajoutent les contributions financières de chacun des États membres. Les résultats sont alarmants : en cumulant les mortalités hivernales et estivales, la Belgique apparaît comme le territoire le plus touché, avec un taux de mortalité de 42,5 %, suivie de près par le Royaume-Uni (38,5 %), la Suède (31,1 %), la Finlande (29,8 %) et la France (27,7 %) [1].
Le problème est surtout écologique (l’abeille pollinise 70 % des plantes sauvages et cultivées de la planète) mais aussi économique : le nombre d’apiculteurs français a baissé de 40 % en 6 ans [2] et les miels asiatiques de qualité douteuse inondent les rayons de nos supermarchés.
L’absence des pesticides, une tartuferie politique ? Alors qu’un enfant de 5 ans aurait posé la question et que la totalité des apiculteurs français sonnent l’alarme depuis des années sur le système agricole intensif qui repose sur l’utilisation irraisonnée de produits phytosanitaires tels les insecticides néonicotinoïdes tueurs d’abeilles [3], la Commission européenne n’a pas jugé utile de mentionner le facteur « pesticides » et a centré son travail sur les « agents biologiques », autrement dit les principaux pathogènes de l’abeille comme les parasites Varroa (acarien parasite de l’abeille domestique) ou Noséma.
Selon l’Anses qui a été mandatée par Bruxelles pour organiser le rapport :
« À sa demande (NDLR : de la Commission européenne), EPILOBEE a centré son travail, pour ses deux premières années de fonctionnement, sur la mise en place de critères harmonisés de mesure de l’affaiblissement des colonies et l’observation des pathologies infectieuses des abeilles. Ce projet européen n’a pas intégré, à ce stade, la détection de pesticides. »
Un rapport de 30 pages qui nous aura coûté plusieurs millions d’euros, dont les experts se félicitent en concluant qu’un rapport sérieux a pu être réalisé à l’échelle européenne avec les mêmes méthodes épidémiologiques standardisées à tous les États, mais qui n’apporte aucune réponse...
Selon l’apidologue Gérard Arnold, directeur de recherche au CNRS :
« Si on ne recherche que des agents infectieux, on ne risque pas de trouver des résidus de pesticides. Ce choix est politique, pas scientifique. »
Les lobbys européens se moqueraient-ils de nous ?