A défaut de souhaiter à nos lecteurs une bonne année – il nous faudrait pour cela une dose de naïveté qui confinerait au pathétique – nous mettrons à leur disposition d’ici quelques jours, afin de les remercier de leur soutien, un essai inédit de 75 pages de notre ami Pierre Hillard, dont nous présentons ici l’introduction.
Genèse des relations entre le monde musulman et l’oligarchie euro-mondialiste
Dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid, un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes diplômé mais au chômage, Mohamed Bouazizi, se voit confisquer sa marchandise par la police locale le 17 décembre 2010. Par désespoir, il s’immole et succombe quelques jours plus tard à ses blessures. Sa mort entraîne des manifestations dans tout le pays conduisant à la chute du régime Ben Ali.
L’effondrement du régime politique tunisien met le feu aux poudres à l’ensemble du monde musulman. Celui-ci gangréné par la corruption, le népotisme et les rivalités claniques a réagi telle une réaction chimique à un incident local. Ces événements sont révélateurs d’un malaise profond propre à l’ensemble de ce monde arabo-musulman.
Ce printemps arabe commencé en janvier a pris de court l’ensemble de la sphère politique des pays européens, américains et asiatiques. Pourtant, nous pouvons assurer que ces événements n’ont sûrement pas surpris les élites mondialistes assurant la promotion ou la défection de ces politiciens chargés de nous diriger. En effet, en étudiant la genèse des textes émanant des cénacles européistes, onusiens ou encore de Fondations et de think-tanks, on observe une permanence dans les objectifs poursuivis.
Il s’agit dans le cadre de cette philosophie d’instaurer un modèle propre aux référents de l’euro-mondialisme ; c’est-à-dire le primat du marché et la déification de l’homme. Ces Etats musulmans doivent procéder à une véritable mue en se fragmentant et en adoptant des mesures compatibles avec la doctrine mondialiste concernant des secteurs aussi variés que la politique, l’économie, la société civile, l’éducation ou encore la justice.
Cependant, ce changement radical oblige à une refonte complète des structures propres à la civilisation musulmane …. et c’est là où le bât blesse. En effet, l’Islam se caractérise par une fusion du pouvoir spirituel et temporel à la différence d’un Occident jadis chrétien dont les principes reposaient sur une distinction de ces deux éléments. Une forme de fatalisme régit aussi les structures mentales musulmanes. Le principe musulman « c’était écrit » (le Mektoub) restreint la liberté de l’homme dont les actes sont fixés de toute éternité par Dieu.
En contre partie, le monde occidental est affligé de vices hautement contaminant. En effet, on assiste, depuis la deuxième moitié du XXè siècle, à une véritable bascule des structures et référents propres à l’âme européenne depuis des siècles. Ainsi, un laïcisme forcené d’essence quasi religieuse et conduisant à une évacuation du divin exalte la primauté des droits de l’homme. Inévitablement, une mutation bouleversant les structures politiques et mentales des pays européens se met en place.
C’est donc un Occident déséquilibré dans ses structures religieuses, philosophiques, psychologiques et drogué aux richesses temporelles ainsi qu’à l’hédonisme qui cherche à imposer son modèle : le primat de l’homme et un matérialisme outrancié. Nous assistons donc à la confrontation de deux modèles radicalement opposés. La rencontre de ces deux mondes ne peut conduire qu’à des étincelles ouvrant la voie à la lutte entre deux métaphysiques. Leur coexistence est impossible. L’une doit disparaître au profit de l’autre. L’objectif de cette étude ne consiste pas à étudier dans les détails le déroulement de ces révolutions arabes même s’il nous arrivera d’évoquer tel ou tel point. En effet, ce que nous voyons n’est que la conséquence d’un long travail de sape.
Il est bien plus intéressant de rappeler l’existence de ces grands et profonds courants sous-marins qui modèlent et déterminent l’avenir de centaines de millions de musulmans et, inévitablement, l’avenir des peuples européens et du monde entier. Même si les premiers contacts et les antagonismes entre ces deux mondes remontent au temps des croisades et de la Reconquista prolongés par la politique ottomane dans les Balkans du XVè siècle au XVIIIè siècle, nous traiterons des ambitions et des objectifs géopolitiques poursuivis à l’époque moderne entre les deux rives de la Méditerranée de la fin du XIXè siècle jusqu’en 2011.
C’est pourquoi, nous étudierons dans un premier temps les projets anciens politico-stratégiques animant les élites mondialistes du XIXè siècle jusqu’à la Première guerre mondiale. Ensuite, nous aborderons les travaux patiemment élaborés au sein des instances européennes afin d’arrimer ce monde musulman au nouvel ordre mondial. Enfin, nous traiterons les stratégies développées au sein des enceintes mondialistes concernant les enjeux politico-énergétiques en terre d’Islam et les remaniements territoriaux envisagés des années 1950 jusqu’au début du XXIè siècle.