À ce jour, personne n’a été capable de fournir une explication crédible concernant l’allègement de la protection dont bénéficiait Charlie Hebdo. Alors qui a laissé tomber Charlie ?
Si Charlie a été ovationné par l’entièreté de la classe politique française, qui en a d’ailleurs profité pour organiser une véritable « mise en scène » selon Jacques Attali, le journal n’a pas toujours fait l’unanimité. En 2013, Charlie Hebdo avait notamment fait les frais d’une véritable campagne de dénigrement dans la presse arabe fomentée par le conseiller de François Hollande, Faouzi Lamdaoui. Quant aux services policiers, eux aussi impliqués dans l’affaire Lamdaoui, ils n’ont semble-t-il pas été écoutés par ce même pouvoir politique lorsqu’ils montraient leur mécontentement. De même, ils n’étaient manifestement pas pris au sérieux par leur hiérarchie lorsqu’ils dénoncaient des mouvement suspects rue Nicolas Appert.
Mise en cause par Éric Stemmelen, l’un des fondateurs du SPHP, qui réclame la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, la protection de la rédaction de Charlie Hebdo était assurée par le SDLP (Service de la Protection) chargé de la sécurité du dessinateur Charb et par la Préfecture de police de Paris pour ce qui concerne la surveillance des locaux du journal. Laurent Nunez a été nommé en septembre 2012 au poste de directeur de cabinet de la préfecture de police de Paris sur demande de Manuel Valls et contre l’avis d’Alain Bauer, pour qui « il fallait un policier ». Auparavant sous-préfet de Bayonne, ce quasi-inconnu a ainsi obtenu un poste stratégique décrit par les auteurs de Valls à l’intérieur comme « la clé de voûte du système policier dans la capitale [par lequel] toutes les informations passent ». Mais comment ces précieuses informations ont-elles été exploitées dans le cas de la protection de Charlie Hebdo, dont était responsable Laurent Nunez ? Le lendemain de la tuerie, il assurait au journal Le Monde que ces derniers temps la menace contre Charlie avait « semble-t-il baissé ». Des propos appuyés par Gérard Biard, collaborateur de Charlie Hebdo, qui indiquait lui-aussi au quotidien que « les menaces étaient ressenties de façon moins forte ces derniers temps ». « Ressenties » certes mais il ne s’agit là que du simple sentiment d’un journaliste qui n’est pas habilité secret défense ni même policier.
Remettons-nous dans le contexte : les pointeurs de l’antiterrorisme sont au rouge, comme l’avait fait remarquer le président de la Commission des lois Jean-Jacques Urvoas à l’Assemblée nationale en juillet 2014. Et la couverture de Charlie Hebdo du 1er octobre 2014 avait visiblement ravivé les menaces et réactivé la protection « statique », comme l’a expliqué Laurent Nunez : « Lorsqu’il y avait un numéro un peu sensible, il nous appelait et on repassait en garde statique », ce qui fut le cas en octobre selon Le Monde. Mais seulement pour quelques jours, suite à quoi la surveillance est repassée sur un mode de protection dite dynamique (soit, en fait, une surveillance resserrée par des rondes et patrouilles qui passaient toutes les demi-heures).
En réalité, les menaces contre Charlie, loin d’avoir diminué, étaient au contraire en pleine recrudescence d’après Chloé Wotier du Figaro, qui a écrit dans les colonnes du quotidien le 8 janvier 2015 : « Certaines sources évoquent un surcroît de menaces contre Charb depuis quelques jours. » Idem pour la journaliste du JDD présente sur les lieux de l’attaque : une source policière lui aurait confié (ici à 13h48) que « des menaces récentes à l’encontre de Charlie Hebdo avaient été enregistrées ». De plus, un signalement concernant deux hommes menaçants qui arpentaient la rue Nicolas-Appert à la recherche des locaux de Charlie Hebdo avait été déposé quelques mois plus tôt au commissariat par un journaliste. Et les témoignages dans ce sens abondent, en premier lieu du corps policier. Selon Rocco Contento, responsable Unité SGP police à Paris, Charb était visé par des menaces « de plus en plus importantes depuis quelques jours ». Mais malgré ces menaces, seules trois patrouilles de police avaient fait leur ronde devant les locaux de Charlie Hebdo le matin de l’assaut, offrant aux assassins une fenêtre d’intervention pour leur macabre projet. Qu’est-ce qui a concrètement conduit à l’inexplicable allègement de la sécurité de la rédaction ?
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