Quiconque possède un minimum de sens critique observe avec facilité que l’organisation politique de l’Union Européenne ne repose en rien sur une volonté de fonctionnement démocratique.
La majorité des dirigeants à la tête de ses multiples institutions et organes divers ne sont d’ailleurs pas élus.
Il n’est donc point étonnant qu’en prolongement de cette absence de consultation des populations concernées, l’avis de ces dernières soit régulièrement ignoré comme ce fut le cas en 2005 lorsque français et néerlandais ont rejeté le traité constitutionnel puis en 2008 quand les irlandais ont dit non au traité de Lisbonne.
Par ailleurs, la complexité formelle des textes de référence qui orientent l’activité politique européenne empêche inévitablement la plupart des citoyens d’accéder à leur compréhension. Que ce soit par incapacité, ce qui est tout à fait concevable vu le jargon et la forme employés, par résignation défaitiste ou manque de temps face à une telle entreprise, ceux-ci se voient privés de la connaissance nécessaire à la maîtrise d’un système qu’il ne peuvent appréhender et donc, a fortiori, contester voire combattre.
Ces trois éléments, l’absence de scrutin (seuls les députés sont élus à la proportionnelle), la non-prise en compte de l’opinion publique et la très grande difficulté à s’approprier les écrits fondamentaux privent littéralement les peuples de toute influence sur la vie politique commune au bénéfice d’une caste dirigeante imposée qui fait autorité dans un contexte aux allures dictatoriales.
Mais la tartuferie démocratique va bien au-delà des limites de la norme arbitrairement fixée. Conscients de la grande difficulté de compréhension de ces textes illisibles surchargés en baragouin fatigant qui désespèrerait le plus patient des cruciverbistes, les initiateurs des grands principes européistes vont en être les premiers transgresseurs. Le domaine qui nous occupe, celui de l’éducation, n’échappe pas à cette tendance qui fait apparaître les fondements idéologiques comme de simples supports flous et malléables que l’on adapterait à souhait aux exigences du projet mondialiste. Prenons un exemple clair et sans appel qui souligne clairement le non-respect des règles par leur propres instigateurs.
1/ Ce que disent les textes :
Selon le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, les autorités supranationales disposent de trois types de compétences pour régir les différents secteurs de politique commune. La première est une compétence exclusive qui donne toute liberté à l’UE d’imposer aux Etats ses directives sans concertation préalable ni prise en compte des intérêts particuliers. Les règles de concurrence commerciale, le fonctionnement monétaire ou la conservation des ressources de la mer (priez pour eux pauvres pêcheurs) sont, par exemple, des domaines sur lesquels l’Union a une totale liberté d’intervention.
La seconde catégorie de compétences est dite partagée. En ce sens, il faut entendre que les mesures prises se décident après consultation des avis nationaux. La cohésion économique et sociale, l’environnement, les transports, l’espace de liberté, de sécurité et de justice (?) sont certains des items de la liste correspondante.
Enfin, la dernière catégorie est celle des compétences d’appui. Celle-ci renvoie à une position de conseil et soutien qui n’intervient qu’en complément des stratégies particulières. Plus précisément, l’UE « ne dispose donc pas de pouvoir législatif dans les domaines et ne peut pas interférer dans l’exercice de ces compétences réservées aux États membres. » (1).
L’éducation apparaît dans la liste précisée dans le TFUE au même titre, entre autres, que la culture, le tourisme ou l’industrie (secteur en crise et vraie patate chaude que l’Union, beaucoup plus intéressée par le commerce dérégulé des compétences exclusives, laissent entre les mains des gouvernements nationaux). L’enseignement serait donc encore en France sous la tutelle d’un ministère de chez nous pouvant mener sa barque selon les intérêts jugés utiles à la jeunesse du pays tout en étant bien conseillé par les pontes européens. N’importe quoi. Voyons maintenant en quoi consiste une telle répartition des responsabilités.
2/ Application de la compétence « d’appui »(2)
Afin de bien comprendre la nature réelle de la dite compétence, il convient de se référer à une intervention fondamentale de Mme Reding, ancienne commissaire européen chargée de l’Education, qui, devant ministre et consorts, présenta dès 2003 une communication intitulée : Education et formation 2010 : l’urgence des réformes pour réussir la stratégie de Lisbonne.
Avec la même emphase qu’elle employa à défendre le sort des roms sous traitement sarkozien (sans doute par remord suite à son implication dans un emploi plus que louchement légal de domestique philippine à son domicile luxembourgeois), Madame Reding commença par user d’un ton de menace et remontrance face à un auditoire jugé trop peu coopératif : « les réformes entreprises ne sont pas à la hauteur des enjeux et leur rythme actuel ne permettra pas à l’Union d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés ».
Elle enchaîne par la suite avec le besoin nécessaire de mesures de contrôle sur les politiques nationales, dans le cas contraire « il est prévisible que l’écart entre l’Union et ses principaux concurrents grandira et, plus grave encore, que la réussite de la stratégie de Lisbonne dans son ensemble s’en trouvera fortement compromise ». Après avoir gueulé un bon coup, Viviane passe à la phase 2 dite « Les chefs c’est nous ».
Il devient alors essentiel « que cette réflexion et ces choix nationaux prennent désormais pleinement en compte les objectifs communs fixés au niveau européen » et que chaque Etat « fasse connaître ses priorités politiques d’investissements et de réformes dans l’éducation et la formation à court et à moyen termes, ainsi que la contribution à la réalisation des objectifs européens ».
Enfin, elle annonce dans le but d’assurer « un suivi plus structuré et systématique des progrès réalisés » et d’obtenir « des réformes radicales et la mise en œuvre de stratégies nationales véritablement globales », la création d’un groupe « de haut niveau » qui aura pour but de « faire le point sur les politiques nationales et de définir les domaines de coopération les plus urgents ». Viviane quand elle s’y met, elle décoiffe (d’où certainement cet improbable brushing laqué digne de la pire série télé nord-américaine).
Outre le contre-sens entre nationales et globales, nul besoin est de démontrer que l’on est ici bien loin de la compétence d’appui, de soutien ou de conseil, que les ordres viennent de la Commission et que les ministres et chefs d’Etats sont sommés d’obéir à l’injonction européiste quel que soit le domaine concerné. La contradiction entre le principe et son application est totale, les représentants politiques nationaux n’ont plus aucune indépendance de décision : ils obéissent.
Pour en finir définitivement avec cette hypocrisie, observons une partie de la table des matières du sermon faite ce jour là par Reding (3) :
2.1.1 : Définir des politiques nationales en lien avec les objectifs de Lisbonne
2.3.1 : Mettre en place des stratégies globales, cohérentes et concertées
2.2.3 : S’appuyer sur des références et des principes européens communs
2.3 : Construire enfin l’Europe de l’éducation et de la formation
2.3.1 : Mettre rapidement en place un cadre européen des qualifications
2.3.2 : Renforcer la dimension européenne dans l’éducation
Sans commentaire. Etiré entre cette dépossession par le haut et une croissante décentralisation par le bas, le gouvernement français apparaît sans aucune responsabilité sérieuse dans la gestion du domaine de l’éducation. Il n’intervient plus, il applique ou délègue se contentant à l’occasion d’un peu de marketing de circonstances pour faire illusion (d’où un ancien porte-parole au look néo-vrp devenu ministre-communicant de quelque chose qu’il ignore), un peu de morale pour calmer le droitard, un peu de vernis social pour faire taire le gauchiste, rien d’autre. Tout cela n’est qu’un aveu de plus, celui d’un Etat devenu faible, vulnérable et qui, face aux pires aspirations mondialistes, se montre aujourd’hui incapable de protéger l’identité et la souveraineté de son peuple, jeunesse y compris.
1 : Cette définition a été publiéé sur Europa, le portail web officiel de l’UE : http://europa.eu/legislation_summar...
2 : Ce passage de notre article est inspiré en partie du travail de Nico Hirtt dans son ouvrage Les nouveaux maîtres de l’école, particulièrement les intitulé Madame Reding se fâche et La récré est finie.
3 : Consultable ici : http://eur-lex.europa.eu/smartapi/c...