En visite à Jérusalem, Bernard-Henri Lévy a assuré au Premier ministre Benjamin Netanyahou que les futures autorités libyennes normaliseraient leurs relations avec Israël. À Benghazi, le Conseil national de transition se dit "surpris".
Les médias sont souvent prompts à relayer les exploits comme les gaffes du flamboyant intellectuel français Bernard-Henri Lévy. La dernière de ses bévues est toutefois passée complètement inaperçue. Elle concerne pourtant les relations tumultueuses entre Israël et ses voisins arabes. Un sujet autrement plus sérieux que la citation d’un philosophe imaginaire ou qu’un reportage "arrangé" en Géorgie….
Tout commence le 2 juin. BHL est alors à Jérusalem. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou le reçoit pendant près d’une heure et demie. Selon l’intellectuel français, il est venu en Israël pour relayer un message du Conseil national de transition (CNT) libyen.
Dans un entretien accordé à l’AFP, BHL explique avoir dit à Nétanyahou que "le futur régime [libyen] entretiendrait des relations normales avec les autres pays démocratiques, y compris Israël". Selon lui, "la justice pour les Palestiniens et la sécurité d’Israël seront des questions essentielles pour le futur gouvernement".
Mais quelques jours après la réunion, le CNT publie une déclaration - dont FRANCE 24 s’est procurée une copie - dans laquelle les rebelles libyens "rejettent fermement les commentaires de M. Lévy sur les relations futures entre la Libye et les Israéliens rapportés par certains médias".
BHL superstar
Le CNT se dit "surpris" par ces propos. "M. Lévy a été reçu en tant qu’envoyé spécial du président de la France et les relations avec Israël n’ont jamais fait l’objet de discussions", poursuit la déclaration. De son côté, le bureau de Benjamin Netanyahou a confirmé la rencontre avec l’écrivain-philosophe français, mais refuse de commenter le contenu de la discussion.
BHL aurait-il pris un peu trop de liberté avec son rôle de superstar de l’opposition libyenne ? Depuis qu’il a fait officiellement reconnaître le CNT par Paris en mars dernier, certains fonctionnaires du régime de transition libyen le considèrent en effet comme un responsable français capable de contourner les protocoles diplomatiques.
"Le CNT a longtemps cru que BHL était un envoyé officiel français alors qu’il n’a aucun titre reconnu", rappelle Barak Barfi, membre du think-tank New America Foundation, contacté par FRANCE 24. "Même dans son communiqué, le CNT le présente comme un ’envoyé spécial’ du président de la France", poursuit-il.
Tradition antisémite
Les propos de BHL jettent le trouble à l’heure où, en plein printemps arabe, les spéculations sur les relations d’Israël avec ses voisins vont bon train.
En Égypte, l’un des rares membres de la Ligue arabe à entretenir des relations diplomatiques avec Israël, l’idée selon laquelle un gouvernement démocratiquement élu serait moins disposé à coopérer avec Israël que le régime d’Hosni Moubarak est largement répandue.
En Libye, un nouveau gouvernement ne sera pas non plus forcément synonyme de rapprochement avec Israël…Quarante-deux ans de propagande anti-israélienne ont en effet laissé des traces, même dans les zones aujourd’hui libérées du joug kadhafiste.
Tripoli n’a jamais reconnu Israël et le colonel Kadhafi a pris pour habitude d’appeler régulièrement à la destruction d’Israël. Depuis qu’il s’est emparé du pouvoir en 1969, le dirigeant libyen a soutenu les factions palestiniennes les plus radicales, fustigé les pays arabes qui ont des relations avec Israël, et qualifié systématiquement l’État juif d’ "ennemi sioniste".
"La Libye compte parmi les pays arabes les plus anti-israéliens avec la Syrie et le Yémen, reprend Barak Barfi. Bien que les Libyens soient moins enclin que les Syriens et les Yéménites à voir la main d’Israël derrière chaque complot, ils portent en eux de profonds sentiments hostiles à son encontre", ajoute-t-il.
Barak Barfi, à l’instar des autres observateurs de la région, est donc sceptique quant à la possibilité d’une position amicale du CNT vis-à-vis d’Israël. "Il est assez invraisemblable de penser que le prochain régime libyen tendra la main à Israël. Il est en revanche possible que le CNT ait simplement assuré à BHL qu’il souhaitait entretenir des bonnes relations avec ses voisins, et que le philosophe l’ait surinterprété", avance celui-ci. Click here to find out more !