Le système démocratique a des limites, que la majorité des électeurs ne connaissent pas. Quand un candidat franchit les frontières invisibles du Système, ce dernier lance des rappels à l’ordre gradués. Et toute une série d’obstacles et d’empêchements viennent ralentir le parcours de l’impudent.
Lorsque Coluche a voulu se présenter aux élections présidentielles de 1981, cela a commencé comme un gag dans les vapeurs des fumées. Puis, devant les sondages affolants (16% d’intentions de vote), c’est devenu subitement sérieux, puis ça s’est terminé dans le sang, un peu plus tard.
En 2016, le candidat républicain Donald Trump, dans un autre système électoral et sur un autre continent, fait un peu le parcours de Coluche. À chaque grande crise économique et sociale qui frappe un pays, un leader populiste surgit et incarne le mécontentement. En France, dans les années 1970, c’étaient les exclus de la croissance, « les pédés, les putes et les camés », comme disait Coluche. Aujourd’hui, aux États-unis, c’est le petit Blanc coincé entre les deux façades du pays, la côte Est et la côte Ouest, qui sont tournées vers l’avenir et l’extérieur, qui souffre. Le redneck, la nuque rouge, le plouc, l’Américain moyen, qui garnit les gradins des meetings de Trump.
Trump a beau être milliardaire, ça ne change rien pour l’Américain du Middle West : c’est un héros, celui qui dit tout haut ce que cachent les autres candidats dits « du système », et surtout, bien loin de le plomber, sa fortune personnelle lui permet d’ouvrir sa gueule et de ne pas dépendre des lobbies. Il peut ainsi accuser Hillary Clinton d’être la marionnette des banques et d’Israël, regretter la liquidation de Kadhafi et de Saddam Hussein ainsi que de leurs pays respectifs, et toutes sortes de provocations à caractère sexiste. Trump, c’est l’Amérique profonde dans toute sa splendeur, qui n’a honte de rien, et qui ne se laisse pas abattre, ou moquer par les élites « progressistes » des deux côtes. Élites politiques et financières à l’Est, élites de la communication et des médias à l’Ouest. Entre Wall Street et Hollywood, il y a une Amérique qui bosse, se serre la ceinture, celle des petits Blancs qui en ont marre qu’on ne s’occupe que des victimes habituelles, les Noirs, les Juifs et les Femmes. C’est pas nous qui le disons, c’est eux.
« Go to Auschwitz, go to fuckin’ Auschwitz »
À cette poussée populiste le Système réagit toujours de la même façon : après une première phase d’étonnement (c’est toujours vendeur, au départ, le populisme, ça plaît aux médias, qui sautent dessus comme des vautours affamés sur une carcasse), vient la seconde phase, de destruction celle-là. Les ordres viennent d’en haut, et changent la donne. À partir d’un certain seuil, les flashs admiratifs se transforment en tirs groupés. Dès que le populisme peut « prendre », c’est-à-dire emporter la crédibilité des tenants du Système dans une vague incontrôlable, on lâche les chiens.
Concrètement, la presse commence à chercher noises, les meetings tournent mal, les associations interviennent, les provocations se font dangereuses. Aux États-Unis, les avancées « Kennedy » (1 et 2, en 1963 et 1968, ne l’oublions pas) et « Luther King » (1968), sont une frontière à ne pas franchir que tout le monde a bien intégrée, dans le monde politique qui suivra. On ne déconne pas éternellement et impunément avec l’État profond.
- Extrait du discours de Trump devant la Coalition juive républicaine le 3 décembre 2015. Il y critique, sous les sifflets, son rival Jeb Bush qui a, entre autres, accepté leur argent :« Vous n’allez pas me soutenir car je ne veux pas de votre argent. [...] Voilà pourquoi vous ne voulez pas me donner d’argent. Mais c’est d’accord, vous voulez contrôler votre propre homme politique. Je comprends. »
Les vigiles du Système sont donc en train de décrédibiliser Trump, avec tous les moyens disponibles. Nous ne sommes pas en train de dire que Trump est le candidat idéal, mais il a touché la clôture, et cela suffit pour déclencher les premières alarmes, et les premières salves. En dépit du fait que Trump et Clinton iront se confronter à l’AIPAC, le puissant lobby pro-israélien, les 20 et 22 mars, le milliardaire est dans le viseur.
En guise d’avertissement, voici une petite vidéo qui permettra, au cas où, d’appliquer l’amalgame infamant d’antisémitisme au candidat, avec ce supporter de Trump qui sort d’un meeting au Kansas et qui dit un gros mot avec « Auschwitz » dedans :