En Espagne, la cour suprême a décidé au mois de février que les banques devraient désormais rapporter au Trésor public les détails des transactions réalisées avec des billets de 500 euros, affirme El Pais.
Elle a révoqué ainsi une précédente décision de la Haute Cour d’appel qui avait conforté la Banco Pastor qui avait refusé à la fin de l’année 2006 de déclarer des transactions réalisées avec des billets de 500 euros, ainsi que des mouvements de plus de 10 000 euros auprès de l’Oficina Nacional de Investigación del Fraude (ONIF), une instance chargée de lutter contre la fraude.
Depuis mars 2011, les banques espagnoles doivent informer le fisc de toute transaction réalisée en espèces dépassant un montant de 3 000 euros.
Sur le plan pratique, les institutions financières devront identifier les auteurs de mouvements de trésorerie au moyen de leur numéro d’identifiant fiscal (NIF ou ID, selon qu’il s’agit d’entreprises ou de particuliers). Elles devront motiver les mouvements de montants supérieurs à 10 000 euros, ou la valeur nominale des billets utilisés. Les inspecteurs des impôts souhaitent également que l’on étende cette mesure aux opérations réalisées avec des billets de 200 euros. Le gouverneur de la Banque d’Espagne, Luis Linde, a déclaré qu’il n’avait pas de critères clairs sur ce sujet.
En février, la quantité de billets de 500 euros en circulation s’élevait à 39,6 millions d’euros, son plus bas niveau depuis 2005, en chute de 12,9% par rapport à 2013, indique la Banque d’Espagne. Leur nombre a constamment baissé sur les 20 derniers mois. Au total, la masse de billets en circulation en Espagne atteint 52,858 millions d’euros, ce qui signifie que les 79 millions de billets de 500 euros représentent les ¾ de cette masse.
L’Espagne est d’ailleurs le pays où ils sont le plus utilisés. En 2008, le New York Times avait publié un article qui indiquait qu’en 2006, un quart des billets de 500 euros se trouvaient en Espagne, alors que l’économie de ce pays à cette époque ne représentait que 11,5% du PIB de l’ensemble de la zone euro. Le journal affirmait que cette concentration témoignait de l’existence d’une importante économie souterraine dans le pays.
Les Espagnols avaient familièrement surnommé le billet de 500 euros « Ben Laden », car tout le monde savait qu’il existait, mais personne n’en avait jamais vu. La plaisanterie est passée de mode, suite au décès du terroriste, mais beaucoup se posent encore la question de savoir si l’existence du "super billet" est une bonne chose pour l’économie de la zone euro.
Alors que les billets de 500 euros ne représentaient que 13,7% du total des billets en euros en circulation au moment de l’introduction de l’euro, ils en représentaient 33% en Avril de l’année dernière. Selon une étude de la Banque Centrale Européenne (BCE), au plan européen, seulement un tiers des billets de 500 euros en circulation sont utilisés pour les transactions. Le reste est utilisé pour la thésaurisation, principalement pour les profits issus d’activités délictueuses et d’évasion fiscale.
Il est donc régulièrement question de supprimer le billet de 500 euros, notamment pour ramener les milliards d’euros de l’économie souterraine dans l’économie productive. Le journal espagnol La Vanguardia est aussi de cet avis : « Avons-nous réellement besoin des billets de 500 euros ? les experts en doutent parce que leur utilisation se concentre sur les fraudes, mais pas dans l’économie réelle. Les autorités britanniques savaient ce qu’ils faisaient en 2011 lorsqu’ils les ont retirés de la circulation, parce qu’ils dissimulent souvent des activités délictueuses… Aujourd’hui, les autorités sont sur le point de savoir où ils se trouvent, comme cela s’est produit avec le chef d’Al Qaïda, lequel leur a donné leur surnom ».
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