Dans son livre Frangin, qui paraît le jeudi 26 mars, la comédienne tente de comprendre ce qui a amené son frère aîné à devenir cet homme aux idées extrémistes et ami de Dieudonné. Extraits.
Le 26 mars, la comédienne Agnès Soral publie un livre titré Frangin. Le frangin en question, c’est Alain Soral, homme réputé pour ses idées extrémistes, ami de Dieudonné, qui se définit lui-même comme étant un « national-socialiste » même s’il ajoute que ce n’est pas dans l’acceptation courante de ce terme.
Dans Frangin (éditions Michel Lafon), Agnès Soral ne parle pas que de ce frère encombrant si éloigné de ses propres idées. Elle retrace son parcours, ses souvenirs, ses nombreuses blessures familiales – un père tyran qui écrasait femme et enfants –, sa détermination à devenir comédienne contre l’avis de ce père. L’actrice révélée par Un moment d’égarement et par Tchao Pantin raconte son histoire familiale pour tenter d’expliquer l’incompréhensible : pourquoi ce grand frère est devenu ce qu’il est, alors que tout au long de leur vie commune, même adulte, elle peut affirmer qu’il n’était pas antisémite du tout. Dans ce livre, Agnès Soral livre de nombreuses anecdotes. Elle ne juge pas. L’exergue de son récit n’est-il pas : « Je sais que la mémoire est sélective et fluctuante, mais c’est comme cela que je l’ai vécu et ressenti » ? [...]
Extraits.
« Il parle de lui à la troisième personne »
« Je pianote sur le Web et suis épatée de voir le nombre de vidéos enregistrées par mon frère et comment il a envahi la Toile. Les médias lui ayant fermé la porte, il est entré par la petite fenêtre des ordinateurs en se filmant lui-même chez lui sur son petit canapé rouge pour s’exprimer, jour après jour, année après année.
D’abord pour régler ses comptes et donner un avis sur tout : le rap, le cinéma, puis la politique afin de susciter la polémique et d’exciter le plus de réactions dans le but que ça fasse du bruit et d’être repéré. Quel dommage qu’il n’ait pas passé autant de temps sur le canapé d’un professionnel à parler de ses blessures. Ne serait-ce que pour trouver la paix. Ses tics, que je ne lui connaissais pas, déforment sa bouche en un rictus même s’il a l’air de plus en plus satisfait d’avoir des émules. Maintenant il parle de lui à la troisième personne en disant “Écoutez Soral”.
Il y a plus de vingt ans, il est allé voir un psychiatre lacanien réputé. Il se trouve que je le connaissais. Il m’a raconté amusé que mon frère ne souhaitait pas poursuivre la psychothérapie et s’était plaint du coût de la séance. Pour rentrer dans ses frais, Alain s’était même débrouillé pour se faire inviter à dîner aux Bains Douches par le médecin. » [...]
« Les pédés et les “feujes” qui tiennent le cinéma »
« Avec la sortie en 1999 de son quatrième livre, Vers la féminisation ? Démontage d’un complot antidémocratique, Alain n’eut pas le succès de ses précédents ouvrages, Sociologie du dragueur et Le jour et la nuit, ou La Vie d’un vaurien, un très bon roman.
– La presse féminine me boude, m’affirma-t-il, et les ventes en librairie ne décollent pas car les vendeuses me boycottent et ne déballent même pas mon livre.
Il sortit ensuite deux pamphlets, Abécédaire de la bêtise ambiante : jusqu’où va-t-on descendre ? en 2002, et en 2003 Socrate à Saint-Tropez, où il tire au vitriol sur tout ce qui bouge, dont Dieudonné d’ailleurs, et même sur ses amis journalistes.
Puis Alain se calma et réédita La Vie d’un vaurien, en 2001, à l’occasion de son adaptation en film (Confession d’un dragueur), un bide, mais selon lui “culte mais rejeté par les pédés et les feujes qui tiennent le cinéma”. C’était la première fois que je l’entendais dire que cette communauté le rejetait parce qu’il était “goy” [1] et ne l’acceptait pas pour cela dans le sérail. J’ai beaucoup aimé son second roman, Misères du désir, en 2004, un petit flop malgré ses réelles qualités. Cette année-là, j’appris qu’Alain s’était vu comme moi refuser l’entrée chez les francs-maçons. Il en critiqua plus tard publiquement l’existence avec véhémence. »