Parallèlement au stérile et infini « processus de paix » israélo-palestinien, se poursuit une autre saga : le « processus de paix » entre les principales factions palestiniennes du Hamas et du Fatah.
Le Hamas dirige l’Autorité palestinienne (AP) assiégée et isolée dans la bande de Gaza, tandis que le Fatah, avec le plein appui des États-Unis, de l’Union européenne, d’Israël et des régimes arabes, dirige l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
Aujourd’hui, avec beaucoup de fanfare, les dirigeants du Hamas et de l’Organisation de Libération de la Palestine dominée par le Fatah (OLP) ont signé un accord de « réconciliation » à Gaza.
Ses termes incluent la formation dans les cinq semaines à venir d’un « gouvernement d’union nationale » dirigé par le chef du Fatah, Mahmoud Abbas, et l’organisation d’élections dans la bande de Gaza et en Cisjordanie sous occupation dans les six mois.
N’allons pas si vite !
« C’est la bonne nouvelle que nous annonçons à notre peuple : l’ère de la division est terminée », a déclaré a déclaré lors de la conférence de presse annonçant l’accord, Ismail Haniyeh le Premier ministre de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza, dirigée par le Hamas. ,
L’enthousiasme avec lequel de nombreux Palestiniens ont salué l’accord reflète leur réelle frustration face à cette division de si longue durée, et leur attente d’une direction véritablement nationale.
Mais la déclaration de Haniyeh est plus que prématurée. Cette « réconciliation » ne va pas connaître plus de succès que les précédents accords signés au Caire en 2011, à Doha en 2012 et à nouveau au Caire en 2012.
Divergences fondamentales
Les raisons en sont simples : les divergences entre le Fatah et le Hamas sont fondamentales et n’ont en rien changé.
Le Hamas, bien qu’il observe actuellement un cessez convenu en novembre 2012 et négocié avec Israël [par l’intermédiaire du Président égyptien Mohammed Morsi - N.d.T], maintient son engagement à la résistance militaire. Abbas maintient son engagement à une collaboration active avec l’occupant - poliment appelée « coordination de sécurité » - visant à démanteler toutes les capacités palestiniennes de résistance militaire face à Israël.
Il n’y a pas de juste milieu entre ces deux positions et il ne peut y avoir aucune confiance sur le terrain entre les services de sécurité d’Abbas supervisés par les États-Unis, et les propres forces de police et militaires du Hamas.
D’excellentes relations avec l’occupation
Rien que hier, Abbas a réaffirmé selon le quotidien israélien Haaretz, que « en ce qui le concernait, la coordination sécuritaire avec Israël continuera aussi longtemps qu’il demeurera en fonction. »
« C’est un devoir, pas un choix », a déclaré Abbas. « Même quand il n’y avait pas de négociations, nous avons poursuivi la coordination de la sécurité afin d’éviter les effusions de sang et le chaos. Notre relation avec les militaire [israéliens] et leurs services de sécurité sont bonnes, et nous veillons à les maintenir. »
Après les dernières élections Cisjordanie et de Gaza en 2006, l’autorité de M. Abbas a conspiré avec Israël, l’Égypte et les États-Unis pour saper le gouvernement d’unité nationale de l’époque. Le coup de force soutenu par les États-Unis a conduit à une guerre civile palestinienne brève et sanglante, et à la division politique actuelle entre la Cisjordanie et Gaza .
Abbas : allié inébranlable d’Israël
Abbas est resté l’un des plus redoutables alliés d’Israël dans sa guerre contre la résistance en général et le Hamas en particulier. Israël avait averti préalablement Abbas de son invasion de la bande de Gaza l’hiver 2008-2009. Mais Abbas n’a rien fait pour avertir les Palestiniens et d’épargner la vie des 1400 victimes, principalement des civils, tuées par Israël.
Abbas et ses associés ont constamment insisté pour que soit renforcé le blocus dévastateur d’Israël sur la bande de Gaza.
Dans la seule année 2011, selon des sources israéliennes, les forces d’occupation israéliennes et l’Autorité palestinienne ont tenu 764 réunions de « coordination sécuritaire » destinées à prévenir la résistance palestinienne à l’occupation.
Plus récemment, en 2012, Abbas a demandé de façon publique des armes à Israël, qu’il disait vouloir utiliser pour assurer « la sécurité d’Israël ».
L’Autorité palestinienne d’Abbas joue exactement le même rôle que « l’Armée [collaborationniste] du Liban Sud » armée et financée par Israël au cours de son occupation du sud du Liban durant 22 années.
Il est tout simplement absurde d’imaginer un « gouvernement d’unité nationale » dans lequel un côté soutient la résistance armée tandis que l’autre reste pleinement engagé à servir de sous-traitant à l’occupation israélienne.
Voué à l’échec
Il a fallu quelques heures seulement pour qu’Israël et son parrain les États-Unis annoncent leur opposition au récent accord de réconciliation. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé qu’il convoquerait son « cabinet de sécurité » pour discuter de la question, et il a déclaré que Abbas devra choisir entre « la paix » avec Israël ou la paix avec le Hamas, mais pas les deux.
Le Département d’État américain a annoncé - sans peur du ridicule - que l’accord pourrait « compliquer » les efforts de paix, par ailleurs inexistants.
La ligne de fond est la suivante : l’Autorité palestinienne d’Abbas existe et fonctionne entièrement à la discrétion d’Israël et des États-Unis. Israël ne permettra ni « réconciliation » ni élections, s’il les juge contraires à ses intérêts.
Abbas ne dispose d’aucune marge de manœuvre face à ses commanditaires. Les États-Unis l’ont récemment sévèrement mis en garde contre la dissolution de l’Autorité palestinienne, et à présent ils s’opposent une fois de plus à la réconciliation.
Israël et les États-Unis veulent que l’ Autorité palestinienne reste exactement comme elle est, uniquement capable de servir les besoins d’Israël.
Alors, pourquoi signer cet accord ?
S’il n’y a aucune chance de succès, pourquoi le Hamas et le Fatah signent-ils à nouveau un accord pour la réconciliation ? Pour le Hamas, c’est une initiative désespérée, isolé comme il l’est dans la bande de Gaza, soumis au blocus d’Israël et du régime putschiste égyptien soutenu par les États-Unis.
Pour Abbas, c’est gagnant-gagnant. Il utilise le Hamas pour tenter de faire pression sur les États-Unis et Israël suite à l’échec des négociations, pour les mêmes raisons qu’il à récemment signé un certain nombre de traités des Nations Unies. Dans le même temps, il sait bien que l’accord ne mènera nulle part parce qu’Israël et les États-Unis ne le permettront pas.
Mais en signant pour une (nouvelle) réconciliation, il renforce sa propre position, se lave de l’accusation de complicité avec les crimes d’Israël et - avec la bénédiction du Hamas - cimente son image en tant que « leader national » légitime.
Les Palestiniens ne devraient pas s’y tromper : toute réconciliation qui laisse en place le régime collaborationniste de l’AP - exécuteur des basses oeuvres de l’occupation - ne pourra jamais donner le jour à la direction unifiée qu’ils attendent et qui sera capable de tenir tête à Israël.
Bien qu’il puisse servir les intérêts politiques à court terme des organisations impliquées, un tel accord ne fera que compromettre les droits du peuple palestinien et nuire à sa lutte pour la libération.
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