Plusieurs documents tendent à démontrer que l’officier nazi, enlevé la veille du massacre d’Oradour-sur-Glane, n’est pas inhumé à Berneuil.
La dépouille de l’officier SS Helmut Kämpfe repose-t-elle bien au cimetière allemand de Berneuil, au sud de Saintes, comme inscrit sur la tombe ? Pour Michel Baury, « écrivain et collecteur de mémoire », la question ne se pose plus. Cet ancien ingénieur en génie atomique a amassé pendant plusieurs années des documents qui tendent à démontrer que les ossements enterrés à Berneuil n’appartiennent pas au commandant Kämpfe, enlevé par le maquis FTP de Guingouin, la veille du massacre d’Oradour-sur-Glane.
Falsification
Aidé de deux autres passionnés, Jean Jollivet et Patrick Charron, il souhaite à tout prix « rétablir la vérité » et ainsi « faire tomber tout un pan de mur du négationnisme », qui défend que l’officier supérieur de la division Das Reich serait avant tout une victime et que son enlèvement aurait directement entraîné, en guise de représailles, les terribles événements du 10 juin 1944.
François Hollande interpellé
Michel Baury veut profiter de la venue de François Hollande et du président allemand Joachim Gauck, ce mercredi à Oradour-sur-Glane, pour donner un large écho à ses recherches et ses révélations.
Dans un courrier adressé au mois d’août à François Hollande, il écrit :
« Il s’agit d’une occasion inespérée de rendre totalement inopérant le développement des thèses négationnistes qui visent à justifier le massacre d’Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944. C’est pourquoi je m’adresse une nouvelle fois solennellement à vous, afin que tous les efforts de la diplomatie française soient mis à la disposition de la vérité dans cette affaire, en particulier à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire du traité scellant l’amitié franco-allemande. »
Le Service d’entretien des sépultures militaires allemandes a récemment fait savoir à Michel Baury qu’il était « juridiquement incompétent pour procéder à l’exhumation du soldat inconnu de Berneuil dont la dalle a été gravée au nom de Kämpfe ».
Le « collecteur de mémoire » s’interroge avec véhémence : « Doit-on en conclure qu’il y a une réelle volonté allemande d’entretenir une certaine écriture de l’histoire d’Oradour ? » Il sait le sujet délicat, mais c’est la question que Michel Baury aimerait pouvoir poser ce mercredi aux présidents allemand et français.
C’est en préparant un essai sur « la falsification allemande autour du massacre d’Oradour-sur-Glane et de la libération de Limoges » (il sera publié l’an prochain) que Michel Baury est tombé sur l’incohérence des mentions du cimetière allemand de Berneuil.
Il rapporte que, selon les sources du WAST (le bureau des états de service des militaires allemands), l’exécution du commandant Kämpfe aurait eu lieu à Cheissoux, une petite commune de Haute-Vienne, située à plus de 50 kilomètres d’Oradour-sur-Glane. Selon ces mêmes sources, le corps aurait été inhumé à Breuilaufa, commune située à 14 kilomètres du village martyr, une proximité géographique qui alimente les thèses négationnistes.
C’est donc à Breuilaufa que la « falsification » a été mise en œuvre, affirme Michel Baury. Oui, il y a bien eu cinq soldats allemands enterrés à Breuilaufa, mais aucun d’entre eux n’était le commandant Helmut Kämpfe.
Pour étayer ses propos, il cite, entre beaucoup d’autres documents, un procès-verbal de la gendarmerie du 29 mai 1946 mentionnant qu’aucun des restes humains n’avait de plaque d’identification et que les relevés sur la dentition ne correspondaient en rien à celle de Helmut Kämpfe, qui avait pour particularité de porter des dents en or. Ce qui lui avait d’ailleurs valu d’être surnommé « Gueule d’or ».
En 1963, les cinq corps de soldats allemands, déclarés inconnus sur le PV de gendarmerie de 1946, ont été exhumés du cimetière de Breuilaufa et ont rejoint les sépultures allemandes de Berneuil, en Charente-Maritime. Apparaît alors, sans raison objective, l’inscription « Helmut Kämpfe Stubaf », devant laquelle une rose blanche est déposée chaque année. « Cette tombe sert d’autel aux négationnistes », s’insurge Michel Baury.
Enterré à l’orée d’un bois
Mais si le corps qui repose à Berneuil n’est pas celui de Kämpfe, où a été enterré l’officier nazi ? Pour les trois historiens amateurs, confortés par des témoignages de maquisards, il ne fait aucun doute qu’Helmut Kämpfe a été exécuté avec un autre prisonnier à l’orée d’un bois à Cheissoux. « Gueule d’or » aurait été enterré sur place, avec cet autre soldat. Et y serait toujours.
En juin, dans les colonnes du « Populaire du centre », le porte-parole du Service d’entretien des sépultures militaires allemandes admettait qu’il y avait un doute sur l’authenticité des ossements attribués à Kämpfe.
Mais il indiquait aussi qu’il était impossible d’effacer la mention sur la dalle tant qu’il n’était pas démontré que la dépouille n’était effectivement pas passée par Breuilaufa.
Une réponse qui ne satisfait évidemment pas Michel Baury, prêt à livrer toutes les pièces historiques justificatives pour que la mention de Berneuil soit effacée.