Le « facteur de Neuilly » est devenu la coqueluche des médias même si ce dirigeant trotskiste, soigneusement entouré, n’a sans doute de Trotski que l’étiquette. N’ayant que très peu exercé sa profession, ce permanent politique est l’incarnation des nouveaux « bobos » : ce fonctionnaire, surnommé « l’Amélie Poulain de la vie politique », habite Montmartre avec une éditrice. Ses amis sont Joey Starr ou Monsieur R. Pas un ouvrier à l’horizon. Comme ses aînés qui trustent aujourd’hui les meilleures places de la classe politico-médiatique après avoir flirté avec Mao, Staline et Lénine, il a largement rallié le libéralisme mondialiste, se contentant d’exiger des évolutions sociales et culturelles. Mais le bourgeois aime toujours se faire peur en fréquentant la canaille. Et adore le voir chez Michel Drucker.
« Ce que je veux, c’est la révolution. Les révolutions sont toujours pacifiques au début. C’est quand les classes dominantes réagissent que ça dégénère. Pour éviter le bain de sang, il faut donner des armes à la population. Au Chili, si Allende avait accepté d’armer la population comme on le lui demandait, ça se serait sûrement mieux passé. » Olivier Besancenot, Révolution ! 100 mots pour changer le monde (Flammarion, 2006). « Mon petit vélo à moi, c’est de faire la révolution. » Olivier Besancenot, Révolution. « Besancenot, la révolution à visage poupin. » Le Figaro, 16 avril 2002. « Je suis contre l’Union européenne telle qu’elle s’est construite, une Europe forteresse, riche, blanche et chrétienne. » Olivier Besancenot, campagne présidentielle 2007. « Le “Grand Soir”, personne n’en veut ! Besancenot lui-même a des doutes. C’est qu’il a les traites de sa machine à laver à payer. Il est dans le système. » Pierre Combescot, Libération, 22 mars 2008. « Olivier Besancenot, c’est le grand garçon tout simple qui pleure quand on le traite d’antisémite. Ca s’est passé, il y a quelques semaines, sur un plateau de télévision. […] Sa larme, Besancenot l’a un peu sous-jouée. Pour ainsi dire, c’était une larme rentrée. Le liquide est resté dans l’oeil, il n’a pas glissé sur le maquillage […] On était loin de la prise du palais d’Hiver. » Patrick Besson, Le Point, 7 mars 2003.
Le « facteur de Neuilly » est né le 18 avril 1974 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Sa famille s’installera par la suite dans un pavillon avec jardin sur les hauteurs de Louviers (Eure). Son père est professeur de collège en physique, sa mère, ancienne institutrice, a été psychologue scolaire (elle est à la retraite).
Ses parents sont de gauche, souvent présentés comme de tendance socialiste et ne militant pas. Ce qui est totalement inexact. Si on sait que sa mère, Geneviève Besancenot, a été candidate sur la liste LCR aux élections municipales (32e position sur 33) en mars 2008 ; on ignore qu’elle figurait déjà sur la liste LCR en 2001, liste conduite par Gérard Prévaut (ouvrier à Renault-Cléon, qui avait obtenu 10,1 % des suffrages).
Son frère est ingénieur informaticien [tandis que] son épouse, Laurence Besancenot, figurait sur la liste de l’UMP Antoine Rufenacht au Havre en mars 2008. De là, des réunions de famille où l’on évite de parler politique à table…
Sa soeur est hôtesse de l’air. A noter qu’il a été le seul candidat à l’élection présidentielle à refuser à Généalogie-Magazine (avril 2007) de publier son ascendance.
C’est en 1988, à la suite d’un « meurtre raciste » nocturne, qu’Olivier Besancenot aurait rejoint SOS-Racisme, se rapprochant presque aussitôt de la Ligue communiste révolutionnaire, entrant aux Jeunesses communistes révolutionnaires, dont il anime le bureau national de 1993 à 1997. « Il fut formé, repéré, promu, couvé, désigné » note Le Nouvel observateur (1er novembre 2001) à propos de son parcours et de sa formation par les caciques de la LCR. En fait, il est recruté, formé et conseillé par son professeur d’allemand, Pierre Vandevoorde, animateur local de SOS-Racisme et membre de la LCR. C’est lui qui lui fera connaître, non Léon Trotski (« Trotski, ça ne me parle pas »), mais Che Guevara, auquel il consacrera un essai, Che Guevara, une braise qui brûle encore (avec Michaël Löwy, Mille et une nuits, 2007).
Il n’a pas vraiment lu les classiques du trotskysme mais assimilé les leçons. « Quand il martèle trop ses formules, il fait trotskiste de caricature : le slogan toujours prêt et toutes les ficelles des arts martiaux politiques » (Le Nouvel observateur, 5 décembre 2002).
L’influencera également son professeur d’histoire, Monique Georges, fille du Colonel Fabien, chef FTP, qui a donné son nom à la place où est installé le Parti communiste.
Deux ans plus tard, en 1990, lors des grèves étudiantes et lycéennes, il organise la grève dans son lycée (Les Fontenelles) de Louviers, même s’il prétend (Paris Match, 26 septembre 2002) qu’elle fut totalement spontanée.
A 18 ans, en 1992, il rejoint la capitale, s’inscrit en histoire à la faculté de Nanterre, passe une licence et se retrouve à la « une » de Libération lors des grèves de 1995 dont il est l’un des principaux meneurs dans cette faculté réputée de gauche.
Magasinier chez Shopi 6 heures par semaine, il y monte un syndicat CGT. En parallèle, il sera candidat sur la liste LCR à Louviers en 1995.
En 1997, il passe le concours de La Poste (après avoir abandonné un an avant le Capes) et devient facteur. Pour la sécurité de l’emploi comme il l’explique et même le revendique (Le Nouvel observateur, 8 mai 2008). Un travail aussi de tout repos qui assure une retraite très jeune. « Titulaire d’une licence et d’une maîtrise d’histoire contemporaine, il est entré à La Poste sur concours pour obtenir un emploi de facteur. Il est emblématique du déclassement social à la française. Comme beaucoup de surdiplômés, contraints d’accepter des jobs sousqualifiés » (Le Monde, avril 2007).
Mais le même journal indique : « Dans l’inconscient collectif, le facteur est porteur de lien social. Et justement, ce facteur-là répond au manque du lien social, qui se délite sous les coups d’une société de plus en plus individualiste et précaire […] Olivier Besancenot, salarié au bas de l’échelle, n’est pas perçu comme professionnel de la politique. »
Il entre donc au centre de tri de sa ville natale, participant activement au lancement de Sud-PTT, le syndicat d’extrême gauche de La Poste (fondé par Christophe Aguiton, membre de la LCR).
Puis, il passe à Neuilly : « Son arrivée à la Poste a été soigneusement fabriquée » avoue Valérie Astruc, la journaliste de Canal +, avec laquelle il a corédigé un livre (Technikart, décembre 2006). Tout comme Médiapart, le site de l’ex-trotskyste Edwy Plenel (14 mai 2008) : « Il en a fait tant et tant pour s’identifier au personnage de préposé postal, de surcroît affecté à Sarko-city (à croire que La Poste est de mèche !), que démissionner de son emploi vaudrait maintenant démonétisation politique. » En réalité, il n’exerce que très peu : mis en disponibilité en 2000, il devient l’assistant parlementaire d’Alain Krivine au Parlement européen.
En 1995, il vote Arlette Laguiller au premier tour et Lionel Jospin au second. Coopté à la LCR en 1991, il a rejoint sa direction nationale en 1996 et est entré au bureau politique en 1998.
Un an plus tard, il revient à La Poste, et sera affecté à Neuilly-sur-Seine, au bureau du boulevard Bineau. L’un des bureaux de France les plus bourgeois et les plus tranquilles, à deux pas de Paris. Officiellement, il gagne 1 058 euros net pour un mi-temps à 70%.
Le « trotskiste à visage gamin » (La Croix, 10 avril 2007) sera imposé comme candidat aux élections présidentielles de 2002 par la direction à sa base militante, sans aucune véritable discussion. Libération (3 septembre 2001) indique que « les militants de la Ligue (ont été) peu consultés sur le choix de ce candidat ».
La décision aurait été prise par trois dirigeants de la Ligue, Krivine, Léonce Aguirre et François Sabado (L’Express, 8 mai 2008). [Sabado est un] vétéran de la Ligue, ancien envoyé spécial de la LCR chez les brigadistes sandinistes du Nicaragua, il deviendra le principal conseiller et « coach » de Besancenot, voire son superviseur/commissaire politique. Pour L’Express (24 mai 2004), il « serait le dirigeant le plus influent de la Ligue ». Il siège au bureau de la IVe Internationale, signe de son rôle majeur, tout comme Alain Krivine, et trois autres presque inconnus, Christophe Aguiton (fondateur de Sud et pilier de l’altermondialisme), Daniel Bensaïd et Janette Habel.
Mais Besancenot n’en n’est pas, signe de son importance secondaire dans le véritable appareil trotskiste (tout comme Arlette Laguiller n’était même pas membre du bureau politique de Lutte ouvrière lorsqu’elle fut candidate pour la première fois à l’élection présidentielle).
Aux yeux des médias et de l’opinion, il a pourtant remplacé désormais Alain Krivine, candidat sans interruption depuis 1969, comme figure médiatique de la « Ligue ». La rumeur, jamais vérifiée réellement, lui prête alors de devoir cette nomination au fait d’avoir été « longtemps proche d’une des filles d’Alain Krivine » (Le Rapport Omerta 2003 de Sophie Coignard, Albin Michel).
Toujours est-il qu’aujourd’hui, il roucoule dans un coquet trois pièces (propriétaire et non locataire) de la butte Montmartre, dans la partie la plus sélecte, le quartier des Abbesses. Cet appartement de 55 m2 a été acheté 204 500 euros (via, pour Besancenot, qui en a 50 %, un prêt à tarif très avantageux offert par son employeur, La Poste), mais dans sa déclaration de fortune de candidat, il indique ne détenir un patrimoine (que) de 37 000 euros. Entre-temps, il avait vendu son premier studio dans le XVIIIe arrondissement, acheté 34 447 euros en 1999 et revendu, en 2004, 100 000 euros (Le Point, 25 janvier 2007).
Sa compagne, union libre oblige (mais avec un enfant, Roman) s’appelle Stéphanie Chevrier. Une superbe blonde qui est directrice littéraire aux éditions Flammarion. C’est d’ailleurs là que le couple s’est formé, à l’occasion de la sortie du livre de Besancenot, Révolution ! Cent mots pour changer le monde. En son temps, elle fut la compagne du chanteur Yves Simon. Selon Entrevue (30 mars 2007), elle gagne plus de 10 000 euros par mois. La belle fréquente la « haute » tout en signant des pétitions. On retrouve ainsi son nom dans l’Appel des 200 contre la Constitution européenne.
SD (15 juin 2006) indiquait l’un de ses « hobbies » : « Dès qu’elle le peut, elle file passer quelques jours en Corse avec son compagnon. » Le Monde parle également de vacances aux Antilles. Les vacances se passent souvent dans le Lubéron, à Auribeau. Et il a passé deux semaines de vacances, en avril 2008, à Cuba (où il a rencontré la veuve et la fille de Che Guevara ainsi qu’un responsable du PC cubain) et au Vénézuela, où il a été reçu par le ministre chargé des Affaires européennes.
Bref, une incarnation de la gauche « boboïsée » friquée qui carbure à toutes les modes : Montmartre, les calanches, le milieu germanopratin. Et pas les banlieues pourries, les vacances en caravane et les bistrots de grande surface. Besancenot continue pourtant à se présenter, dans un discours bien rodé, comme « un salarié comme les autres ».
Certains s’étonnent de le voir à Vivement dimanche de Michel Drucker le 11 mai 2008. Mais on a déjà oublié un entretien à Gala (13 février 2003), ou le 5 mai 2003, quand le « facteur people » avait accepté un entretien croisé avec… Massimo Gargia, le pique-assiette de la « jet-set ». La même année, il participait aux Grosses têtes de Philippe Bouvard sur RTL, riant copieusement aux blagues salaces. Ou encore avait récemment enregistré une émission pour Groland sur Canal +.
Dans la revue Contretemps (septembre 2004), le porte-parole de la LCR a fait connaître ses états d’âme et exprime des regrets sur son « activisme » passé et évoque la « souffrance » de son engagement politique. Bref, il revendique le droit à « vivre tranquillement sa vie » sans être jugé par son parti.
Cet « enfant de la télé, de Coluche et du rap » (Le Nouvel observateur, 8 mai 2008) est un proche ami de Joey Starr (rencontré via le collectif Devoirs de mémoires, lancé au printemps 2005 par Jean-Claude Tchicaya) et Monsieur R (alias le Belge Richard Makela) sulfureux rappeur, auteur de la « Fransse » raciste. Il a même enregistré un morceau sur Che Guevara et participé à Antisocial. En retour, Monsieur R lui a offert une version de L’Internationale en reggae pour sa campagne présidentielle.
En parallèle, il milite activement dans diverses associations internationalistes antimondialistes, comme Attac dont il a largement développé l’influence au Parlement européen. Il est d’ailleurs responsable des mouvements antimondialisation au sein du bureau de la Ligue ainsi que de la commission « interventions dans les entreprises ».
Au Forum social de Porto Alegre (Brésil), il coordonne l’action des députés et élus européens présents.
A Nice, il fera preuve de tant d’activisme qu’il se fera casser la main par une matraque policière.
Alors même qu’il était l’un des plus chauds partisans de l’alliance avec Lutte ouvrière (dont le chef de file de cette tendance au sein de la LCR est Léonce Aguirre), il sera quand même désigné comme candidat et adoptera dès lors le discours inverse de celui qu’il défendait précédemment.
Son équipe de campagne comprend Pierre-François Grond, professeur d’histoire en Seine-Saint-Denis, qui sera le mandataire financier, Jean-Robert Velveth, directeur de campagne, Aline Pailler, ancien député européen (sur la liste PCF), en charge de la campagne officielle. Durant la campagne, sans aucune surprise quant au programme (cf. Génération Besancenot, Le Monde, 11 avril 2002), il se prononce pour la dépénalisation de toutes les drogues, y compris de l’héroïne (Libération, 17 janvier 2002).
Se définissant comme le candidat « 100 % à gauche », il réalise l’excellent score de 4,25 % (1,3 million de voix) au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, alors que chacun donnait Arlette Laguiller (Lutte ouvrière) beaucoup plus nettement détachée.
Il humilie surtout, pour la première fois, le Parti communiste, représenté par Robert Hue (3,37 %) Ce qui a permis à la LCR de combler largement ses pertes militantes : elle était passée de 3 000 adhérents à moins de 1 000 en vingt ans. Quelques semaines plus tard, la LCR réalise un score beaucoup plus médiocre aux élections législatives.
Lui-même sera candidat dans la 19e circonscription de Paris, où il obtient 5,47% face au socialiste Daniel Vaillant.
Cet « homme de lettres » a signé Tout est à nous ! (avec Valérie Astruc, journaliste à Canal +, Denoël, 2002) et un livre-programme Révolution, 100 mots pour changer le monde (avec François Sabado, Flammarion, 2003). A sa sortie, Le Point présente l’ouvrage comme un « manifeste romantico-révolutionnaire […] une invitation au voyage vers la contrée d’Utopie. Chez lui, les communards “montent à l’assaut du ciel” et, sous le passe-montagne du sous-commandant Marcos, c’est une “armée de rêveurs” qui s’ébranle. On connaissait la politique-fiction. Olivier Besancenot vient d’inventer la politique-poésie. »
Et Libération (26 mars 2003) : « Pour Besancenot, Mick Jagger voisine avec Trotski, et Joe Strummer (le leader décédé de The Clash, son groupe favori), côtoie Lénine. » Bref, Besancenot ne fait pas peur. Ce qui lui a sans doute valu, la même année, de recevoir le prix du Trombinoscope 2002 comme « révélation politique de l’année ».
Le « Tintin de la politique », avec sa bouille ronde, a ensuite conduit la liste LCR/LO aux élections européennes de juin 2004 en Ile de France, obtenant seulement 2,78 % (Arlette Laguiller était 2e de liste). Durant la campagne présidentielle de 2007, BVA lui attribue 40 % d’opinions favorables, juste derrière Bertrand Delanoë. Quelques mois auparavant, Le Journal du dimanche lui donnait 7% d’intentions de vote, avec 22 % pour la génération née entre 1977 et 1982 (le dernier baromètre Ifop-Paris Match 2008 le donne à 62 % d’opinions favorables).
Mais, en mai 2007, il n’obtient que 4,07 %. Un score nettement plus faible que prévu. Mais il écrase pour la première fois Arlette Laguiller (1,33 % contre 5,3% en 1995 et 5,72 % en 2002), José Bové (1,32 %) et Gérard Schivardi (0,34 %).
Le vieux rêve de la LCR est réalisé : avec la déconfiture des organisations trotskistes rivales, la LCR est désormais le principal pôle de la gauche radicale. De là, la volonté de supprimer la Ligue communiste révolutionnaire (3 300 membres) au profit d’un vrai parti d’extrême gauche réunissant déçus du PS et du PC et la gauche radicale (10 000 adhérents espérés).
Après avoir abandonné, en novembre 2003, le principe de la « dictature du prolétariat », l’objectif est la création du Nouveau Parti anticapitaliste, « de masse, écologiste et féministe », qui devrait voir le jour d’ici la fin de l’année ou au début de 2009. Et qui sera sans doute « une forme allégée du vieux rêve de “grand parti révolutionnaire” que chaque trotskiste porte en son coeur » (Mediapart, 14 mai 2008).
Un projet qui inquiète pourtant le Parti socialiste : une commission a été constituée le 14 mai, à l’initiative de François Hollande, pour « analyser l’impact que pourrait avoir la création d’un pôle de radicalité ».
Emmanuel Ratier
Source : Faits et Documents, n° 256, Juin 2008
« Ce que je veux, c’est la révolution. Les révolutions sont toujours pacifiques au début. C’est quand les classes dominantes réagissent que ça dégénère. Pour éviter le bain de sang, il faut donner des armes à la population. Au Chili, si Allende avait accepté d’armer la population comme on le lui demandait, ça se serait sûrement mieux passé. » Olivier Besancenot, Révolution ! 100 mots pour changer le monde (Flammarion, 2006). « Mon petit vélo à moi, c’est de faire la révolution. » Olivier Besancenot, Révolution. « Besancenot, la révolution à visage poupin. » Le Figaro, 16 avril 2002. « Je suis contre l’Union européenne telle qu’elle s’est construite, une Europe forteresse, riche, blanche et chrétienne. » Olivier Besancenot, campagne présidentielle 2007. « Le “Grand Soir”, personne n’en veut ! Besancenot lui-même a des doutes. C’est qu’il a les traites de sa machine à laver à payer. Il est dans le système. » Pierre Combescot, Libération, 22 mars 2008. « Olivier Besancenot, c’est le grand garçon tout simple qui pleure quand on le traite d’antisémite. Ca s’est passé, il y a quelques semaines, sur un plateau de télévision. […] Sa larme, Besancenot l’a un peu sous-jouée. Pour ainsi dire, c’était une larme rentrée. Le liquide est resté dans l’oeil, il n’a pas glissé sur le maquillage […] On était loin de la prise du palais d’Hiver. » Patrick Besson, Le Point, 7 mars 2003.
Le « facteur de Neuilly » est né le 18 avril 1974 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Sa famille s’installera par la suite dans un pavillon avec jardin sur les hauteurs de Louviers (Eure). Son père est professeur de collège en physique, sa mère, ancienne institutrice, a été psychologue scolaire (elle est à la retraite).
Ses parents sont de gauche, souvent présentés comme de tendance socialiste et ne militant pas. Ce qui est totalement inexact. Si on sait que sa mère, Geneviève Besancenot, a été candidate sur la liste LCR aux élections municipales (32e position sur 33) en mars 2008 ; on ignore qu’elle figurait déjà sur la liste LCR en 2001, liste conduite par Gérard Prévaut (ouvrier à Renault-Cléon, qui avait obtenu 10,1 % des suffrages).
Son frère est ingénieur informaticien [tandis que] son épouse, Laurence Besancenot, figurait sur la liste de l’UMP Antoine Rufenacht au Havre en mars 2008. De là, des réunions de famille où l’on évite de parler politique à table…
Sa soeur est hôtesse de l’air. A noter qu’il a été le seul candidat à l’élection présidentielle à refuser à Généalogie-Magazine (avril 2007) de publier son ascendance.
C’est en 1988, à la suite d’un « meurtre raciste » nocturne, qu’Olivier Besancenot aurait rejoint SOS-Racisme, se rapprochant presque aussitôt de la Ligue communiste révolutionnaire, entrant aux Jeunesses communistes révolutionnaires, dont il anime le bureau national de 1993 à 1997. « Il fut formé, repéré, promu, couvé, désigné » note Le Nouvel observateur (1er novembre 2001) à propos de son parcours et de sa formation par les caciques de la LCR. En fait, il est recruté, formé et conseillé par son professeur d’allemand, Pierre Vandevoorde, animateur local de SOS-Racisme et membre de la LCR. C’est lui qui lui fera connaître, non Léon Trotski (« Trotski, ça ne me parle pas »), mais Che Guevara, auquel il consacrera un essai, Che Guevara, une braise qui brûle encore (avec Michaël Löwy, Mille et une nuits, 2007).
Il n’a pas vraiment lu les classiques du trotskysme mais assimilé les leçons. « Quand il martèle trop ses formules, il fait trotskiste de caricature : le slogan toujours prêt et toutes les ficelles des arts martiaux politiques » (Le Nouvel observateur, 5 décembre 2002).
L’influencera également son professeur d’histoire, Monique Georges, fille du Colonel Fabien, chef FTP, qui a donné son nom à la place où est installé le Parti communiste.
Deux ans plus tard, en 1990, lors des grèves étudiantes et lycéennes, il organise la grève dans son lycée (Les Fontenelles) de Louviers, même s’il prétend (Paris Match, 26 septembre 2002) qu’elle fut totalement spontanée.
A 18 ans, en 1992, il rejoint la capitale, s’inscrit en histoire à la faculté de Nanterre, passe une licence et se retrouve à la « une » de Libération lors des grèves de 1995 dont il est l’un des principaux meneurs dans cette faculté réputée de gauche.
Magasinier chez Shopi 6 heures par semaine, il y monte un syndicat CGT. En parallèle, il sera candidat sur la liste LCR à Louviers en 1995.
En 1997, il passe le concours de La Poste (après avoir abandonné un an avant le Capes) et devient facteur. Pour la sécurité de l’emploi comme il l’explique et même le revendique (Le Nouvel observateur, 8 mai 2008). Un travail aussi de tout repos qui assure une retraite très jeune. « Titulaire d’une licence et d’une maîtrise d’histoire contemporaine, il est entré à La Poste sur concours pour obtenir un emploi de facteur. Il est emblématique du déclassement social à la française. Comme beaucoup de surdiplômés, contraints d’accepter des jobs sousqualifiés » (Le Monde, avril 2007).
Mais le même journal indique : « Dans l’inconscient collectif, le facteur est porteur de lien social. Et justement, ce facteur-là répond au manque du lien social, qui se délite sous les coups d’une société de plus en plus individualiste et précaire […] Olivier Besancenot, salarié au bas de l’échelle, n’est pas perçu comme professionnel de la politique. »
Il entre donc au centre de tri de sa ville natale, participant activement au lancement de Sud-PTT, le syndicat d’extrême gauche de La Poste (fondé par Christophe Aguiton, membre de la LCR).
Puis, il passe à Neuilly : « Son arrivée à la Poste a été soigneusement fabriquée » avoue Valérie Astruc, la journaliste de Canal +, avec laquelle il a corédigé un livre (Technikart, décembre 2006). Tout comme Médiapart, le site de l’ex-trotskyste Edwy Plenel (14 mai 2008) : « Il en a fait tant et tant pour s’identifier au personnage de préposé postal, de surcroît affecté à Sarko-city (à croire que La Poste est de mèche !), que démissionner de son emploi vaudrait maintenant démonétisation politique. » En réalité, il n’exerce que très peu : mis en disponibilité en 2000, il devient l’assistant parlementaire d’Alain Krivine au Parlement européen.
En 1995, il vote Arlette Laguiller au premier tour et Lionel Jospin au second. Coopté à la LCR en 1991, il a rejoint sa direction nationale en 1996 et est entré au bureau politique en 1998.
Un an plus tard, il revient à La Poste, et sera affecté à Neuilly-sur-Seine, au bureau du boulevard Bineau. L’un des bureaux de France les plus bourgeois et les plus tranquilles, à deux pas de Paris. Officiellement, il gagne 1 058 euros net pour un mi-temps à 70%.
Le « trotskiste à visage gamin » (La Croix, 10 avril 2007) sera imposé comme candidat aux élections présidentielles de 2002 par la direction à sa base militante, sans aucune véritable discussion. Libération (3 septembre 2001) indique que « les militants de la Ligue (ont été) peu consultés sur le choix de ce candidat ».
La décision aurait été prise par trois dirigeants de la Ligue, Krivine, Léonce Aguirre et François Sabado (L’Express, 8 mai 2008). [Sabado est un] vétéran de la Ligue, ancien envoyé spécial de la LCR chez les brigadistes sandinistes du Nicaragua, il deviendra le principal conseiller et « coach » de Besancenot, voire son superviseur/commissaire politique. Pour L’Express (24 mai 2004), il « serait le dirigeant le plus influent de la Ligue ». Il siège au bureau de la IVe Internationale, signe de son rôle majeur, tout comme Alain Krivine, et trois autres presque inconnus, Christophe Aguiton (fondateur de Sud et pilier de l’altermondialisme), Daniel Bensaïd et Janette Habel.
Mais Besancenot n’en n’est pas, signe de son importance secondaire dans le véritable appareil trotskiste (tout comme Arlette Laguiller n’était même pas membre du bureau politique de Lutte ouvrière lorsqu’elle fut candidate pour la première fois à l’élection présidentielle).
Aux yeux des médias et de l’opinion, il a pourtant remplacé désormais Alain Krivine, candidat sans interruption depuis 1969, comme figure médiatique de la « Ligue ». La rumeur, jamais vérifiée réellement, lui prête alors de devoir cette nomination au fait d’avoir été « longtemps proche d’une des filles d’Alain Krivine » (Le Rapport Omerta 2003 de Sophie Coignard, Albin Michel).
Toujours est-il qu’aujourd’hui, il roucoule dans un coquet trois pièces (propriétaire et non locataire) de la butte Montmartre, dans la partie la plus sélecte, le quartier des Abbesses. Cet appartement de 55 m2 a été acheté 204 500 euros (via, pour Besancenot, qui en a 50 %, un prêt à tarif très avantageux offert par son employeur, La Poste), mais dans sa déclaration de fortune de candidat, il indique ne détenir un patrimoine (que) de 37 000 euros. Entre-temps, il avait vendu son premier studio dans le XVIIIe arrondissement, acheté 34 447 euros en 1999 et revendu, en 2004, 100 000 euros (Le Point, 25 janvier 2007).
Sa compagne, union libre oblige (mais avec un enfant, Roman) s’appelle Stéphanie Chevrier. Une superbe blonde qui est directrice littéraire aux éditions Flammarion. C’est d’ailleurs là que le couple s’est formé, à l’occasion de la sortie du livre de Besancenot, Révolution ! Cent mots pour changer le monde. En son temps, elle fut la compagne du chanteur Yves Simon. Selon Entrevue (30 mars 2007), elle gagne plus de 10 000 euros par mois. La belle fréquente la « haute » tout en signant des pétitions. On retrouve ainsi son nom dans l’Appel des 200 contre la Constitution européenne.
SD (15 juin 2006) indiquait l’un de ses « hobbies » : « Dès qu’elle le peut, elle file passer quelques jours en Corse avec son compagnon. » Le Monde parle également de vacances aux Antilles. Les vacances se passent souvent dans le Lubéron, à Auribeau. Et il a passé deux semaines de vacances, en avril 2008, à Cuba (où il a rencontré la veuve et la fille de Che Guevara ainsi qu’un responsable du PC cubain) et au Vénézuela, où il a été reçu par le ministre chargé des Affaires européennes.
Bref, une incarnation de la gauche « boboïsée » friquée qui carbure à toutes les modes : Montmartre, les calanches, le milieu germanopratin. Et pas les banlieues pourries, les vacances en caravane et les bistrots de grande surface. Besancenot continue pourtant à se présenter, dans un discours bien rodé, comme « un salarié comme les autres ».
Certains s’étonnent de le voir à Vivement dimanche de Michel Drucker le 11 mai 2008. Mais on a déjà oublié un entretien à Gala (13 février 2003), ou le 5 mai 2003, quand le « facteur people » avait accepté un entretien croisé avec… Massimo Gargia, le pique-assiette de la « jet-set ». La même année, il participait aux Grosses têtes de Philippe Bouvard sur RTL, riant copieusement aux blagues salaces. Ou encore avait récemment enregistré une émission pour Groland sur Canal +.
Dans la revue Contretemps (septembre 2004), le porte-parole de la LCR a fait connaître ses états d’âme et exprime des regrets sur son « activisme » passé et évoque la « souffrance » de son engagement politique. Bref, il revendique le droit à « vivre tranquillement sa vie » sans être jugé par son parti.
Cet « enfant de la télé, de Coluche et du rap » (Le Nouvel observateur, 8 mai 2008) est un proche ami de Joey Starr (rencontré via le collectif Devoirs de mémoires, lancé au printemps 2005 par Jean-Claude Tchicaya) et Monsieur R (alias le Belge Richard Makela) sulfureux rappeur, auteur de la « Fransse » raciste. Il a même enregistré un morceau sur Che Guevara et participé à Antisocial. En retour, Monsieur R lui a offert une version de L’Internationale en reggae pour sa campagne présidentielle.
En parallèle, il milite activement dans diverses associations internationalistes antimondialistes, comme Attac dont il a largement développé l’influence au Parlement européen. Il est d’ailleurs responsable des mouvements antimondialisation au sein du bureau de la Ligue ainsi que de la commission « interventions dans les entreprises ».
Au Forum social de Porto Alegre (Brésil), il coordonne l’action des députés et élus européens présents.
A Nice, il fera preuve de tant d’activisme qu’il se fera casser la main par une matraque policière.
Alors même qu’il était l’un des plus chauds partisans de l’alliance avec Lutte ouvrière (dont le chef de file de cette tendance au sein de la LCR est Léonce Aguirre), il sera quand même désigné comme candidat et adoptera dès lors le discours inverse de celui qu’il défendait précédemment.
Son équipe de campagne comprend Pierre-François Grond, professeur d’histoire en Seine-Saint-Denis, qui sera le mandataire financier, Jean-Robert Velveth, directeur de campagne, Aline Pailler, ancien député européen (sur la liste PCF), en charge de la campagne officielle. Durant la campagne, sans aucune surprise quant au programme (cf. Génération Besancenot, Le Monde, 11 avril 2002), il se prononce pour la dépénalisation de toutes les drogues, y compris de l’héroïne (Libération, 17 janvier 2002).
Se définissant comme le candidat « 100 % à gauche », il réalise l’excellent score de 4,25 % (1,3 million de voix) au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, alors que chacun donnait Arlette Laguiller (Lutte ouvrière) beaucoup plus nettement détachée.
Il humilie surtout, pour la première fois, le Parti communiste, représenté par Robert Hue (3,37 %) Ce qui a permis à la LCR de combler largement ses pertes militantes : elle était passée de 3 000 adhérents à moins de 1 000 en vingt ans. Quelques semaines plus tard, la LCR réalise un score beaucoup plus médiocre aux élections législatives.
Lui-même sera candidat dans la 19e circonscription de Paris, où il obtient 5,47% face au socialiste Daniel Vaillant.
Cet « homme de lettres » a signé Tout est à nous ! (avec Valérie Astruc, journaliste à Canal +, Denoël, 2002) et un livre-programme Révolution, 100 mots pour changer le monde (avec François Sabado, Flammarion, 2003). A sa sortie, Le Point présente l’ouvrage comme un « manifeste romantico-révolutionnaire […] une invitation au voyage vers la contrée d’Utopie. Chez lui, les communards “montent à l’assaut du ciel” et, sous le passe-montagne du sous-commandant Marcos, c’est une “armée de rêveurs” qui s’ébranle. On connaissait la politique-fiction. Olivier Besancenot vient d’inventer la politique-poésie. »
Et Libération (26 mars 2003) : « Pour Besancenot, Mick Jagger voisine avec Trotski, et Joe Strummer (le leader décédé de The Clash, son groupe favori), côtoie Lénine. » Bref, Besancenot ne fait pas peur. Ce qui lui a sans doute valu, la même année, de recevoir le prix du Trombinoscope 2002 comme « révélation politique de l’année ».
Le « Tintin de la politique », avec sa bouille ronde, a ensuite conduit la liste LCR/LO aux élections européennes de juin 2004 en Ile de France, obtenant seulement 2,78 % (Arlette Laguiller était 2e de liste). Durant la campagne présidentielle de 2007, BVA lui attribue 40 % d’opinions favorables, juste derrière Bertrand Delanoë. Quelques mois auparavant, Le Journal du dimanche lui donnait 7% d’intentions de vote, avec 22 % pour la génération née entre 1977 et 1982 (le dernier baromètre Ifop-Paris Match 2008 le donne à 62 % d’opinions favorables).
Mais, en mai 2007, il n’obtient que 4,07 %. Un score nettement plus faible que prévu. Mais il écrase pour la première fois Arlette Laguiller (1,33 % contre 5,3% en 1995 et 5,72 % en 2002), José Bové (1,32 %) et Gérard Schivardi (0,34 %).
Le vieux rêve de la LCR est réalisé : avec la déconfiture des organisations trotskistes rivales, la LCR est désormais le principal pôle de la gauche radicale. De là, la volonté de supprimer la Ligue communiste révolutionnaire (3 300 membres) au profit d’un vrai parti d’extrême gauche réunissant déçus du PS et du PC et la gauche radicale (10 000 adhérents espérés).
Après avoir abandonné, en novembre 2003, le principe de la « dictature du prolétariat », l’objectif est la création du Nouveau Parti anticapitaliste, « de masse, écologiste et féministe », qui devrait voir le jour d’ici la fin de l’année ou au début de 2009. Et qui sera sans doute « une forme allégée du vieux rêve de “grand parti révolutionnaire” que chaque trotskiste porte en son coeur » (Mediapart, 14 mai 2008).
Un projet qui inquiète pourtant le Parti socialiste : une commission a été constituée le 14 mai, à l’initiative de François Hollande, pour « analyser l’impact que pourrait avoir la création d’un pôle de radicalité ».
Emmanuel Ratier
Source : Faits et Documents, n° 256, Juin 2008