Selon Donald Trump, les États-Unis n’ont plus besoin de l’OTAN. La réforme de l’Alliance bientôt au menu ? Annie Machon, ancien agent du MI5, donne son analyse.
Au cours des élections américaines apparemment interminables, Donald Trump a déclaré, il y a plusieurs mois, lors d’une convention, que l’OTAN n’était pas un cadeau que les États-Unis pouvaient continuer d’offrir.
À son avis, les autres états-membres devraient apporter une plus grande contribution financière (les États-Unis contribuent pour le moment à hauteur de 70% du budget de l’OTAN), sans quoi ils ne doivent pas attendre de protection automatique en cas d’attaque.
Le 13 novembre, dans l’hebdomadaire britannique The Observer, le secrétaire général de l’OTAN, ancien Premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg a écrit un document de réflexion en réponse et a reconnu le besoin de contributions plus larges en louant l’importance historique et la nécessité future de l’OTAN invoquant le « volontarisme » croissant de la Russie (un terme diplomatique pour l’habituel « agression ») et la menace du terrorisme international.
J’ai été invité chez RT pour analyser cette tribune et je développe l’un de ces thèmes que j’ai évoqué dans une interview.
« Le chef de l’OTAN ne sera pas content que l’UE intervienne dans son territoire »
Stoltenberg a eu raison de prendre en considération les préoccupations de Trump sur les contributions à l’OTAN. Mais je pense qu’il s’adressait aussi à un autre président, déjà en place celui-là et d’une certaine manière plus proche : le chef de la Commission européenne et eurocrate totémique Jean-Claude Juncker qui complote depuis un certain temps pour une armée de l’UE et qui a renforcé sa rhétorique la semaine dernière après la victoire de Trump. Le chef de l’OTAN ne sera pas content que l’UE intervienne dans son territoire.
The Observer a aussi rapporté que la France et l’Allemagne prévoyaient d’annoncer une accélération de la marche vers une armée européenne dans les semaines à venir. C’est beaucoup pour un consensus à l’échelle européenne. Il semblerait que Juncker le considère aussi comme une position de négociation dans des pourparlers futurs sur le Brexit, si la Grande-Bretagne arrive un jour à déclencher l’article 50. Toute armée européenne aurait besoin de la participation du Royaume-Uni – non seulement des forces armées, qui sont les deuxièmes les plus importantes de l’UE, mais aussi de la coopération étroite avec les services de renseignements.
« Alors, si Juncker poursuit, malgré sa vanité, le projet d’armée européenne et si la Grande-Bretagne accepte d’y contribuer après le Brexit, il pourrait y avoir quelques affaires alléchantes à proposer au Royaume-Uni lors des négociations du Brexit »
Après tout, si la Grande Bretagne du post-Brexit et les Etats-Unis après l’ascension de Trump devenaient de plus en plus isolationnistes et isolés, il serait naturel que les deux pays pivotent l’un vers l’autre en s’écartant encore de l’Europe. « Les relations particulières » anglo-américaines ont toujours été largement fondées sur les relations extrêmement étroites entre leurs espions respectifs, et l’UE aura peur d’être laissée à elle-même.
Alors, si Juncker poursuit, malgré sa vanité, le projet d’armée européenne et si la Grande-Bretagne accepte d’y contribuer après le Brexit, il pourrait y avoir quelques affaires alléchantes à proposer au Royaume-Uni lors des négociations du Brexit. Au moins, c’est semble-t-il la position à partir de laquelle Juncker fraye sa voie.
Mais la question fondamentale à poser est : pourquoi avons-nous besoin maintenant d’une New Model Army européenne ou des Cavaliers de l’OTAN (référence aux guerres civiles anglaises du XVIIe siècle) ? Stoltenberg a essayé de l’aborder dans son article :
« Au cours de ces dernières années on a vu une détérioration spectaculaire de notre sécurité, tandis que la Russie devenait plus volontariste, et l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont plongés dans la tourmente. Les alliés de l’OTAN ont réagi tous ensemble. Nous avons effectué le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la guerre froide. […] C’est une stratégie de dissuasion, et non pas d’agression. […] L’OTAN joue un toujours rôle essentiel dans la lutte contre le terrorisme. Tout allié de l’OTAN fait partie de la coalition dirigée par les États-Unis contre l’État islamique… »
Démêlons donc ces commentaires.
Premièrement, la Russie devient-elle vraiment une menace militaire, ou bien c’est de la démagogie diplomatique ? Après tout, est-ce la Russie ou l’OTAN qui a été le plus… disons, volontariste au cours des dernières 27 années ?