L’accord tripartite sur l’enrichissement d’uranium iranien signé le 17 mai entre Téhéran, le Brésil et la Turquie n’est pas du goût de Washington. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a fustigé, jeudi 27 mai, ce rapprochement, assurant que Washington était "en grave désaccord avec la diplomatie brésilienne vis-à-vis de l’Iran".
Lors d’un discours devant la Brookings Institution, Mme Clinton s’est opposée au Brésil en estimant que cet accord permettrait à Téhéran de gagner du temps alors que la communauté internationale, Washington en tête, réclame de nouvelles sanctions contre les ambitions nucléaires iraniennes.
Selon les termes de l’accord, 1 200 kg d’uranium iranien faiblement enrichi (3,5 %) seront échangés en Turquie contre 120 kg de combustible enrichi à 20 % fournis par les grandes puissances, destinés au réacteur de recherche de Téhéran. Ce taux d’enrichissement est assez élevé pour que le combustible soit utilisé pour la recherche, mais pas assez pour la fabrication d’armes. Selon Mme Clinton, la solution turco-brésilienne affaiblit considérablement la position des autres pays de la communauté internationale.
"Nous pensons que faire gagner du temps à l’Iran, permettre à l’Iran d’ignorer l’unité internationale qui existe à propos de son programme nucléaire rend le monde plus dangereux et non moins", a déclaré Mme Clinton à son homologue brésilien, Celso Amorim.
"JALOUX"
Une accusation que le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a balayé en estimant que les détracteurs de l’accord "sont jaloux". "Parce que le Brésil et la Turquie se sont engagés et ont obtenu un succès diplomatique que certains pays ont tenté en vain de négocier pendant plusieurs années", a-t-il ensuite expliqué, en compagnie du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Brasilia.
Selon le chef de l’Etat brésilien, seuls les pays possédant l’arme atomique s’opposent au compromis obtenu par son pays et la Turquie. Brasilia et Ankara sont opposés à des sanctions directes.
La Russie, autre puissance nucléaire, est en effet réticente à l’accord. "Potentiellement, s’il était mis en œuvre, cela créerait les prémices d’une solution pour un problème concret, mais aussi pour améliorer l’atmosphère pour la reprise des négociations", a opiné le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. Mais il a ajouté un sérieux bémol à cette déclaration, estimant que tout va "dépendre de la façon dont la partie iranienne va s’acquitter de ses obligations". "Il n’y a pas de garanties à 100 %", a-t-il résumé.
Hillary Clinton a toutefois précisé que ce désaccord "ne sape pas notre engagement à considérer le Brésil comme un ami et un partenaire". Malgré l’accord tripartite, le Conseil de sécurité de l’ONU a examiné, le 18 mai, un nouveau projet de sanctions contre Téhéran, rédigé par les Etats-Unis et approuvé par les autres puissances chargées du dossier (Chine, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne).
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, n’est pas totalement opposé à cet accord mais exige que l’Iran fasse preuve d’une transparence totale sur le dossier nucléaire.