France-Soir : Dès l’âge de 13 ans, vous colliez des affiches pour Jacques Chaban-Delmas. Qui vous avait entraîné dans cette aventure ?
Nicolas Dupont-Aignan : C’est une génération spontanée. Mes parents étaient hostiles à la télévision, mais ils ont fini par l’acheter pour les « questions d’actualité » à l’Assemblée. La politique est vite devenue une passion. J’ai fait une très mauvaise quatrième à cause de l’élection présidentielle de 1974, parce que j’avais fait campagne toute l’année. Tout le monde pensait que j’avais des problèmes familiaux !
F.-S. Vous aviez, si jeune, des convictions ?
N. D.-A. J’ai lu les Mémoires de De Gaulle très tôt. L’épopée gaulliste me fascinait. A cela se sont ajoutés certains événements douloureux de ma vie, qui m’ont blessé dans mon enfance. Il en est sorti un sentiment profond de vouloir changer les choses. Dès 15 ans, je lisais Le Canard enchaîné ! On me regardait comme une bête curieuse.
F.-S. Comment est née cette relation amoureuse avec la France ?
N. D.-A. Mon grand-père, résistant, a été l’un des premiers aviateurs de la guerre de 14. Mes parents ont aussi vécu la dernière guerre très jeunes. Mon père est parvenu à s’évader. Je suis le petit dernier d’une famille de trois enfants, mais j’ai vingt ans d’écart avec mes deux frères. Il y avait un décalage de génération. Ce contexte, historique et familial, a sûrement joué dans mon engagement.
F.-S. La politique, c’est donc un vieux rêve ?
N. D.-A. J’ai d’abord rêvé d’être architecte. J’ai, chez moi, une malle remplie de plans que j’ai fait entre 12 et 17 ans. J’ai imaginé des villes, des maisons, des immeubles. Et puis la passion de la politique a pris le dessus.
F.-S. Qu’est-ce qui vous attire tant dans la politique ?
N. D.-A. Un mélange de conviction et de patriotisme sentimental. J’aime la France dans ce qu’elle a de meilleur. L’idée que le peuple peut changer les choses. Le fait que l’homme doit être acteur de son destin.
F.-S. Vous êtes entré en dissidence en 2007, quand vous avez quitté l’UMP et rompu avec Nicolas Sarkozy...
N. D.-A. J’ai créé mon parti, Debout la République, à cause d’une trahison politique. Pas pour une histoire de personnes. Sarkozy a fait voter le traité européen qui avait été refusé par les Français et par le Parlement. C’était le viol d’un peuple. Il a échoué dans son quinquennat parce qu’il est prisonnier des règles qu’il s’est imposées à lui-même. Ce n’est plus lui qui décide. Il est désormais sous tutelle. Je veux une France libre.
F.-S. Qui est votre mentor ?
N. D.-A. Philippe Séguin, qui incarnait le gaullisme social.
F.-S. Quand on quitte sa famille politique, ne se sent-on pas isolé ?
N. D.-A. Le plus dur, c’est le regard méprisant d’une petite classe politico-médiatique. Mais je suis droit dans ma conscience.
F.-S. Cet exil vous rend-il plus fort ?
N. D.-A. Je n’ai pas agi pour faire le malin. Oser dire non à son propre parti, oser dire non à un homme qui est sur le point de devenir président de la République, ce n’est pas simple. J’ai de la peine en voyant tant de politiques devenir des pantins. On élit des gens qui ont abandonné leur pouvoir à d’autres : à Bruxelles, aux multinationales, aux féodalités intérieures.
F.-S. Ne seriez-vous pas plus utile au sein de votre parti d’origine ?
N. D.-A. J’ai plus de pouvoir comme maire et comme président d’une agglomération qu’en étant secrétaire d’Etat aux choux farcis... Ils font semblant. A l’intérieur, je serais un alibi.
F.-S. Avez-vous toujours été soutenu par votre famille ?
N. D.-A. Oui, par ma femme. J’ai commencé un livre expliquant à mes deux filles pourquoi leur père a ce parcours un peu solitaire. Elles se posent sans doute des questions. J’ai besoin de leur expliquer pourquoi je ne suis pas dans le troupeau.
F.-S. Pourriez-vous être celui qui, en 2012, ferait barrage à Marine ?
N. D.-A. On ne nous propose que des alternances à Sarkozy. Or il faut des alternatives. Marine Le Pen est une alternative. J’en suis une aussi : gaulliste et républicaine. Les Français auront ce choix-là, oui. Marine Le Pen veut comme moi libérer la France, mais je pense qu’on ne pourra le faire qu’en rassemblant les Français, pas en excluant une partie d’entre eux. Ça, c’est la différence majeure entre nous. Imaginez un second tour Le Pen - Strauss-Kahn, elle perd. Alors que Dupont-Aignan - Strauss-Kahn, je peux le faire ! En rassemblant, de l’électorat FN à celui de Mélenchon. Vous devez penser que je suis un illuminé. Pourtant, la vraie révolution, c’est moi.
F.-S. N’est-ce pas frustrant d’agiter vos idées sans qu’elles aient beaucoup d’incidence ?
N. D.-A. Oui. Il y a une phrase de Gandhi qui me donne confiance : « Au début ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent. A la fin, vous gagnez ! » Je suis dans la deuxième phase ! Le Petit Journal de Canal+ se fout de ma gueule tous les jours, c’est bon signe ! F.-S. Etes-vous touché par ces attaques quotidiennes ? N. D.-A. Un peu. Je suis un homme.
F.-S. Quand la coupe est pleine, quels sont vos dérivatifs ?
N. D.-A. J’ai fait de la peinture, comme ma mère, mais je n’ai plus le temps. Ça me manque, mais j’ai choisi la politique. Elle est envahissante (rire) ! C’est le danger, car il faut savoir préserver sa vie de famille.
F.-S. Y parvenez-vous ?
N. D.-A. Il faut y penser tous les jours. Ceux qui vous répondent qu’ils ont leur jardin secret et qu’ils partent s’évader quinze jours racontent des salades ! Quand on est passionné comme on l’est en politique, on est dedans. Il nous reste la lecture. Je viens de lire un livre génial sur Catherine de Médicis. Ah, OK, on est encore dans la politique... Eh bien, à l’époque, on s’empoisonnait !
F.-S. Regretteriez-vous l’arsenic et les duels ?
N. D.-A. Non... Je n’aurais pas envie d’empoisonner quelqu’un quand même, mais l’exiler, ah ça, oui (rire) !
F.-S. Quelle est, aujourd’hui, votre plus grande ambition ?
N. D.-A. Réveiller le peuple français. Etre candidat en 2012, et faire le meilleur score possible. Ça voudra dire qu’on aura mis la clé dans la porte. J’y crois !