Voici plus de trois mois que la Syrie est agitée par des troubles, les médias occidentaux donnant de la situation une analyse et des commentaires marqués par le manichéisme, la simplification et, aussi, le mensonge par omission. A ce stade, il nous a paru nécessaire de faire le point sur la désinformation toujours en cours, malgré certaines évolutions récentes de la presse anglo-saxonne. Pour ce faire, nous posons, en faux « candides », 9 questions (im)pertinentes à nos confrères sur différents points qui offrent matière à discussion. Nous n’attendons, faut-il le préciser, aucune réponse à ces questions de la part des « professionnels de la profession ».
1- Pourquoi nos médias ne disent-ils rien, ou presque, des millions de partisans du régime qui ont manifesté, à aux moins deux reprises au mois de juin, dans toutes les villes importantes du pays (quand ils n’attribuent pas purement et simplement – par détournement d’images – ces rassemblements à l’opposition) ?
2- Pourquoi a-t-il fallu trois mois d’affrontements sanglants, notamment dans le nord-ouest du pays, pour que des journalistes – anglo-saxons – commencent à parler de l’action de groupes armés islamistes sur le terrain ?
3- Pourquoi les médias continuent-ils de présenter les victimes des troubles – de 1 200 à 1 300 selon les derniers chiffres avancés par l’opposition – comme étant toutes civiles et membres de l’opposition, alors que ce chiffre inclut des membres des forces de l’ordre comme des opposants armés tombés dans les affrontements ?
4- Pourquoi tant d’émotion (médiatique) à propos de 10 000 (?) réfugiés syriens en Turquie, quand la Syrie a, depuis 2003 et la chute de Saddam Hussein, accueilli – et continue d’héberger – de 1 200 000 à 1 500 000 réfugiés irakiens, qui n’ont guère suscité de commentaires ou de reportages dans la presse occidentale ?
5- Pourquoi nos médias sont-ils si discrets quant à l’hégémonie des Frères musulmans sur l’opposition – au moins extérieure – syrienne et continuent-ils de présenter l’ensemble des opposants au régime baassiste comme de défenseurs des droits de l’homme et de la démocratie à l’occidentale ?
6- Pourquoi ces même médias si sourcilleux sur la question du féminisme ne rappellent-ils pas que la Syrie actuelle donne tous ses droits aux femmes, y compris au niveau de la représentation politique, contrairement aux régimes théocratiques du Golfe qui inspirent – et soutiennent – les intégristes musulmans phagocytant l’opposition syrienne ?
7- Pourquoi un tel aveuglement apparent de la part des journalistes – mais aussi des responsables politiques – de France et d’Occident sur les conséquences prévisibles d’une déstabilisation brutale du régime syrien, alors que l’Irak voisin se débat depuis dix ans dans de sanglants conflits confessionnels, et que toute la région est traversée de fractures ethno-religieuses ?
8- Pourquoi, d’une manière générale, reproche-t-on au régime syrien – ou libyen – ce qu’on accepte tacitement de la part de pays autocratiques (mais alliés des Américains) comme l’Arabie Saoudite, le Koweit ou Bahrein (où l’armée saoudienne a étouffé la contestation populaire sans que cela gêne personne) ?
9- Et pourquoi a-t-il suffi de 48 heures pour que soit discuté devant le Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution franco-européen condamnant la Syrie, quand tant de résolutions onusiennes condamnant, elles, la politique israélienne dans les territoires occupés sont restées lettre morte, sans qu’aucune mesure de rétorsion, diplomatique ou militaire, contre l’Etat hébreux ne soit même envisagée ?