Le moins que l’on puisse dire est que Nicolas Sarkozy ne laisse pas indifférent. L’ancien président de la république s’est rendu en Russie la semaine dernière pour y rencontrer son « ami » Vladimir Poutine et au passage rappeler aux Français de Russie, dont une très grande majorité l’a soutenu à l’élection présidentielle de 2012, que 2017 ne sera pas une élection comme les autres.
Reçu par Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy s’est présenté lors de sa tournée russe comme un « ami de la Russie (…) Ce pays ni européen, ni asiatique (…) Devenu une puissance mondiale ».
Diantre ! Il faut vraiment que Vladimir Poutine ait de la patience car il fut un temps ou Sarkozy était vraisemblablement moins bien disposé à son égard, en envisageant l’avenir de notre pays au sein de la trajectoire transatlantique et dans le giron américain. Et bien entendu, sans Vladimir Poutine à l’horizon.
Nicolas Sarkozy avait, il est vrai, lancé sa carrière politique française à Washington, annonçant sa candidature aux Américains le 1er août 2005, soit plus d’un an avant qu’il ne l’annonce au peuple français durant l’automne 2006. À Washington a cette époque, on s’amuse de la candidature de Nicolas Sarkozy : c’est Wikileaks qui nous a permis de savoir ce que nos partenaires américains appréciaient chez cet Américain synthétique. L’homme est acquis au « libéralisme, à l’atlantisme et au communautarisme (…) Il est pro-américain et acquis aux principes du libre-marché. (…) Il est aussi l’homme politique français qui soutient le plus le rôle des Etats-Unis dans le monde ».
De son côté, Nicolas Sarkozy confirmait lui sa grande admiration pour Georges Bush (sic) et affirmait clairement : « Certains en France m’appellent Sarkozy l’Américain. J’en suis fier » !
Où encore, s’en prenant à Jacques Chirac qui lui reprochait ses positions trop pro-américaines : « Quand je pense que ceux qui me reprochent de rencontrer Bush sont ceux qui serrent la pogne de Poutine, ça me fait doucement rigoler. »
Élu président en suscitant une certaine vague d’enthousiasme à droite et à l’extrême droite, Nicolas Sarkozy n’allait pas tarder à faire déchanter une grande partie de ses électeurs, qui avaient naïvement cru l’homme capable d’initier une politique nouvelle en France et de réveiller le cadavre de la droite française authentique, souverainiste et patriotique.
La réintégration au sein du commandement de l’Otan puis la guerre en Libye, dont nous constatons ces dernières semaines à quel point elle était inutile et combien elle sera coûteuse à l’Europe sur le plan migratoire, ont poursuivi mais aussi accentué la transformation de la France en province de Washington. Sur le plan intérieur, alors qu’était attendu un Nicolas Sarkotoritaire tendant vers l’union des droites, ce sont des ministres de gauche qui feront leur entrée au gouvernement, notamment le très atlantiste Kouchner au ministère des Affaires étrangères, tandis que Nicolas l’Américain ne soutiendra pas l’incroyable mouvement populaire et national de la Manif pour tous, traduisant ainsi parfaitement ses aspirations libertaires pour la société française du futur.
Presque dans le même temps, la CIA mettait cependant et par prudence le président français sur écoute, démontrant ainsi la forme que prend la relation de confiance entre l’administration américaine et ses soi-disant « alliés » européens, mêmes ceux supposés les plus fidèles.
« Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis » dit le proverbe et en ce mois d’octobre 2015, en visite à Moscou, Nicolas Sarkozy est donc allé finalement « serrer la pogne » de Poutine en tentant de valoriser son statut de chef du principal parti d’opposition, mais aussi de candidat présidentiable.
La visite de Sarkozy l’américain nous renvoie, nous Français, face à la réalité du vide sidéral qui est celui de la scène politique nationale et face à l’absence d’élite politique digne de ce nom. Un vide permettant aux hommes politiques de n’exister que par des gesticulations. Nicolas Sarkozy, qui vient de rebaptiser son parti en « Les Républicains », a sans doute tenté de faire illusion en faisant croire qu’il était prêt à s’engager vers une voie russe et continentale, visant à rééquilibrer la politique internationale de la France, écrasée entre Washington et Berlin. Mais n’est-ce pas précisément lui qui nous a enfermés dans ce carcan, après avoir activement joué la carte américaine, puis la carte euro-allemande ?
Le russisme supposé de Nicolas Sarkozy l’est vraisemblablement pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire pour des raisons d’opportunisme électoral, sans que cela ne traduise la moindre conviction politique, ni la moindre amorce de stratégie sur la durée. Pourtant les Français et particulièrement les Français de Russie savent, comme le prouve l’expérience de la Russie ces 15 dernières années, que c’est précisément d’une stratégie sur la longue durée dont le pays a besoin pour lui éviter de sortir de l’histoire au cours des prochaines décennies.
Mais il est vrai que n’est pas de Gaulle qui veut.