A l’âge respectable de 98 ans, et après une vie fort bien remplie. Il est intéressant de lire l’article qui lui est consacré par le journal Le Monde . Intéressant par l’usage des mots. J’ai été fascinée par la terminologie qu’emploie le journaleux en question, il ne doit même pas s’en rendre compte d’ailleurs, c’est de l’ordre du réflexe conditionné.
Donc, il fut un temps où Roger Garaudy était « fréquentable ». « Un temps où, déjà auteur d’une quarantaine de livres, il jouissait de la pleine respectabilité accordée aux intellectuels en vue ». Mais ça, c’était quand il était communiste. Conclusion imparable : on est forcément fréquentable quand on est communiste.
Hélas pour lui, il a commencé à se poser des questions gênantes sur les vertus du stalinisme. Ca le rendait déjà moins fréquentable.
Puis il a « sombré dans la négation du génocide hitlérien ». Evidemment, là, rien n’allait plus et ça a commencé à sérieusement chauffer pour lui. Conclusion : lorsque l’on s’intéresse à certaines questions interdites, on ne s’interroge pas, on n’utilise pas sa capacité de réflexion. Non, non, on sombre, on fait naufrage. Et on disparaît fatalement de la surface où s’ébattent les fréquentables. Intéressant.
Je ne vais pas refaire une notice nécrologique de ce grand bonhomme aux opinions bien arrêtées et assumées. D’autres l’ont fait et le feront avec talent.
Je me bornerai à rappeler ce que j’écrivais dans La France LICRAtisée sur les rapports inédits entre l’abbé Pierre et Roger Garaudy :
Roger Garaudy et l’abbé Pierre
Les procès à répétition ne suffisent cependant pas à endiguer le flot des parutions révisionnistes. Face aux offensives répétées de ces derniers et à la fragilité évidente de certains témoignages, il faut imposer le silence coûte que coûte. Frapper plus fort et rendre le sujet shoah définitivement tabou. Ce sera le rôle assigné à la loi Fabius- Gayssot, votée en 1990. Cette loi n’empêchera pourtant pas l’ancien communiste Roger Garaudy de publier en 1995 un ouvrage retentissant, Les mythes fondateurs de la politique israélienne.
Il s’agit là d’un nouvel épisode particulièrement marquant de l’histoire du révisionnisme. Dès la parution du livre, tout l’establishment unanime se déchaîne contre lui. C’est qu’il a enfreint le tabou suprême : non seulement il remet en cause un certain nombre de vérités officielles concernant la shoah, qu’il replace dans le contexte meurtrier de l’époque, mais il se montre également très critique envers la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens.
Le scandale est d’autant plus grand que Roger Garaudy se voit soutenu par… l’abbé Pierre, qui devient ainsi, à son corps défendant, le plus illustre des révisionnistes. Qu’est donc venu faire l’abbé Pierre dans cette galère ? Son crime est d’avoir accordé sa caution morale au livre de son ami « de quarante ans » et, devant le lynchage médiatique, d’avoir persisté et signé.
Naïveté ou provocation ? Dans un courrier de soutien à Garaudy, l’abbé Pierre écrit : « Il est tout à fait normal que nous ayons été portés à des exagérations après la guerre. J’étais encore à Auschwitz il y a six mois, là où l’on avait inscrit sur une plaque qu’il y avait eu quatre millions de morts. Puisqu’on est revenu aujourd’hui au chiffre d’un million, c’est que le chiffre de quatre millions était exagéré ».
Il est des comptabilités dangereuses. L’abbé Pierre ne va pas tarder à s’en rendre compte. Sommé par les institutions religieuses, politiques et morales du pays de se rétracter, il réaffirme au contraire son soutien à Roger Garaudy aussi longtemps que « les erreurs contenues dans son livre ne lui auront pas été démontrées » et propose de convoquer un colloque d’historiens avec les révisionnistes !
Une proposition qui se verra repoussée avec indignation : « Le jour où l’on accepte un de ces messieurs dans un débat public à la télévision ou dans un colloque d’historiens, ils ont gagné la partie, ils sont considérés comme une école. Il faut le leur refuser impitoyablement », dira Pierre Vidal-Naquet, historien fortement engagé dans la défense des droits de l’homme. Autrement dit, il ne faut discuter qu’entre gens du même avis.
Tout comme Roger Garaudy, l’abbé Pierre est désavoué par l’establishment unanime et, suprême punition, se voit exclu du comité d’honneur de la LICRA !
Mais il ne sera pas, curieusement, poursuivi en justice comme les autres.
D’ailleurs, loin de faire repentance, il ne tarde pas à aggraver son cas. Dans une interview à Libération, il déclare : « C’est un terrain sur lequel un organisme comme la LICRA déclare d’une manière absolument dogmatique qu’il s’agit d’un sujet sacré et que toute recherche historique (…) n’est pas nécessaire. Ils n’acceptent absolument pas le dialogue, contrairement à Garaudy. Ils considèrent que le débat est clos. Qu’oser le rouvrir n’est pas possible. Par exemple, sur la question des chambres à gaz, il est vraisemblable que la totalité de celles projetées par les nazis n’ont pas été construites… mais mes amis de la LICRA me disent qu’avancer de telles affirmations, c’est contester la shoah. Ce n’est pas sérieux ».
Séjournant après ces péripéties en Italie, il confie à la presse : « L’Église de France est ensuite intervenue pour me faire taire sous la pression de la presse, inspirée par un lobby sioniste international ».
Un lobby sioniste international, mais où va-t-il chercher tout ça ?