Décédé samedi 9 octobre à l’âge de 99 ans, Maurice Allais, seul lauréat français du prix Nobel d’économie, avait été profondément marqué par la crise des années 30 et se définissait comme un « libéral socialiste ».
« C’est le krach de 1929 qui m’a poussé à faire de l’économie » avait-il affirmé, en 1988, lorsqu’il avait été couronné par la Banque de Suède.
« J’étais aux Etats-Unis en 1933, à ce moment-là c’était un cimetière d’usines. C’est une question que j’ai essayé d’approfondir et de comprendre », avait dit alors cet économiste.
Fils de crémiers parisiens, né le 31 mai 1911, il avait connu une enfance qu’il qualifiait de « très pauvre ». « Mon père est mort au front durant la Première Guerre mondiale, et j’ai fait des études de bric et de broc », avait-il confié.
Brillant élève, il intégra la prestigieuse Ecole Polytechnique en 1931 d’où il sortit major en 1933. « Au départ, j’aurais voulu faire de la physique, mais à l’époque, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) n’existait pas, et je suis donc devenu ingénieur de l’Etat après un passage a l’Ecole des Mines « , confiait-il.
Physicien contrarié
Ses premiers travaux l’avaient orienté vers les sciences du concret et les expériences de physique fondamentale sur lesquelles il publiera de nombreux ouvrages notamment sur les oscillations pendulaires et les lois de la gravitation. Tout au long de sa vie, il restera un physicien contrarié, alors que ses théories économiques lui vaudront la récompense suprême.
Ses travaux ont essentiellement porté sur le développement de l’économie mathématique, notamment dans le domaine de la théorie de l’équilibre général, de la théorie du capital, de la théorie des choix, et de la théorie monétaire.
Pionnier des analyses monétaires macrodynamiques, l’économiste a fait autorité pour ses études théoriques du risque, illustrées par son célèbre paradoxe : « moins le risque est grand, plus les spéculateurs fuient ».
Dérives de la mondialisation
Chercheur théoricien, Maurice Allais prenait aussi part au débat public, publiant dans de nombreux journaux. S’il se définissait comme un « chantre du libéralisme », il précisait ne pas avoir identifié ce dernier avec « laissez-fairisme ».
A plusieurs reprises, il s’était élevé contre certaines dérives de la mondialisation.
« La mondialisation ne peut qu’engendrer partout instabilité, chômage, injustices, désordres et misères de toutes sortes, et elle ne peut que se révéler finalement désavantageuse pour tous les peuples », s’insurgeait-il il y a encore quelques années dans la presse.
« Une mondialisation généralisée n’est ni inévitable, ni nécessaire, ni souhaitable. La mondialisation, on ne saurait trop le souligner, ne profite qu’aux multinationales. Elles en tirent d’énormes profits », disait-il.
Auteur de nombreuses études d’économie théorique et appliquée et d’une quarantaine de livres, dont un « Traité d’économie pure » (1994) ou « Erreurs et impasses de la construction européenne (1992), il était retraité depuis 1980