Ahmed Chalabi avait quitté l’Irak en 1956 pour la Grande-Bretagne et les États-Unis, où il a milité, à la tête du Congrès national irakien (CNI), contre Saddam Hussein. Des spécialistes de l’Irak soutiennent que le CNI était coaché d’abord par la CIA, puis par le Pentagone.
Les partisans de l’ancien dirigeant irakien, Saddam Hussein, doivent certainement être en train de faire la fête. La raison ? Ahmed Chalabi, l’un des principaux instigateurs de l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003, est décédé hier [3 novembre 2015, NDLR] d’une crise cardiaque à l’âge de 71 ans. Ce docteur en mathématiques chiite avait présenté à l’Administration américaine des preuves factices sur les présumées armes de destruction massive de Saddam Hussein qui avaient permis de justifier l’intervention.
Il faut dire qu’à l’époque, l’Administration Bush n’avait pas trop cherché à vérifier le bien-fondé de ces « preuves ». Au contraire, les néo-conservateurs américains, poussés par les milieux d’affaires étasuniens, y ont vu une occasion en or pour régler son compte à Saddam Hussein et envahir l’Irak afin de mettre la main sur son pétrole.
Selon des révélations de l’ancien secrétaire au Trésor, Paul O’Neill, reprises par le journaliste Ronald Suskind (The Price of Loyalty), le Conseil national de sécurité de la Maison Blanche discutait un plan pour l’Irak après Saddam dès février 2001, soit quelques semaines après l’arrivée à la présidence de George Walker Bush, et bien avant l’attentat du 11 Septembre. Selon ce témoin, « Bush voulait chasser Saddam Hussein à n’importe quel prix ». Ahmed Chalabi lui offrit donc sur un plateau l’occasion de réaliser son plan machiavélique. Ahmed Chalabi était tellement précieux pour les néo-conservateurs américains qu’il était devenu un protégé de l’Administration Bush, en particulier du Pentagone.
Aujourd’hui, la suite tout le monde la connaît. Non seulement il se révéla que l’Irak n’entretenait aucun lien avec Al Qaîda, mais aussi que Saddam Hussein n’avait pas d’arme nucléaire. Tout le monde atteste aussi que Baghdad n’avait aucun lien avec les attentats du 11 septembre 2001. Les accusations portées par l’Administration Bush à l’encontre de l’Irak ont été démontrées comme non fondées, y compris par le Sénat américain, Saddam Hussein considérant l’extrémisme islamiste comme une menace pour son régime.
Trahisons et escroqueries
Quid de l’argument des missiles de longue portée et des armes de destruction massive fourni par Washington pour envahir l’Irak ? L’Iraq Survey Group (ISG) chargé par le gouvernement américain de trouver ces armes déclara, en septembre 2004, qu’« il n’y avait plus aucune production d’arme chimique depuis 1991, ni aucun programme en cours en vue d’en obtenir de nouvelles, et que seules ont été alors collectées dans tout le pays 500 munitions abandonnées ou oubliées et dans un état dégradé, datant de la guerre Iran-Irak ». Comme souligné plus haut, en réalité ce conflit devait surtout servir aux États-Unis à placer des troupes et des bases en permanence sur le sol irakien pour avoir un contrôle sur le golfe Persique.
Il permettait également à beaucoup d’entreprises occidentales de prendre le contrôle des puits de pétrole irakien. Il s’agissait donc bien d’une raison motivée par les analystes de la géopolitique du pétrole. Revenu à Baghdad dans la foulée de la chute de Saddam Hussein, Ahmed Chalabi — qui est connu pour avoir roulé pour de nombreux services de renseignement occidentaux et moyen-orientaux hostiles à Saddam Hussein — avait été nommé vice-Premier ministre, entre avril 2005 et mai 2006, et (comme par hasard) ministre du Pétrole… pour services rendus.
Mais cela n’a pas duré. Il est tombé en disgrâce à Washington quand il était devenu évident que lui et son groupe avaient menti sur l’Irak. Pis encore, soupçonné d’avoir trahi aussi les États-Unis en révélant certains de leurs secrets à l’Iran, Ahmed Chalabi était même devenu persona non grata jusque dans l’ambassade américaine à Baghdad. A cela s’ajoute une accusation pour détournement de plusieurs centaines de millions de dollars de la deuxième plus grande banque de Jordanie. Il fut même visé par un mandat d’arrêt. Honni des Irakiens, il vécut par la suite comme un paria. Comme tous les félons et les traîtres, il a eu la fin que tout le monde lui prédisait.