Egalité et Réconciliation
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Michel Maffesoli, l’anarchiste au nœud papillon

Je m’attaque au sociologue de la post-modernité, peu après Alain Soral. Cela me démangeait depuis un moment. Estimant l’intervention du président d’Egalité et Réconciliation fébrile sur certains points, j’ai trouvé un bon prétexte de réaliser ce billet d’humeur en tombant sur un article consternant qui parle de son amitié avec Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l’Ecologie.

Maffesoli par lui-même

Lisez cet extrait de l’article de L’Express du 6 août 2009 qui fait une large place aux citations directes. Le pseudo-anarchiste s’exprime ainsi :

« Je n’ai jamais voté de ma vie. Je l’ai regretté (1) notamment lors des dernières élections européennes, mais c’est ainsi, une manière de rester fidèle à la vieille tradition anarchiste de mes ancêtres italiens (2). La politique n’est pas grand-chose (3), elle est une activité comme une autre (4), à l’exception près qu’elle est exercée par des malades mentaux - notez que cela n’a rien de négatif dans ma bouche (5). Et rappelez-vous que, par définition, le ministère s’occupe des petites choses, tandis que le magistère - ma fonction - traite des affaires plus nobles. (6) »

Maintenant déconstruisons sa petite pensée politique :

1. Un anarchiste ne regrette pas de ne pas voter. S’il vote, ce qui arrive parfois (à l’anarchiste qui croit que l’élection n’est pas un mode d’exercice de la démocratie totalement pourri ; à l’anarcho-démocrate qui n’ose pas croire que l’anarchisme n’est autre chose qu’un idéal, et qui ne s’est pas totalement libéré de la pesanteur républicaine nourrissant nos esprits à travers les médias, l’école et la bien-pensance), il l’assume ou le cache. En tout cas, il ne le regrette pas publiquement.

2. Un anarchiste ne peut se réclamer d’une tradition familiale, du moins en terme politique, ou bien il renie sa capacité individuelle à penser. 3.

L’anarchiste donne une grande importance aux affaires politiques. Il prend le risque de connaître un état de nausée tous les jours, en écoutant les informations officielles et alternatives, pour prendre la température du pays et du monde, alimenter et actualiser sa réflexion critique sur l’Etat et le capitalisme.

4. La politique n’est pas une affaire comme une autre. L’anarchiste se distingue du sociologue qui observe les phénomènes sociaux en les mettant tous à égalité. La politique est un phénomène particulier car c’est la seule chose qui nous intéresse tous. Le terme République a voulu se substituer au terme politique pour nous faire croire qu’elle en était l’aboutissement, mais la politique est bien toujours elle-même Res publica, c’est-à-dire « chose publique ».

5. Aujourd’hui la politique est peut-être exercée par des malades mentaux. Mais ce terme maladroit ne peut être utilisé par un anarchiste pour qualifier les hommes politiques que s’il souhaite dénoncer leur action. C’est ce que fit Michel Onfray en disant de Nicolas Sarkozy qu’il était un « petit garçon pas fini ».

6. Voici un trait d’esprit qui lui permet avec ridicule de nous faire savoir combien il entend affirmer non sans pédanterie l’importance qu’il a dans la société. Non Monsieur Maffesoli, vous n’êtes pas un maître, ni pour les anarchistes ni pour personne d’autre.

Maffesoli par Kosciusko-Morizet

Je me contente maintenant d’exhumer cette citation de Nathalie Kosciusko-Morizet dans l’article de L’Express précédemment cité :

« En réalité, il a des relations compliquées avec le politique. Au fond, il est très intéressé, d’où ses allers et retours permanents. Il en est de même avec la religion. C’est un franc-mac qui aurait aimé être cardinal. Comme tous ses frères, il apprécie l’apparat - il était d’ailleurs ravi lorsque je lui ai obtenu la Légion d’honneur. »

Je me permet juste de me demander : les deux personnages, la ministre et le professeur de fac, sont-ils vraiment amis ? Cette citation ne ridiculise t-elle pas de toute évidence Michel Maffesoli ?

Soral, Du Bellay, Erasme

Soral a bien raison de noter la ridicule autorité sur laquelle Maffesoli s’appuie pour faire passer ses idées pour des lumières : le latin. En effet, le sociologue qui préfère qu’on dise de lui qu’il est un « penseur » latinise quelques notions en vue de nous faire croire qu’elles sont de solides concepts. Je ne sais pas si Maffesoli fait dans l’esbroufe en utilisant sans cesse des termes latins ou s’il est un latinisant chevronné. S’il l’était, j’aimerais lui apprendre que les penseurs n’ont pas besoin de s’appuyer sur le latin pour penser, comme Du Bellay qui expliquait au milieu du XVIème dans Défense et illustration de la langue française qu’on pouvait écrire les plus beaux sonnets en langue française. Il ne me paraît pas inutile d’apprendre le latin aujourd’hui, mais de toute évidence la maîtrise de cette langue ne permet pas de mieux appréhender le monde actuel. Nous avons je crois suffisamment de mots dans notre Littré pour expliquer la plupart des phénomènes de société.

De plus, Michel Maffesoli, le sociologue de la postmodernité vante les « tribus » de la société cosmopolite, la capacité d’innovation des gens au quotidien, la formidable variété de situations et de cultures qu’offre la mondialisation. Mais s’il aime tant les gens, pourquoi veut-il s’en séparer à travers un langage qui le distingue socialement, le place au-dessus des autres, là-haut, bien installé dans son « magistère », le nœud-papillon sous le menton ?

Appelons aussi Érasme à la rescousse. Dans le sixième chapitre d’Eloge de la folie, on trouve une belle tirade qui s’applique à Maffesoli aussi bien qu’à d’autres : Erasme y dénonce « les Rhéteurs d’aujourd’hui, qui se croient de vrais dieux parce qu’ils se montrent avec deux langues, comme les sangsues, et qu’ils s’imaginent faire merveille en enchâssant dans leur discours latins quelques petits mots grecs, comme on fait une mosaïque, même si c’est hors de propos. »

Ce débat est important car le danger du bavardage élitiste est très actuel. Un amateur du petit écran a du mal aujourd’hui à trouver dans les émissions de débats et les émissions culturelles des intellectuels qui lui parlent. Or, la télévision est par essence un lien entre le peuple spectateur et le monde acteur (au sens large : politiques, écrivains, artistes). Ce lien est peut-être en train d’être fragilisé. Il y a du positif là-dedans puisque les gens se tournent vers des informations alternatives, notamment sur internet. Mais ce serait également positif que les intellectuels parlant au peuple se multiplient, pour ne pas laisser la place au seul qui sait l’occupe de temps à autre grâce à Taddei : Alain Soral (pour une analyse du phénomène Alain Soral à la télévision). Ce renouveau pourrait peut-être permettre de remonter le niveau des débats politiques depuis que les hommes d’Etat ont décidé de se mettre à parler comme les petites gens voire comme les flambeurs du collège (ex : « Carla et moi c’est du sérieux », Nicolas Sarkozy le 8 janvier 2008).

Finkielkraut et la postmodernité

Finkielkraut, dans La défaite de la pensée, a pour thèse que le monde contemporain déconsidère la pensée (au sens proche de la philosophie) et la culture (au sens de culture classique) à partir de l’essor des objets culturels que la télévision nous fait acheter (en gros, un single de Madonna est mis sur le même plan qu’une symphonie de Beethoven, les paroles d’un rappeur sont étudiées comme celle d’un maître de l’alexandrin). Les maux qu’il voyait en 1987 continuent de s’étendre : les cinquante ans du premier Olympia de Johnny sont inscrits sur la liste des Célébrations nationales de 2011.

Dans un passage du livre, Finkielkraut dénonce particulièrement les chantres optimistes de l’ère que nous vivons : les postmodernes. De toute évidence, si l’on approfondissait la pensée de Michel Maffesoli, ce que je n’ai pas le temps de faire, on tomberait d’accord sur ce point avec Finkielkraut en découvrant la vacuité du théorème postmoderne. Ce que je ne vous invite pas à faire car il y a d’autres choses à lire et à relire, et sans se prendre la tête !

Puisse cette démonstration de la pédanterie du personnage vous tenir assez distant des idées de ce pseudo-anar épinglé de la légion d’honneur qui anime des conférences pour la fondation Paul Ricard !

 






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