S’asseoir à la même table que Marine Le Pen équivaut à pactiser avec la reine de l’imposture de l’extrême droite française, qui joue effrontément sur tous les tableaux, frayant avec les durs de durs de l’extrême droite autrichienne, en février dernier, au bal de Vienne des nostalgiques du IIIe Reich, tout en peaufinant son image d’héritière bon teint, infiniment plus fréquentable que ne l’était son vieux père, notamment auprès des Juifs de France. Un périlleux grand écart !
En équilibre sur son fil ténu de la respectabilité, le grand numéro de funambule de Marine Le Pen, qui n’abuse que ceux qui veulent bien succomber aux sirènes du renouveau frontiste, se laissant séduire par sa croisade contre l’islam, a ébloui, ou aveuglé Alexander Zanzer, directeur de la principale institution sociale juive d’Anvers, et responsable du bureau bruxellois du site d’information Jewish News One. Cette personnalité de la métropole flamande a en effet déjeuné avec elle récemment, au vu et au su de tous, dans un restaurant casher du quartier européen de Bruxelles.
Un comble pour celle qui s’est époumonée toute l’année en criant à l’hallalisation de la France, en vue de conquérir l’Élysée et de siéger sous la coupole dorée de l’Assemblée nationale, (un doux rêve brisé dans les deux cas !), et un terrible faux pas pour Alexander Zanzer accueilli sous une volée de bois vert à Anvers !
Drôle d’endroit pour une rencontre improbable, mais Alexander Zanzer, aujourd’hui dans la tourmente, se justifie en se retranchant derrière le reportage qu’il doit réaliser sur le FN. Un argument guère recevable à Anvers, où ce déjeuner reste sur l’estomac de nombre d’éminents dignitaires juifs, dont le Pr Julien Klener, président du Consistoire central israélite de Belgique : « Comment est-il possible que quelqu’un qui exerce de hautes fonctions de responsabilité dans une institution comme la Centrale ne soit pas plus prudent et surtout se fasse remarquer par une rencontre politiquement très choquante quand on connaît le Front national et les déclarations du père de la présidente actuelle qui, à aucun moment, ne s’est distancée de ces propos condamnables ? », a vivement réprouvé ce dernier.
Peut-on partager le même repas que la leader d’une extrême droite hexagonale foncièrement anti-européenne et aux relents antisémites, sans trinquer à sa supercherie politicienne, maquillée en une révolution « Bleu Marine » faussement laïque, qui n’a de révolutionnaire que son nouveau rôle de composition : être le rempart contre l’islamisation de l’Europe ?
Peut-on décemment parler avec Marine Le Pen sans se renier soi-même, alors qu’elle préside aux destinées d’un parti, longtemps honni, qui a adoré se faire détester, et dont l’électorat de base reste inchangé sous le regard protecteur du président d’Honneur, le patriarche Jean-Marie Le Pen, qui regrettait amèrement cet été, dans un entretien accordé au Times, que les skinheads aient été écartés du devant de la scène ?