Le Crédit municipal de Paris (CMP), institution financière qui pratique le prêt sur gage depuis 1777 et familièrement dénommée "Ma Tante", déplore sa trop bonne santé, miroir inversé d’une "nouvelle aggravation de la crise économique".
La tendance n’est pas nouvelle et le CMP avait déjà exprimé début février son "inquiétude" devant l’augmentation des prêts sur gage, et une fréquentation accrue avec 550 clients quotidiens, contre 400 avant la crise.
"L’évolution des dépôts en gage constatée au 1er trimestre 2012 témoigne d’une nouvelle aggravation de la crise économique", estime Bernard Candiard, directeur général du CMP dans un communiqué, intitulé "quand ma Tante va trop bien..."
De fait, le nombre des dépôts ont augmenté de 73% en valeur et 37% en nombre par rapport au 1er trimestre 2011, dépassant ainsi le seuil le plus élevé "observé depuis 1970, c’est-à-dire une époque où une partie significative de la population française n’était pas encore +bancarisée+", souligne l’institution.
En 2011, le montant des prêts accordés "a augmenté de 53%, passant en un an de 50 millions à plus de 76 millions d’euros ; et le nombre de ces prêts s’est accru de 24%", détaille l’établissement public relevant de la Ville de Paris.
"Cette augmentation se superpose à celle déjà intervenue entre 2007 et 2010 : le montant des crédits distribués était passé de 30 millions d’euros à 50 millions d’euros", relève "ma Tante", véritable baromètre de la situation économique et sociale.
Ainsi, depuis le début de la crise, le montant des engagements au CMP a été multiplié par 2,5 et leur nombre s’est accru de près de 50%.
L’ancien Mont de Piété "détient actuellement en dépôt plus de 1 million d’objets, d’une valeur estimée de plus de 215 millions d’euros". 90% des objets déposés sont des bijoux et 10% sont des objets divers (argenterie, tableaux, sculptures, timbres, livres, instruments de musique ou des fourrures, etc.).
La gamme d’objets pouvant être déposés s’est aussi adaptée aux tendances : il y a eu en 2008 le vin, en 2009 les vêtements vintage, en 2010 la photographie d’art et depuis le 1er avril les bandes dessinées de collection.
82% des clients sont des femmes et neuf clients sur dix récupèrent les objets qu’ils ont déposés, même si la durée moyenne des dépôts dépasse deux ans.
Les prêts accordés correspondent à peu près à la moitié de la valeur des objets mis en gage, selon le CMP, et la moyenne de prêt par contrat est de 840 euros.
Les personnes se tournent vers ce mode de crédit quand elles sont exclues du système bancaire ou quand elles présentent des garanties jugées insuffisantes pour avoir accès au crédit traditionnel. Quel que soit le cas, les chiffres trimestriels "témoignent de l’ampleur de la crise actuelle", insiste le CMP, constatant que "la France compte de plus en plus de personnes pauvres et précaires".
Mais à l’inverse, l’affluence aux ventes aux enchères, que pratique aussi le CMP, et la forte hausse des prix lors de ces ventes démontrent que "ce n’est pas nécessairement la crise pour tout le monde".
Cette situation économique sombre et enkystée a poussé l’institution à proposer depuis 2009 des micro-crédits personnels aux Franciliens qui ne peuvent même pas mettre d’objets en gage. Le 1.500e a été contracté début février.
Depuis 232 ans, au coeur du Marais, "ma Tante" doit ce surnom à la mésaventure du fils du roi Louis-Philippe (1830-1848), le prince de Joinville, joueur invétéré qui avait mis en gage sa montre pour rembourser ses dettes et avait dit à sa mère l’avoir oubliée chez sa tante.