Alors que la télévision nous avait produit deux excellents films historiques, l’un sur Louis XIV, « Versailles, le rêve d’un roi » et l’autre sur Louis XV, « Le Soleil noir », l’opus proposé sur France 2 le mardi 29 novembre sur Louis XVI, « L’homme qui ne voulait pas être roi » est un tel ramassis d’âneries et de clichés qu’il est impossible, sauf à y passer la journée, d’en faire la liste. Je me contenterai d’en relever trois.
Faire de Necker l’instrument de l’échec du malheureux Turgot, si ami du peuple et du progrès et si injustement renvoyé par le roi, c’est donner des gages à tout l’appareil de propagande de la bourgeoisie libérale triomphante. La « liberté » que Turgot a mise en place, et à laquelle la vilaine Eglise catholique s’est si violemment opposée, c’est celle du commerce des grains qui a, d’un seul coup d’un seul, rendu le pain inaccessible au peuple qui avait l’habitude, jusqu’alors, de l’acheter à un prix fixé et garanti par le roi.
Ce n’est pas Necker, - quoique Turgot et son ami Condorcet aient affirmé le contraire – et ce ne sont pas non plus les « privilégiés » qui ont fait capoter les réformes de l’homme des Lumières : c’est le peuple. Et celui-ci n’a pas eu besoin qu’on vienne lui monter le bourrichon pour s’opposer à des réformes aussi géniales : C’est la faim qui l’a poussé à se soulever. On a appelé ça « la Guerre des farines », et elle s’est effectivement terminée par la pendaison de quelques malheureux. Et le renvoi de Turgot.
J’en parlerai plus longuement dans un prochain article.
Faire accroire que Turgot voulait l’éducation gratuite pour le peuple, et que les vilains réactionnaires se seraient opposés à un tel progrès, c’est masquer que les jésuites qu’on venait dix ans plus tôt de chasser et d’exproprier, s’appliquaient justement à assurer cet enseignement gratuit pour tout le monde. Le petit monde auto-proclamé des « Lumières » avait applaudi à cette régression et à la défaite de ces humanistes : dix ans plus tard on n’avait toujours pas remplacé leur irremplaçable dévouement à la cause du savoir pour tous.
Montrer la marche des femmes sur Versailles sans expliquer que, quatre mois après le début de la Révolution, elles venaient chercher du pain, c’est une fois encore faire l’impasse sur le fond du problème : le prix du pain. Du pain. Le prix du pain du peuple, en quelle langue faut-il le dire pour qu’on comprenne ?
Le roi et sa famille ne sont pas rentrés sur Paris sous les insultes : les femmes sont simplement venues chercher le boulanger, la boulangère et le petit mitron. Le peuple de Paris est venu rappeler à la royauté sa raison d’être : assurer au peuple un prix du pain raisonnable.
Et pas un prix du pain fixé par le Marché, le nouveau Dieu nouvellement arrivé au pouvoir.
Il faudra bien qu’un jour ces vérités-là soient entendues.
Apparemment il y a du boulot.