Les rebelles antigouvernementaux libyens ont pris d’assaut et bloqué le travail du parlement, écrit mardi le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Plusieurs unités ayant quitté les rangs de l’armée de terre et de l’air libyenne agissent désormais sous le commandement du général à la retraite Khalifa Haftar, soutenu par plusieurs groupes armés. Il affirme ne pas aspirer au pouvoir mais lutter contre l’islamisme et le terrorisme.
Le Congrès général national (CGN) de Tripoli a été attaqué dimanche par des combattants armés de lance-roquettes sol-air et antichars, ainsi que d’armes d’infanterie. Les rues adjacentes ont été bloquées, des bureaux et des meubles ont été ravagés. Les députés ont fui en panique et un incendie s’est déclaré. Selon les agences de presse, 20 personnes ont été kidnappées, deux tuées et 55 blessées.
Après ces événements le général Mokhtar Farnana, chef de la police militaire, a lu sur la chaîne libyenne Al-Ahrar un message au nom de Khalifa Haftar, exigeant la suspension du travail de "l’organe législatif illégitime" et son remplacement par l’assemblée constituante de 60 membres récemment élus, chargée de rédiger la nouvelle Constitution. D’après Farnana, il ne s’agit pas d’un coup d’Etat mais du choix du peuple : "Nous annonçons au monde que le pays ne peut être un incubateur de terrorisme".
Le président du CGN Nouri Bousahmein a affirmé que la situation était sous contrôle et que les députés se réuniraient dès aujourd’hui. Les autorités déclarent également que le gouvernement fonctionne en régime normal. Les États-Unis ont mis en état d’alerte leurs troupes d’infanterie de marine en Sicile, la Tunisie a placé 5 000 soldats près de la frontière libyenne et l’Algérie a évacué son ambassadeur de Tripoli.
Un affrontement de trois jours avait commencé vendredi entre les troupes de Haftar et les islamistes à Benghazi, dans l’est du pays. Des avions à réacteurs ont été utilisés dans l’opération Dignité et le gouvernement libyen a dû instaurer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la ville. 70 personnes ont perdu la vie dans cette confrontation. Dimanche, les hommes de Haftar ont pris pour cible les députés et les dirigeants islamistes.
Ce conflit reflète la division au sein du parlement libyen entre les fractions islamistes et non islamistes. Sachant que les islamistes dominent et soutiennent le nouveau premier ministre Ahmed Maitig qui, toutefois, n’a pas encore formé de gouvernement. Selon certaines informations, les insurgés cherchaient précisément à empêcher la nomination des ministres, après avoir appris dimanche que les députés avaient reçu la liste des candidats.
Khalifa Haftar, qui avait renié Mouammar Kadhafi dans les années 1980 et fui aux USA, avait tenté en 2011 de diriger l’insurrection contre le colonel au pouvoir. Le général semble aujourd’hui être inspiré par les événements en Égypte, où les militaires ont renversé en juillet le président islamiste Mohamed Morsi, et s’essaie au rôle du "sauveteur de la nation".
"Les régimes autoritaires et dictatoriaux laissent toujours un vide politique derrière leur effondrement inéluctable. C’est pourquoi le pays est aussi secoué. Par ailleurs, l’arrivée au pouvoir des militaires ou d’un dirigeant politique puissant ayant de l’autorité au sein de l’armée ne signifie pas forcément la fin de la période de déstabilisation, du conflit armé incessant et du chaos. Qui plus est, les problèmes ne pourraient que s’aggraver", a déclaré Alexandre Tkatchenko, chef du Centre d’étude de l’Afrique du Nord et de la Corne de l’Afrique.