Foyer de la rébellion contre le colonel Kadhafi, en 2011, la ville de Benghazi, située dans l’est de la Libye, est depuis devenue le fief de groupes islamistes radicaux lourdement armés.
En outre, les forces de sécurité libyennes ainsi que les intérêts occidentaux dans la région sont régulièrement pris pour cibles. Les nouvelles autorités libyennes ont bien tenté d’y remettre bon ordre. Mais sans succès jusqu’à présent.
Encore récemment (le 8 mai), le colonel Ibrahim Al-Senoussi Akila, chargé des renseignements dans l’est du pays, a été assassiné à Benghazi.
Devant l’impuissance des autorités légales, le général Khalifa Haftar, éphémère chef d’état-major de l’armée libyenne en novembre 2011, est passé à l’action. Et visiblement, le groupe paramilitaire qu’il commande (appelé « Armée nationale libyenne », histoire de semer encore plus la confusion) ne manque pas de moyens puisqu’il a attaqué, le 16 mai, des positions tenues par le groupe islamiste Ansar al-Charia avec des hélicoptères.
Pour le général Haftar, cette opération, appelée « Dignité », a pour objectif de « purger » Benghazi des « groupes terroristes » qui s’y sont implantés depuis la chute du régime du colonel Kadhafi. Selon un nouveau bilan communiqué dans la soirée du samedi 17 mai par le ministère libyen de la Santé, les combats auraient fait 79 tués et 141 blessés.
Seulement, les autorités légales libyennes ont condamné cette opération, en la considérant, comme l’a fait Nouri Abou Sahmein, le président du Congrès général national (CGN, Parlement), comme un « coup d’État » étant donné qu’elle a été lancée « en dehors de la légitimité de l’État ». « Tous ceux qui ont participé à cette tentative de coup d’Etat vont être poursuivis par la justice », a-t-il prévenu.
Avant, le chef d’état-major des forces armées libyennes, le général Abdessalem Jadallah, avait démenti toute implication de l’armée régulière dans cette opération et appelé « l’armée et les révolutionnaires à s’opposer à tout groupe qui tente de contrôler Benghazi par la force des armes ».
Quant au nouveau Premier ministre de transition, Abdallah Al-Theni, il a qualifié la force du général Haftar, de « groupe hors-la-loi » et appelé à la retenue tout en affirmant que l’armée libyenne « contrôlait la situation sur le terrain ».
Et il a été décidé, à Tripoli, d’instaurer une zone d’exclusion aérienne sur Benghazi, avec la menace à la clé d’abattre tout avion qui survolerait cette zone. En clair, les appareils utilisés par l’Armée nationale libyenne du général Haftar pour bombarder les positions d’Ansar al-Charia sont désormais dans le collimateur.
« L’état-major de l’armée libyenne déclare Benghazi et ses banlieues zone d’exclusion aérienne, jusqu’à nouvel ordre » a ainsi indiqué un communiqué publié par l’agence Lana. « Tout avion militaire survolant la ville sera pris pour cible par les unités de l’armée (…) et les formations de révolutionnaires (ex-rebelles) », poursuit le texte.
Sauf que dire que l’on va instaurer une zone d’exclusion aérienne est une chose. Avoir les moyens de la mettre en place en est une autre. Seulement, les forces régulières sne sont a priori pas en mesure de l’appliquer. L’on ignore avec exactitude ce que sont devenus les quelques Mirage F1 qui étaient encore en service au moment de la révolution de 2011.
De son côté, le général Haftar (ou Hifter) s’est défendu de fomenter un coup d’État et a expliqué que « l’objectif précis » de l’opération qu’il a lancée est « d’éradiquer le terrorisme ». Fait prisonnier en 1987 par les Tchadiens à Ouadi-Doum (a-t-il fait défection ?), cet officier a vécu pendant 20 ans en Virginie, à quelques encâblures du siège de la CIA, à Langley. D’où sa réputation d’être « l’homme des Américains ».
Pour rappel, le groupe Ansar al-Charia, principale cible du général Haftar, est soupçonné d’être à l’origine de l’attaque du consulat américain de Benghzai, le 11 septembre 2012 (4 tués, dont l’ambassadeur Christopher Stevens). Cette affaire donne lieu à une polémique, outre-Atlantique, sur le rôle de l’administration Obama.