En Libye le gouvernement provisoire est au seuil de l’effondrement énergétique, dans un contexte mêlant instabilité croissante et déclin du pays, écrit mercredi le quotidien Kommersant.
Deux ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi la situation est une nouvelle fois proche de la révolution. La lutte pour le pouvoir en Libye s’est projetée sur les réserves pétrogazières stratégiques du pays : les provinces de Cyrénaïque et Fezzan, qui abritent 80% des gisements, ont annoncé qu’elles refusaient de se subordonner au gouvernement central de Tripoli.
En s’emparant du pouvoir local les chefs de guerre ont commencé à constituer leurs propres armées, afin de protéger les frontières et les ressources de ces nouvelles autonomies qui ont pour capitales Benghazi et Sebha.
Récemment les autorités de Cyrénaïque ont annoncé la création de leur propre compagnie pétrolière, qui contrôlera l’exploitation et les exportations des hydrocarbures sans en référer à Tripoli. Cette annonce a été un véritable signal pour les autorités centrales, marquant leur perte du contrôle de la situation dans le pays, déjà en pleine division.
Ces derniers mois la production pétrolière en Libye a atteint son plus bas niveau historique.
A titre de comparaison elle atteignait 1,6 million de barils par jour à l’époque de Mouammar Kadhafi, tandis qu’elle ne dépasse pas 300 000 barils aujourd’hui.
D’après Bloomberg, le secteur énergétique libyen perd 130 000 dollars par jour, principalement à cause de la corruption qui a prospéré après la chute du régime de Mouammar Kadhafi. Jusqu’à septembre le gouvernement du pays avait réussi à maintenir la production à son niveau prérévolutionnaire, puis elle a commencé à chuter rapidement.
Un scandale de corruption a éclaté dans la Cyrénaïque et a permis de percer à jour le schéma mafieux de vol du pétrole. En dénonçant ce complot le ministre libyen de l’Intérieur de l’époque, Mohamed Khalifa al-Cheikh, avait accusé le premier ministre de refuser de lutter contre le vol du pétrole et avait donné sa démission Les autorités de Cyrénaïque ont finalement imposé leur monopole sur l’exploitation et les exportations de pétrole de la région "en signe de protestation contre la corruption de Tripoli".
Actuellement, le gouvernement de transition ne contrôle plus, de facto, que la Tripolitaine. Toutefois les autorités ont de plus en plus de mal à contrôler cette province également, alors que s’y activent les tribus berbères locales qui représentent près de 20% de la population libyenne.
A l’époque de Kadhafi, les berbères exigeaient de Tripoli la reconnaissance de leurs droits culturels et politiques. Ils avaient réussi à acquérir davantage de libertés dans les deux autonomies récemment autoproclamées. Mais en Tripolitaine leur situation n’a pratiquement pas changé par rapport à la période prérévolutionnaire.
Les autorités craignaient que les berbères puissent devenir la minorité la plus problématique et dangereuse pour le pays – aujourd’hui cette peur semble bien justifiée. Il y a quelques jours les berbères ont organisé une grève sans précédent dans la ville portuaire de Mellita, située à 60 km de Tripoli. Cette ville abrite un terminal permettant d’acheminer le gaz libyen en Italie en passant sous la Méditerranée. La grève des berbères a contraint les autorités de fermer ce canal stratégiquement important pour les deux pays.
Les autorités italiennes ont affirmé que les Apennins ne connaîtraient pas de perturbations dans les livraisons de gaz naturel. De son côté le premier ministre libyen Ali Zeidan a donné
"tout au plus dix jours" à la grève pour se terminer en menaçant de la disperser. Le rétablissement des livraisons de gaz à l’Italie est devenu une question de vie ou de mort pour Tripoli, qui perd le contrôle de ses ressources.
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