C’est un revirement diplomatique majeur. Depuis un mois, Nicolas Sarkozy – comme la plupart des dirigeants occidentaux et arabes – exige le départ immédiat du colonel Kadhafi, jugé « illégitime » depuis qu’il a tiré sur son peuple à l’arme lourde.
Mais, hier, devant quelques journalistes, le président français a fait volte-face. Il a déclaré qu’il ne faisait plus du départ du colonel un préalable à l’ouverture de négociations avec Tripoli visant à arrêter les hostilités et à instaurer un pouvoir de transition. Il a ajouté qu’il serait prêt à accepter un maintien au pouvoir de Kadhafi pendant une durée qui reste à déterminer.
Il a cependant affirmé que la France et ses partenaires ne pouvaient discuter directement avec le « Guide ». Les pourparlers devraient se faire (et se font déjà) par l’intermédiaire de l’un de ses fils, qui pourrait devenir l’homme fort du nouveau régime.
Le président français a parlé « off the record », mais avec l’objectif évident que l’information soit reprise (« le Figaro » en a d’ailleurs fait état ce matin). Pourquoi cette annonce maintenant ?
Pour au moins trois raisons :
1/ La situation militaire est dans l’impasse et, sans un appui supplémentaire des Américains, les rebelles n’ont aucune chance de prendre Tripoli. On risque donc une partition du pays et les conséquences géostratégiques incalculables d’une telle division.
2/ L’Otan vient de reconnaître une bavure lors de frappes à Brega, bavures qui ont fait au moins quatre morts parmi les rebelles. Or il est fort possible que les avions en question soient français… Redoutant que la multiplication inévitable de telles erreurs aient un impact très négatif sur l’image de son pays et sur la sienne, Nicolas Sarkozy souhaite en finir rapidement avec ce conflit mené avant tout par l’armée française.
3/ D’ores et déjà très intenses, les négociations de fin de conflit s’accélèrent. Le président sud-africain Zuma s’apprête à se rendre demain à Tripoli pour rencontrer Kadhafi et lui proposer un cessez-le feu ; et la semaine prochaine plusieurs réunions décisives vont avoir lieu : la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Luxembourg, puis celle du groupe de contact à Doha et enfin celle des ministres des Affaires étrangères de l’Otan à Berlin. Nicolas Sarkozy tient à montrer qu’il demeure à la pointe des initiatives diplomatiques.
Officiellement, l’administration Obama continue, elle, d’exiger un départ immédiat de Kadhafi.