Lettre ouverte d’une citoyenne française en colère à M. le ministre de l’intérieur : Manuel Valls
M. le ministre de l’intérieur,
Le 16 juillet 2013, vous avez, en qualité de directeur des services de police, fait arrêter à mon domicile, mon mari né Kristian VIKERNES, de nationalité norvégienne, et moi-même, née Marie Dominique France CACHET, citoyenne française, issue de parents français, de grands-parents français, d’arrière-grands-parents français, et caetera.
À 6h00 du matin, la police a tiré à trois reprises sur notre porte-fenêtre, sans s’annoncer avant, et a ensuite fracassé la vitre avant de crier « Police ! ».
Nous avons été menottés, mon mari et moi-même, alors enceinte de quatre mois, devant nos trois jeunes enfants apeurés (6 ans, 4 ans et 2 ans).
Notre domicile, nos voitures et notre propriétés ont été fouillés et il a été perquisitionné des munitions et des armes à feu (une carabine de 7e catégorie, deux carabines 22LR, une carabine 222 Remington, et un fusil de chasse) acquises et détenues légalement par moi-même, tireuse sportive et titulaire d’une licence de tir en cours de validité. Il a été également perquisitionné divers couteaux, du matériel informatique, et divers objets.
Après une perquisition minutieuse, il n’a été trouvé aucun élément illégal.
Nous avons été emmenés au commissariat de Brive et placés en garde à vue, alors que la maison était laissée grande ouverte et sans surveillance.
Nous avons appris que nous étions placés en garde à vue pour suspicion d’association de malfaiteur en vue de préparer des actes de terrorisme.
Vous même vous êtes, selon plusieurs médias, exprimé ainsi :
« Le devoir de l’État et de ses services est de protéger les Français contre toutes les intentions, et là incontestablement, ce personnage, ce couple représentait un danger. Maintenant, il faut évidemment attendre les résultats de l’enquête sous l’autorité du parquet de Paris. » Ou ainsi : Kristian Vikernes « était susceptible de préparer un acte terroriste d’envergure ».
Les policiers de la DCRI nous ont expliqué que seul le fait supposé que mon mari, né Kristian VIKERNES ait été l’un des destinataires du manifeste de M. Breivik, auteur de la tuerie d’Utøya, expliquait l’arrestation.
Cette supposition s’est avérée totalement fausse dès la première audition.
La garde à vue n’a abouti sur aucune charge, pourtant on a retiré à mon mari et moi-même, citoyenne française au casier judiciaire vierge, le droit de détenir des armes de toute catégorie, y compris 6e (couteaux…). Ceci pour le seul motif que j’ai été arrêtée pour suspicion d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme.
Il m’a été retiré un droit élémentaire, avec comme seul motif le fait que j’aie été arrêtée pour une suspicion.
Mon mari, né Kristian VIKERNES, se voit convoqué devant une commission d’expulsion, ce mardi 10 septembre 2013, au tribunal de grande instance de Brive à 9h30. Cette procédure a été engagée par vous-même. M. Vikernes constituerait une potentielle atteinte à la sûreté de l’État, alors qu’il n’a jamais été condamné en France, et n’a pas été condamné à la suite de cette arrestation.
Je dois, M. le ministre de l’intérieur, vous rappeler ces deux articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
Article 11
1. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
Article 12
Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
En tant que ministre de l’intérieur, vous devez garantir à tout citoyen français l’exercice de ses droits, devoirs et libertés.
Article 14
Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15
La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
Au regard de ces deux articles de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en tant que citoyenne française, j’ai le droit de m’informer et de contrôler la bonne marche de la fonction publique, pour laquelle je paie chaque année des impôts.
Je dois donc vous poser les questions suivantes :
Pourquoi les policiers de la DCRI, envoyés chez nous à 6h00 le 16 juillet 2013, ont-ils tiré à trois reprises, et fracassé notre fenêtre avant de s’annoncer ?
Il nous a été dit que nous étions surveillés par les services de renseignements intérieurs, et pourtant le motif de l’arrestation était, selon les policiers de la DCRI, le fait que mon mari aurait été le destinataire du manifeste de M. Breivik sur une adresse de courriel qui ne lui appartenait pas. Pourquoi cette adresse n’a-t-elle pas été vérifiée avant l’arrestation ?
Concernant cette surveillance, il n’a justement été rien trouvé qui puisse laisser croire à la planification effective d’un acte terroriste. Pourquoi donc cette arrestation ? Pour que l’on puisse parler de suspicion, ne faut-il pas une preuve de suspicion ?
Quel danger représentait « ce couple » franco-norvégien vivant en France depuis trois ans, à la campagne avec ses trois jeunes enfants, des poules et des lapins, composé d’un homme de quarante ans certes condamné (mais il y a vingt ans), et d’une femme de vingt-cinq ans, enceinte de quatre mois ?
Quel danger représentaient des armes de type tir sportif/chasse acquises et détenues légalement par moi-même, mère de famille, et utilisées en stand de tir ?
Pourquoi n’avez-vous pas condamné l’attitude des médias dans cette affaire engagée par vous-même ?
En tant que citoyenne française, j’ai le droit au choix et au respect de ma famille, et mes trois enfants, de nationalité française et futurs citoyens français, ont le droit au respect de leur père, citoyen européen protégé.
J’espère, Monsieur le ministre, que vous saurez amener une conclusion respectueuse concernant la procédure d’expulsion de mon mari, puisque c’est à vous que reviendra la décision finale, en accord ou non avec l’avis des magistrats de Brive-la-Gaillarde se réunissant le 10 septembre.
En espérant que vous comprenez que je ne reculerai pas dans mon combat – légal – pour la justice, je vous remets mon respect et mes salutations indignées.
Marie Dominique France CACHET