Les chiffres officiels pour 2010 ne seront connus que dans quelques jours, mais les estimations des économistes concordent pour dire que le niveau de progression des salaires en France, dans le secteur privé, n’avait plus été aussi faible depuis 2000 et le freinage consécutif à la généralisation des 35 heures.
Le salaire mensuel de base - grosso modo la somme qui figure sur la première ligne du bulletin de paie - aura ainsi progressé en moyenne de + 1,8 % l’année passée. Mais, en tenant compte de l’inflation, la hausse n’aura été que de + 0,3 %.
Le salaire mensuel de base est, selon les économistes, l’indicateur qui traduit les “tensions” sur le marché du travail, c’est-à-dire comment les entreprises font évoluer les salaires compte tenu de la situation du marché du travail.
Le poids du chômage
Paradoxe, en 2009, pendant la crise, la progression de ce salaire mensuel de base avait été plus forte : + 2,2 % en termes nominaux et + 2,1 % en termes réels (en incluant l’évolution des prix).
Pour mémoire, la hausse annuelle moyenne enregistrée sur la période 2005-2008 a été de l’ordre de + 2,5 % à + 3 %, selon les économistes.
Le freinage a en fait commencé à partir de fin 2008. C’est ce que traduit l’évolution du salaire de base en glissement annuel (trimestre de l’année “n” comparé au même trimestre de l’année “n-1″) : d’une progression de + 3 % fin 2008 (par rapport à fin 2007), on est passé à + 1,8 % début 2010 (par rapport à début 2009).
Ci-dessous, la courbe d’évolution du salaire mensuel de base (ainsi que du salaire horaire de base ouvrier) tracée par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) :
Cette modération salariale tient d’abord au fort taux de chômage. La reprise économique qui reste balbutiante, les surcapacités de production, ainsi que les marges pas totalement reconstituées conduisent aussi les entreprises à ajuster les coûts et ne pas trop lâcher sur les salaires.
Le retour des primes
L’amorce de reprise de l’activité survenue en 2010 s’est malgré traduite par un surplus de primes et d’heures travaillées. C’est ce que montre un autre indicateur salarial : le salaire moyen par tête, qui devrait avoir augmenté de 2,9 % en 2010 selon l’Insee (+ 1,4 % avec l’inflation).
Le salaire moyen par tête résulte de la comparaison des évolutions de la masse salariale totale et du nombre de salariés. En 2009, il n’avait progressé que de + 1,3 % (+ 1,2 % en tenant compte de l’inflation), son plus bas niveau depuis 1950. Cela s’expliquait par la baisse des primes et la forte utilisation du chômage partiel.
Hausse encore “modérée” cette année
Pour 2011, compte tenu notamment de la situation toujours dégradée du marché du travail, les économistes s’attendent à une progression du salaire mensuel de base sur des “pentes” voisines de celles de 2010.
Dans une note de conjoncture, publiée mi-décembre, l’Insee estimait que les salaires nominaux devraient “suivre le profil de l’inflation” au cours du premier semestre. Ce qui signifie qu’en termes réels, les salaires (mensuel de base, et moyen par tête) “progresseraient modérément”.
L’institut national de statistiques considère que les acquis de croissance à l’issue du deuxième trimestre seraient de + 1,8 % pour le salaire mensuel de base (soit +0,7 % en prenant en compte l’inflation), et de + 1,7 % pour le salaire moyen par tête (+0,6 % en réel).
Pessimisme des ménages
Autant dire que les perspectives pour le pouvoir d’achat ne sont guère réjouissantes. Les Français, d’ailleurs, ne s’y trompent pas. En janvier, l’opinion des ménages sur leur situation financière personnelle se détériore et ils sont un peu plus pessimistes sur leur situation financière future, selon l’indicateur de l’Insee.