Tandis que les médias occidentaux s’échinent à trouver au microscope la moindre particule de favoritisme confessionnel dans une Syrie dotée pourtant des institutions les plus multiethniques et multiconfessionnelles de tout le monde arabo-musulman, les monarchies du Golfe, elles, s’en donnent à cœur joie dans la mise en application de l’apartheid confessionnel.
C’est le cas du Royaume de Bahrein, un micro-Etat pétrolier allié aux puissances occidentales et dont les exactions contre la population n’intéressent guère nos médias mainstream.La dynastie régnante, Al Khalifa, est d’obédience wahhabite, un courant sunnite qui est l’un des plus puritains, violents et sectaires de l’Islam.Venue du Najd, une région du centre de l’Arabie saoudite à la fin du XVIIIe siècle, la famille Al Khalifa s’est imposée par la terreur sur la population locale avec le soutien de la Couronne britannique soucieuse de limiter l’influence iranienne sur l’archipel.
Depuis, les Al Khalifa contrôlent tous les leviers du pouvoir.
Tant et si bien qu’aujourd’hui, à la tête de l’Etat bahreïnien, tout le monde s’appelle Al Khalifa : le roi, Hamad Ben Issa Al Khalifa, le premier ministre, Al Khalifa, le ministre des affaires étrangères, Al Khalifa, le ministre de l’information, Al Khalifa, le ministre de la culture, Al Khalifa, le ministre de l’intérieur, Al Khalifa, le ministre de la défense, Al Khalifa, le chef de l’armée, Al Khalifa, le commandant de la garde nationale, Al Khalifa, les conseillers du premier ministre pour la sécurité, Al Khalifa, le directeur de l’Agence de sécurité nationale, Al Khalifa, l’ambassadeur en poste en Angleterre, la puissance tutélaire, Al Khalifa, le président de la Cour suprême, Al Khalifa...
Les ennemis jurés des Al Khalifa : leur propre peuple, en particulier les chiites qui représentent plus de 70% de la population bahreïnienne.
Ces derniers subissent une ségrégation terrifiante. Comme l’a constaté l’euro-députée portugaise Ana Gomes, les chiites de Bahrein n’ont accès à quasi aucun travail dans l’administration, sont systématiquement discriminés à l’embauche et n’ont pas droit à un logement décent.
Des centaines d’entre eux sont poursuivis devant des tribunaux militaires, croupissent en prison et subissent la torture. Les ONG des droits de l’homme bahreïniennes dénombrent également plusieurs cas de disparitions forcées.
La haine des chiites est telle dans le Royaume de Bahreïn que le 14 mars 2011, les autres puissances anti-chiites régionales coalisées au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont envoyé leurs troupes pour mater la révolte avec le soutien tacite des Etats occidentaux. Bilan : une soixantaine de manifestants tués sur la place de la Perle dans la capitale Manama.
Depuis, un climat d’état d’urgence s’est installé dans le pays.
Après 30 mois de terreur d’Etat, les Al Khalifa ont trouvé un nouveau stratagème pour venir à bout de la contestation : marginaliser la majorité chiite par une politique des naturalisation massive de sunnites étrangers et par la déchéance de la nationalité pour les chiites jugés trop récalcitrants. Ainsi, des milliers de réfugiés syriens ou d’immigrés jordaniens, yéménites et pakistanais de confession sunnite ont reçu la nationalité bahreïnienne ces dernières années.
Nombre d’entre eux ont été enrôlés dans la police ou l’armée pour mater la population chiite.Malgré la répression, le mouvement populaire est demeuré résolument pacifique et uni au-delà des provocations sectaires du régime. ce 14 août, les révoltés du Bahreïn descendront massivement dans la rue pour manifester contre la dictature mafieuse des Al Khalifa à l’occasion du 42e anniversaire de l’Indépendance de Bahreïn, une fête célébrant le départ des troupes britanniques du pays mais ignorée par les Al Khalifa qui ont fixé la date de la fête nationale au 16 décembre, jour correspondant à l’intronisation de l’émir Issa Bin Salman Al Khalifa (1961).
La dynastie régnante a d’ores et déjà annoncé que tout rassemblement serait interdit.