La récession en Europe et le développement des énergies renouvelables commencent à avoir un sérieux impact sur les livraisons de gaz de l’Algérie vers l’Italie. Selon les dernières données du GME, le gestionnaire italien des marchés énergétiques, les exportations algériennes vers ce pays ont baissé de 66% à 557 millions de m3 en mars 2014.
Le GME, qui gère également le marché des énergies renouvelables en Italie, indique que les importations en provenance d’Algérie, à travers le point d’entrée Mazara d’El Valo du gazoduc Transmed, a enregistré la plus importante baisse, comparé aux reste des importations provenant des autres pays fournisseurs.
Les chiffres rendus publics cette semaine par le GME restent inquiétants pour l’Algérie, reliée à l’Italie par un gazoduc, dont la capacité de transit a été augmentée en 2012 à 33 milliards de m3, alors que les prélèvements dépassent à peine un demi-milliard de m3 le mois. Si ce volume de transit de gaz naturel est maintenu à ce rythme pour toute l’année 2014, le Transmed construit en 1983, risque d’acheminer la moitié seulement de ses capacités de transit de gaz.
La situation est d’autant plus aggravée par le fait que l’Algérie n’est pas parvenue,ces derniers mois,à placer ses quantités de gaz habituelles sur le marché italien, pourtant revues à la baisse après l’accord conclu entre Sonatrach et ENI en 2013. D’ailleurs, la baisse des livraisons algériennes de gaz se sont fait ressentir dans le portefeuille global des importations de l’Italie en gaz, qui ont chuté de 17% à 4,45 milliards de m3 en mars.
L’organisme italien précise que ce recul important est dû à une baisse historique de la demande en Italie, qui s’est contractée d’un tiers à 1,27 milliard de m3 durant le mois passé. Le marché Italien du gaz connait une sérieuse saturation, sous l’effet combiné de la récession économique et du développement des énergies renouvelables.
Russie et Libye en concurrents
Toutefois, cette saturation n’a pas pour autant empêché des pays comme la Russie, la Libye et certains producteurs d’Europe du nord, d’augmenter leurs livraisons vers l’Italie. Une hausse qui s’est faite au détriment des exportations algériennes.En effet et inversement à l’Algérie, la Russie a réussi à augmenter ses exportations de gaz vers l’Italie de 5,8 % dans un contexte de crise économique, caractérisé par un resserrement de la demande et une abondance de l’offre.
Les livraisons de gaz russes ont progressé à 2,75 milliards de m3 en mars, représentant quatre fois les exportations algériennes vers le marché italien, le plus important débouché de gaz pour le pays. L’Europe du nord commence elle aussi à se frayer un chemin sur le marché italien, dominé jusqu’ici par l’Algérie et la Russie. Les exportations de gaz vers ce pays qui étaient presque insignifiantes, ont doublé durant le mois dernier à 386 millions de m3.
La Libye qui dispose aussi d’importantes ressources gazières, a été en mars au coude à coude avec l’Algérie avec des livraisons de 527 millions de m3. Ses exportations ont augmenté, selon les données de GME, de 20% durant le mois dernier
Guerre des prix
Le GME ne fournit pas d’explications sur les raisons ayant favorisé le foisonnement de fournisseurs sur son marché, mais des experts considèrent que le facteur prix a beaucoup joué dans la perte de parts pour le gaz algérien. La Russie, qui a toujours affiché dans le cadre du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) son attachement à un prix juste de cette énergie, a refusé de collaborer sur l’échange d’informations sur les prix et les marchés gaziers, pourtant prévu par l’organisation, confie à Maghreb Emergent, une source au ministère de l’Energie et des Mines. « La Russie, tout comme le Qatar, sont en train de casser les prix pour grignoter des parts à l’Algérie c’est pour cette raison qu’ils refusent de jouer le jeu de la transparence en matière de prix, initié par le FPEG, » affirme la même source.
Marge de manœuvre étroite pour Sonatrach
La marge de manœuvre algérienne pour éviter le dévissement des prix du gaz reste difficile dans un contexte de crise, avait reconnu le patron de Sonatrach Abdelhamid Zerguine, dont le groupe avait été débouté en 2013 par l’arbitrage international dans son contentieux sur le prix du gaz l’opposant à l’italien Edison. Le groupe algérien se bat actuellement pour ne pas avoir à accorder de réductions de prix pour quelques contrats gaziers sur lesquels la clause de bouleversement ne s’applique pas.
Sonatrach qui a accepté en 2013 de réduire ses livraisons de gaz à l’Italie, a cependant refusé de baisser les prix à ENI, jugeant que la clause de bouleversement qui permet aux acheteurs de demander une baisse des prix en cas de changement des conditions économiques, ne pouvait s’appliquer sur le contrat avec le groupe italien.
Mais Sonatrach est-elle en mesure d’arrêter l’effet domino engendré par l’affaire Edison. Selon son PDG, « l’effet domino est déjà là » car il n’y avait pas qu’Edisson, qui a demandé une baisse des prix. L’ENI et Gaz Natural Fenosa pointent aussi le nez pour demander une baisse des prix.
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