Emmanuel Macron a donc été élu avec une large majorité des votes exprimés le 7 mai. Avec 66 % des « votants » il atteint un score impressionnant, mais en trompe l’œil. L’importance du nombre des abstentions et des votes « blancs ou nuls » ramène son score à 43 % des inscrits. Ce niveau est à mettre en parallèle avec celui obtenu en 2002 par Jacques Chirac dans une élection présidentielle où, déjà, un candidat de Front national était au 2ème tour. Dans ce cas de figure très particulier, Jacques Chirac avait obtenu les suffrages de 62 % des inscrits. L’écart de 19 points qui s’est creusé en 15 ans, entre l’élection de Jacques Chirac et celle d’Emmanuel Macron est hautement significatif. Il montre qu’il y a eu plus un vote par défaut, les sondages, à prendre avec précaution, indiquent que seuls 43 % des personnes ayant choisi le vote Macron approuvent son programme.
Le succès d’Emmanuel Macron pourrait bien apparaître n’être qu’un trompe-l’œil. Le soutien de la presse quasi unanime, des grands médias qui se sont impliqués avec une rare indécence derrière ce candidat, n’a donc pas suffi pour qu’il retrouve un étiage correspondant à celui de Jacques Chirac. Les 19 points manquants en disent long sur la colère que ressentent les Français, une colère qui s’est largement exprimée durant cette campagne.
Lors des « festivités » organisées pour l’annonce des résultats, avec une mise en scène tellement étudiée et tellement dépourvue de spontanéité que même les journalistes des principales chaînes de télévision l’ont remarquée, on a assisté à la mise en place d’une double contradiction qui pourrait bien être celle de la présidence Macron.
La première fut de présenter l’élu comme un homme seul, dégagé de toute attache, ainsi que voulait le faire entendre sa marche solitaire vers la scène du Louvre, alors qu’en réalité sa candidature est une immense entreprise de recyclage de politiciens faillis ou à bout de souffle, du PS, du « centre », mais aussi de la droite. La seconde fut entre la tonalité ouvertement « européenne » de la mise en scène du Carrousel du Louvre, et le discours prononcé par Emmanuel Macron à la tribune, un discours ou la France fut largement présente. Il a même exprimée ce qu’il avait déjà dit devant des télévisions étrangères, mais qu’il avait tu en France, qu’il voulait « refonder l’Europe ». Mais, tout projet de changement des institutions de l’Union européenne, car – politiquement et institutionnellement – l’Europe n’existe pas, passe par la case d’un affrontement explicite avec l’Allemagne. Emmanuel Macron aura à choisir entre une préférence européenne et une préférence française. À vouloir combiner les deux et ne pas choisir, il se mettra dans la main de Berlin et montera à tous que sa prétendue volonté de « refonder l’Europe » n’était que le masque de la soumission, voulue ou subie.
La défaite de Marine le Pen est indiscutable. Elle l’est d’autant plus que dans les premiers jours de la campagne du second tour de la présidentielle une dynamique s’était mise en place qui montrait que les intentions de votes passaient, dans les sondages, de 38 % à 42 %. Cette dynamique a été cassée et ce très largement du fait de la campagne qu’elle a menée. Si elle est passée de 42 % à 34 % elle ne peut s’en prendre ici qu’à elle-même. Les ambiguïtés et les confusions de sa campagne ont eu pour effet un véritable sabordage de cette dernière dont on ne sait s’il fut le produit d’une incompétence et de choix erronés ou par dessein.
La campagne des législatives qui s’ouvre verra les quatre partis qui désormais dominent la politique française s’affronter. Celui d’Emmanuel Macron vise la majorité absolue des sièges. Mais, ceci ne semble pas être le vœu des Français, qui n’ont pas envoyé à travers les urnes un tel message. Compte tenu du mode de scrutin traditionnel en France, il importera plus que jamais que les partis clarifient leurs positions. Les partisans de Jean-Luc Mélenchon peuvent espérer faire de beaux scores. Mais ils affrontent des difficultés considérables du fait même du mode de scrutin. Il conviendra de prendre garde à ce que cette élection ne permette à des partis faillis de reprendre la main, ni n’aboutisse à ce que tous les pouvoirs soient donnés à Emmanuel Macron.