Le mois de mars marque le dixième anniversaire de l’invasion de l’Irak par les États-Unis. Le quotidien britannique The Guardian et la BBC, cités par Slate, sont revenus sur cette guerre et ont publié une enquête de 15 mois à laquelle ont collaboré une douzaine de journalistes.
On y apprend qu’en 2004, alors que la guerre en Irak va de mal en pis, les États-Unis ont eu recours aux services d’un vétéran des « guerres sales » d’Amérique centrale pour mettre en place une nouvelle force de police pour combattre l’insurrection irakienne. Le colonel James Steele a ainsi organisé un vaste réseau de torture réparti dans plus de dix centres de détention à travers le pays. Ancien colonel ayant participé à la contre-insurrection au Salvador et au Nicaragua dans les années 1980, Steele a eu un rôle de premier plan dans l’entraînement de la police irakienne.
Le Guardian affirme qu’en juin 2004, James Steele et son collègue, le colonel vétéran James Coffman, ont élaboré un immense programme de torture pour obtenir des renseignements de combattants suspectés de terrorisme, le tout avec l’accord du général Petraeus arrivé à Bagdad en juin 2004. Ce programme, financé avec de l’argent public américain, employait des membres de plusieurs milices radicales chiites qui étaient chargées de la torture des détenus.
Muntadher al-Samari, un général irakien ayant pris part à ce réseau affirme que les deux colonels étaient au courant de ce qui se passait :
« Les hauts responsables américains et irakiens savaient tout ce qui se passait dans ces centres (…) Les sortes de torture les plus horribles que j’ai jamais eu à voir. »
Les commandos ont utilisé les méthodes les plus brutales pour faire parler les prisonniers. Il n’existe aucune preuve que Steele ou Coffman aient pris part à ces séances de torture, mais le général al Muntadher Samari affirme qu’ils savaient exactement ce qui se passait. Selon lui, il existait à l’époque 13 à 14 prisons secrètes à Bagdad placées sous le contrôle du ministère de l’Intérieur américain et utilisées par les commandos spéciaux de la police comme centres de torture.
L’article du Guardian est accompagné de témoignages vidéo et d’un documentaire d’une heure. Le journal a interrogé en tout six victimes de tortures et trois soldats qui prétendent avoir livré des prisonniers à la force spéciale, et plusieurs hauts responsables irakiens.
Neil Smith, un médecin de 20 ans, qui était basé à Samarra en 2005, se souvient :
« Ils étaient très violents lors de leurs interrogatoires. Ils battaient les gens, leur infligeaient des décharges électriques, les poignardaient et d’autres choses assez horribles. Si vous envoyiez un gars là-bas, il allait se faire torturer et peut-être même violer par les commandos spéciaux afin que ces derniers obtiennent des informations. »
Un autre soldat témoigne anonymement. Membre du 69ème régiment déployé à Samarra en 2005, il raconte au Guardian :
« C’était comme si les nazis ... comme la Gestapo. Ils [les commandos] torturaient tous ceux qu’ils avaient de bonnes raisons de soupçonner (…) et les gens le savaient. »
Enfin, le New York Times dans un article estime que :
« Si la couverture médiatique des États-Unis durant la période précédant l’entrée en guerre était baignée de scepticisme, dix ans plus tard, ces révélations font l’effet d’un coup en pleine gorge. »