L’Etat de Géorgie qui a lancé le processus. Michael Thurmond, son directeur du département du travail, a réaménagé un programme tombé en désuétude, intitulé "Georgia Works". Une "initiative innovante pour stimuler les embauches", explique le site.
Pour 24 heures de présence hebdomadaire payées 100 dollars durant six semaines, un chômeur peut "se former à un nouveau job" chez un employeur qui, à l’issue du "test", décidera s’il l’embauche ou non.
"Une vingtaine d’Etats américains envisagent de copier cette expérience", dit George Wentworth, qui travaille dans le Connecticut pour une association de conseil aux chômeurs, le National Employment Law Project (NEL). "Cela revient à payer les gens une misère pour travailler. C’est illégal, mais ça marche, ajoute-t-il. Il y a tant de chômeurs désespérés."
Le cas de Michelle Ives, 46 ans, de Cedar Hill, une bourgade près de Dallas, au Texas, est devenu banal. Il y a un an qu’elle a perdu son emploi chez Nokia Siemens. "J’ai posé ma candidature pour 400 postes, je n’ai eu que 4 entretiens, aucun concluant. Pourtant, je suis expérimentée. J’ai accepté des offres à 10 dollars de l’heure à 50 kilomètres de chez moi alors que j’en gagnais 20 auparavant. Rien."
Avant que le Sénat vote, mercredi 11 août, un nouvel allongement de la durée des indemnités de chômage, son dernier chèque datait du 16 juin : 278 dollars (209 euros)...
Les Etats-Unis s’installent dans une situation inédite : un chômage structurel élevé. Depuis quinze mois, son taux oscille entre 10,2 % et 9,5 % en juin et juillet de cette année, selon les chiffres annoncés, vendredi 6 août, par le département du travail.
Le mois dernier, l’économie américaine a encore détruit 131 000 emplois. Depuis un an, le nombre de chômeurs ne varie guère : de 14,5 à 15 millions. Mais d’autres données sont plus alarmantes : aux Etats-Unis, le chômage de longue durée commence à la 27e semaine.
Normal : depuis près de trois décennies, les Américains retrouvaient un travail en trois mois. Mais les catégories statistiques courent après la nouvelle réalité. Six mois de chômage sont devenus la norme moyenne : les "longue durée" constituent maintenant 44 % des sans-emploi. Fin 2007, leur taux ne dépassait pas 20 %.
Aujourd’hui, un quart des chômeurs est sans emploi depuis un an ; et 9,6 % (1,4 million de personnes) depuis deux ans. Enfin 1,2 million de chômeurs ont renoncé à rechercher un emploi sur l’année écoulée, soit 50 % de plus qu’il y a un an.
Parallèlement, ce que l’on nomme aux Etats-Unis le "travail à temps partiel non volontaire" concerne 8 à 9 millions de salariés. Bref, depuis un an et demi, le sous-emploi touche presque 25 millions d’Américains : 16,3 % de la population active. Du jamais-vu depuis que les statistiques de l’emploi existent.
Conséquence : "De nouveaux comportements émergent", dit M. Wentworth. Ainsi, les organismes parapublics de formation d’adultes, peu développés, sont assaillis de demandes. "Tout le marché du travail évolue, les chômeurs comme ceux qui préservent leur emploi. Les employeurs mettent une forte pression sur les salariés." M. Wentworth ajoute que le "travail partagé" est en augmentation, "surtout dans les entreprises avec beaucoup de jeunes".
On leur demande de travailler collectivement 4 jours au lieu de 5 pour éviter des licenciements - avec réduction salariale proportionnelle et augmentation de la productivité à la clé. De plus en plus de gens acceptent aussi de travailler gratuitement, dans l’espoir d’être embauchés. "C’est complètement nouveau aux Etats-Unis et les antennes pour l’emploi encouragent ce phénomène."
Salaires revus à la baisse
L’élément le plus nouveau est la pression à abaisser les salaires. Elle est forte dans les administrations, Etats américains et municipalités se débattant avec des déficits budgétaires abyssaux. Les professeurs de l’université d’Hawaï ont réduit leurs émoluments de 6,7 %. Les employés d’Albuquerque (Nouveau-Mexique) de 1,8 %.
Le phénomène s’étend au secteur privé. General Motors a drastiquement réduit ses tarifs à l’embauche. Partout, des entreprises négocient avec les syndicats des baisses de salaire. Le New York Times citait récemment, entre autres, le fabricant de réfrigérateurs Sub-Zero, l’important transporteur routier ABF, le cabinet d’avocats Reed Smith ou encore l’Orchestre philharmonique de Seattle. Dans de nombreux cas, note le quotidien, les salariés, consultés, préfèrent cette option à l’engrenage des licenciements ou... la menace implicite de la clé sous la porte.
Mais ce n’est pas toujours le cas. A Williamson (Etat de New York), 300 salariés d’une usine de jus de fruits, tous syndiqués, sont en grève depuis le 23 mai. Ils refusent de se voir retirer 1,5 dollar par heure travaillée et augmenter leur participation à leur assurance-santé.
Un porte-parole du fabricant (Mott) déclare au quotidien : "Notre seul objectif est d’améliorer notre compétitivité et la flexibilité de nos activités." Pendant que les entreprises s’adaptent "on sensibilise les gens à l’idée que le chômage restera élevé longtemps et on refuse de faire de l’emploi une "urgence nationale"", se désole M. Wentworth.