Dix-neuf rugbymen ont déjà dû quitter la Coupe du monde, victimes de graves blessures. Avec des joueurs plus puissants et des impacts plus nombreux, la limite est atteinte. Des solutions doivent rapidement être trouvées.
Et de trois qui font dix-neuf. Lundi, trois joueurs italiens ont, à leur tour, déclaré forfait pour la suite de la Coupe du monde. Une véritable hécatombe. Deux mâchoires fracturées, huit genoux gravement touchés, des pectoraux et des épaules endommagés… Le bilan est lourd. Inédit. En 2011, il y avait eu quinze forfaits sur l’ensemble de la compétition, soit 48 matchs. Là, seulement 28 rencontres ont été disputées. Pour une liste qui devrait encore s’allonger.
On achève bien les rugbymen… Trois mois d’intense préparation pour, de l’aveu même de Philippe Saint-André, les amener « à la limite ». Des joueurs professionnels plus lourds (dix kilos en plus en moyenne par rapport à 1995), plus musclés, plus rapides. Qui se rentrent dedans tels des bulldozers. Travail de sape. De démolition. Vingt ans après sa conversion au professionnalisme, le jeu a changé. Fini l’évitement, dépassé l’affrontement, on est désormais dans la collision. Taper dans le mur défensif jusqu’à ce qu’il rompe. Ou pas. Chaque équipe a ses balèzes. Pour le XV de France, c’est Mathieu Bastareaud et Louis Picamoles. Des quintaux lancés pour des impacts effrayants. Tout augmente, pas seulement les graves blessures. On ne compte plus les nez cassés, les pommettes fracturées, les commotions aux conséquences inquiétantes (voir ci-dessous).
Des affrontements se rapprochant des jeux du cirque ?
Il y a six ans, Jean-Philippe Hager, alors médecin des Bleus, tirait déjà le signal d’alarme. « On est arrivé à la limite du raisonnable au niveau de ce que les joueurs peuvent encaisser. » Il a mis du temps à être entendu. Avant cette Coupe du monde, la fédération internationale, World Rugby, a annoncé qu’elle allait enfin lancer un grand chantier : réformer les règles en profondeur pour riposter à l’évolution du jeu. « On ne peut pas concevoir un sport qui blesse, qui traumatise. Il faut que l’on soit un sport praticable par tous », a circonscrit Bernard Lapasset, le président de l’organe suprême.
Le rugby, à haut niveau, est devenu plus intense – de vingt minutes en 1987, année de la première Coupe du monde, le temps de jeu effectif a désormais doublé – et plus violent. Moins de mêlées et de touches mais toujours plus de points de rencontre. Ces fameux rucks, en particulier, ces phases où les joueurs bataillent au sol pour la possession du ballon. Pour des déblayages (un joueur se jette à pleine vitesse pour en dégommer un autre) spectaculaires, dangereux. « On a modifié les règles en mêlée, et on constate qu’il y a de moins en moins de blessures graves dans ce secteur, constate le professeur Jean-François Chermann, spécialisé dans les commotions des sportifs. Désormais, c’est cette phase de rucks qui pose problème. » Consigne a d’ailleurs d’ores et déjà été donnée aux arbitres de se montrer impitoyables envers les auteurs de charges l’épaule en avant ou de plaquages hauts…