Soit c’est une erreur, soit un coup monté, soit un piège tendu à Ankara. En tout cas, les trois interprétations les plus plausibles admises à l’atterrissage forcé de l’avion civil syrien par les autorités turques ont de commun qu’elles n’ont rien à voir avec les allégations turques, surtout celles arguant une cargaison à caractère militaire.
Les évènements qui ont suivi « le piratage » de l’appareil de ligne syrien leur donnent fortement raison.
Pourquoi laisser partir l’avion ?
Ainsi, 10 heures après avoir contraint l’Airbus A-320 syrien en provenance de Moscou à atterrir dans l’aéroport d’Ankara-Esenboga, le gouvernement d’Erdogan s’est vu contraint de laisser repartir au matin de ce jeudi vers la capitale syrienne.
Curieusement, rien n’a été révélé sur le contenu de la cargaison qualifiée de « suspecte » qui aurait été retrouvée à bord du vol. Il est dit qu’il n’a été permis à l’avion à bord duquel se trouvent 35 passagers dont des Russes accompagnés de leurs enfants de décoller qu’après l’avoir confisquée.
Mais dans les déclarations officielles, il semble qu’Ankara tente d’en minimiser la portée se contentant de dire par la voix du ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoğlu qu’"Il y a une cargaison illégale à bord de l’avion qui aurait dû être signalée" en conformité avec la réglementation de l’aviation civile, et qu’"il y a des éléments à bord qu’on peut qualifier de douteux".
On est bien loin des spéculations des medias turcs , selon lesquels il pourrait s’agir de pièces de missile selon la chaîne d’information NTV, ou de matériel de communication destiné au régime de Bachar al-Assad selon la télévision publique TRT.
Si elles étaient vraies, une question ne saurait être ignorée : pourquoi avoir laissé partir l’avion ?
La face cachée : cacher les preuves
Mais force est de constater que les medias turcs ont évité d’évoquer que des pressions ont été exercées sur les passagers et les membres de l’équipage avant leur départ. Selon la chaine de télévision russe « Russia Today », citant les témoignages de passagers russes, les autorités turques les ont obligés à signer des papiers qui affirment qu’ils ont atterri pour des raisons contraignantes, qu’ils n’ont ni vu les avions de combat turcs ni n’ont été contraints à atterrir.
Dans un contact téléphonique, une passagère a même indiqué que quatre passagers et les membres de l’équipage qui ont refusé de signer ont été agressés par les éléments des forces de l’ordre turc et que les pilotes de l’air ont aussi été mis à l’écart et menacés d’être arrêtés.
Ce comportement turc insinue que les responsables voudraient à tout prix éviter d’être poursuivis en justice par ces passagers.
D’autres détails de l’atterissage forcé révélés par les parties syriennes vont dans ce sens.
« Le capitaine de l’avion n’a pas été informé lors de la traversée du ciel turc qu’il devait atterrir. Il a été surpris de voir sur le cadran de radars les avions de combats turcs (F14) entourer son appareil », a assuré la directrice de la Société d’aviation arabe syrienne Ghida Abdel-Latif.
Ce qui veut dire qu’il n’a rien vu, ni entendu, et surtout qu’aucune sommation verbale de la part de la tour de contrôle n’a pu être enregistrée par la fameuse boite noire.
Du coup, aucune preuve tangible ne peut étayer une plainte en justice.
Les medias dans le coup : le coup monté ?
Concernant les informations médiatiques sur le contenu de la cargaison, Mme Abdel-Latif s’est interrogée pertinemment : « comment les medias peuvent-ils savoir d’avance que la cargaison est formée de systèmes de missiles ? ». Laissant croire de l’impossibilité de savoir le contenu de la cargaison avant même de l’ouvrir.
De surcroit, la diffusion d’une telle version des faits peut très bien avoir été dictée, ce qui veut dire que les médias sont de mèche avec les autorités. Et d’en conclure de par leur la primauté de l’interprétation du coup monté, au détriment de celle de l’erreur et du piège.
Signe indéniable que l’interception de l’avion syrien n’a rien de légal, ni le contenu de la cargaison d’illégal.
Vers la zone d’exclusion aérienne ?
Le piratage de l’avion syrien ne saurait être interprété à l’écart de l’escalade verbale et militaire du gouvernement turc contre la Syrie qui vise de plus en plus à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne. Ni le fait que la première décision prise par Ankara après l’atterissage forcé de l’avion a été d’interdire aux avions turques de se rendre en Syrie, arguant des mesures de rétorsion.
Le train est mis sur les rails : Il faut donc s’attendre à un autre wagon... un autre coup monté !