C’est Dallas chez les francs-maçons de la Grande Loge nationale française (GLNF), 2ème obédience française, avec plus de 40 000 frères revendiqués.
Depuis 2 ans, le quotidien de la Grande Loge des francs-maçons est celui d’un feuilleton à rebondissements, où se mêlent contestations, exclusions, nomination d’un administrateur judiciaire, scissions, condamnations de « loges soeurs » à l’étranger et imbroglio immobilier et financier. Déjà contesté en 2011, François Stifani, le grand maître sortant, était allé chercher le soutien des frères africains, et notamment du très démocrate Ali Bongo.
Le prochain épisode est programmé le 23 juin, avec une assemblée générale et l’élection du grand maître. A moins que la justice, profane, ne renvoie ce scrutin à des jours meilleurs.
En cause, à l’origine, un investissement immobilier audacieux décidé par François Stifani. Le 22 septembre 2008, Stifani, élu depuis un an, a l’idée d’investir dans un appartement avenue de Wagram, à Paris. Seuls ses proches sont au courant. Coût de l’acquisition : près de 2 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 600 000 euros pour « transformation et rénovation ». Ce n’est pas que la GLNF soit dans la gêne, mais les vénérables et autres mamamouchis à tablier ne comprennent pas le sens de l’opération immobilière. Stifani la justifie en assurant avoir besoin d’un lieu discret pour des rencontres qui ne le sont pas moins. Une sorte de garçonnière pour grands de ce monde.
La fronde des rebelles est telle que le grand maître est contraint de remettre l’appartement sur le marché. Selon un rapport d’expertise comptable de juin 2012, cette vente, réalisée le 24 novembre 2011, a rapporté 2,8 millions d’euros à la loge franc-maçonique. Soit une opération quasi-blanche. Mais, entre-temps, Stifani a fait son nid.
Lors de ses séjours parisiens ( au moins 2 jours par semaine), le patron de la Grande Loge des francs-maçons loge dans un hôtel 4 étoiles à 2 pas de l’ Etoile. Selon les factures, entre le 1er septembre 2009 et le 31 août 2010, la Grande Loge des francs-maçons a dépensé 54 935 euros, exactement, pour le repos physique et spirituel du grand maître. Sans compter les petits déjeuners.
Cette folie des grandeurs et ces déboires immobiliers, Stifani ne les évoque même pas dans la lettre et le message vidéo adressés, le 17 juin à l’heure de la messe dominicale, à ses « chers frères ». Le clip de 16 minutes est tout à sa gloire. Sur fond de musique martiale, Stifani se présente comme une figure de l’histoire de 21ème siècle, une sorte de petit père de la maçonnerie « à la réussite exceptionnelle exemplaire » et doté d’ »une femme aimante et 5 enfants« . Autant dire : un saint.
Dans sa bafouille, au style ampoulé, le patron de la Grande Loge des francs-maçons reconnaît tout de même l’existence d’un « délitement » de l’obédience. La faute, écrit-il, à la crise mondiale. Lui n’est « pas la cause de ce triste épisode ». « Pas plus, ajoute-t-il, que Louis XVI ne fut à l’origine de la Révolution française ». Toutes proportions gardées…