Avec la montée du chômage, la campagne de 2012 pourrait bien se jouer sur le thème de l’emploi. François Bayrou parle « d’acheter français », Laurent Wauquiez de « protectionnisme moderne », Nicolas Sarkozy en fait un enjeu de ses vœux et des prochaines semaines. Un jeu dangereux pour lui.
Trente ans de chômage de masse
C’est sous le mandat de Valéry Giscard d’Estaing que le taux de chômage s’est envolé, avant d’atteindre un niveau très préoccupant sous François Mitterrand. En novembre, le nombre de chômeurs catégorie A a dépassé le cap des 2,8 millions, soit le niveau le plus élevé depuis 1999. Malgré les départs à la retraite de la génération du baby boom, le chômage est fortement reparti à la hausse du fait du ralentissement de l’activité consécutif à la crise de la zone euro.
Pire, ces chiffres sous-estiment nettement le nombre de chômeurs, ce que Marianne souligne depuis longtemps. En effet, si on inclut l’ensemble des catégories (A, B, C et D) selon les statistiques du Pôle Emploi, nous approchons même du cap des 5 millions de demandeurs d’emplois ou assimilés. Et pour le coup, il s’agit du chiffre le plus élevé, dépassant le cap des 4,36 millions atteint en 1999. Tout ceci montre à nouveau à quel point les statistiques sont triturées par le ministère.
Ce chiffre est d’autant plus préoccupant que nous venons sans doute de rentrer à nouveau en récession au 4ème trimestre, du fait de la crise de la zone euro, qui semble totalement insoluble depuis deux ans et qui mine la confiance et la croissance dans toute l’Europe. Bref, l’augmentation du nombre de demandeurs d’emplois est malheureusement appelée à se poursuivre dans les mois à venir, ce qui explique l’intérêt renouvelé des politiques pour la question de l’emploi.
Un enjeu politique
Devant un bilan aussi calamiteux, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas rester sans rien dire, à défaut d’avoir agi pendant cinq ans. Il a donc annoncé des initiatives pour le début d’année et rejeté la responsabilité de la crise et du niveau du chômage sur la crise mondiale et le monde financier. Ce n’était pas très compliqué pour lui : il suffisait de recycler ses discours d’il y a trois ans sur la moralisation du capitalisme et la nécessaire réforme de la finance.
Reste à savoir si ce tour de passe-passe verbal peut avoir la moindre crédibilité à la fin d’un mandat de cinq ans ? En effet, si certaines des idées avancées par le président ne sont pas inintéressantes, on peut tout de même s’interroger sur les raisons qui font qu’il n’a rien fait depuis 2007, d’autant plus que le constat qu’il a fait lors de ces vœux ressemble à s’y méprendre à ce qu’il disait il y a plus de trois ans. L’incohérence risque d’apparaître pendant la campagne.
Il y a néanmoins un point positif. Un certain nombre de questions finissent par émerger, notamment la question de la mondialisation, de la financiarisation de l’économie, de l’euro et du protectionnisme. Un véritable débat commence à apparaître, même si le traitement médiatique laisse encore souvent à désirer. Néanmoins, on voit apparaître des papiers sur le protectionnisme en Amérique du Sud et la réussite économique de ces pays est un point très positif.
Nicolas Sarkozy a le culot et l’habileté pour essayer de retourner le débat actuel sur l’emploi à sa faveur, comme il le fait sur tant de questions. Mais dans le cadre d’une campagne aussi longue et intense qu’une présidentielle, le passif devrait l’emporter sur les postures.