Il l’avait dit samedi, il l’a confirmé ce lundi : Régis Cauche confirme qu’il soutiendrait un Croisien qui commettrait l’irréparable sur un Rom.
Il ne retire rien aux propos qu’il a tenus samedi : et même, il en remet une couche. Dans l’incapacité de répondre aux plaintes qui surgissent de partout depuis l’arrivée à Croix de près de 200 Roms expulsés de Lille-sud, le maire Régis Cauche sort la grosse artillerie : il va jusqu’à prédire un dérapage « comme le bijoutier de Nice » si l’État ne fait rien.
Samedi, il avait même ajouté : « Et si un Croisien commet l’irréparable, je le soutiendrai ». Interrogé ce lundi, pour savoir s’il maintenait ses propos, le maire UMP de Croix ne comprend pas où est le problème. En tout cas, il ne se déjuge en rien, bien au contraire : « Les Roms n’ont rien à faire à Croix. Oui, s’il y a un dérapage, j’apporterai mon soutien. La population en a assez. »
« On ne peut pas laisser piller Croix »
Et comme pour appuyer son propos, il raconte que dans la nuit de samedi à dimanche, un agriculteur de Croix a tiré à blanc avec sa carabine pour effrayer des Roms qui s’approchaient de son exploitation (lire ci-dessous). Sa basse-cour avait été délestée d’une trentaine d’animaux les trois nuits précédentes. Comme ce fermier, de nombreux commerçants et habitants du quartier de la gare se sont plaints de nuisances et d’une recrudescence de vols, pour lesquels Régis Cauche dit détenir « les preuves » que les Roms en sont les auteurs. Il les en accuse d’ailleurs ouvertement. « On ne peut pas les laisser piller Croix, ce n’est plus possible », tonne-t-il.
« De l’incitation à la haine raciale »
Ces propos très vifs ont bien sûr suscité des réactions tout aussi tranchées sur les réseaux sociaux, les uns applaudissant le maire de Croix pour son « courage », les autres s’étranglant devant un « odieux dérapage consistant à approuver un meurtre par avance ».
Dans le milieu politique local, Martine Aubry n’a pas tardé à réagir, se disant ce soir « profondément outrée » par la sortie du maire de Croix. « Au moment où chacun cherche à trouver des solutions pour permettre à la fois l’évacuation des campements illicites et le relogement de familles, cet appel à la violence et cette incitation à se faire justice soi-même sont hautement irresponsables », a poursuivi la présidente de la Communauté urbaine de Lille.
Le maire de Roubaix, Pierre Dubois, a regretté que son voisin de Croix « joue avec le feu ». « Je suis choqué et en désaccord avec de tels propos. Jouer avec le feu, c’est irresponsable », a-t-il ajouté.
« Il surfe sur les inquiétudes au lieu de rassurer »
L’opposant PS au maire de Croix, Mario Califano, dénonce quant à lui « des propos irresponsables qui sont de l’incitation à la haine raciale et s’apparentent aux discours antijuifs des années 30 ». Selon lui, le maire porte aussi atteinte à la présomption d’innocence puisqu’il « accuse tout un groupe sans faire de distinction entre ses membres ». L’élu socialiste dit comprendre l’exaspération de la population, mais estime qu’un responsable public, plutôt que de « surfer sur les inquiétudes », devrait plutôt « rassurer sa population en expliquant les démarches entreprises auprès de la préfecture ».
Des critiques se sont également élevées dans la famille politique du maire de Croix, puisque Arnaud Vanhelle, adjoint UMP au maire de Wasquehal, commune sur laquelle est partiellement implanté le campement de Croix, a affirmé cet après-midi sur Twitter que « cautionner de faire justice soi-même, c’est une déviance terrifiante ». Le responsable des « jeunes pop » de la huitième circonscription du Nord, Pierre-François Lazaro, a de son côté qualifié les propos de Régis Cauche de « grosse erreur ».
L’agriculteur a donné « un coup de semonce, pour dissuader »
À la ferme Acquette, située rue des Ogiers, le ras-le-bol s’est fait sentir ces derniers jours après le vol de plusieurs dizaines d’animaux dans la basse-cour la semaine dernière : deux pintades, trois oies, cinq poules, une quinzaine de canards blancs et deux chèvres ont disparu. À chaque fois le mode opératoire était identique : des individus se sont introduits dans les prés qui longent la voie ferrée, ont ouvert les étables et sont repartis avec les animaux. Après ces vols perpétrés de mardi à samedi, l’exaspération se fait sentir chez les exploitants croisiens : « En quelques jours, on nous a volé une de nombreux animaux. On a littéralement été pillés. ».
Excédé par ces vols, l’exploitant a veillé sur ses terres dans la nuit de samedi à dimanche : « Il y a des gens qui sont passés près de la voie ferrée et qui venaient vers la ferme, le patron a tiré un coup de feu en l’air. Un coup de semonce pour dissuader. » Depuis cet avertissement, il n’y a eu aucune intrusion dans la propriété.