Alain Soral a tenté sa chance chez les communistes puis chez Le Pen. Il se bat aujourd’hui pour la réconciliation des ouvriers et des conservateurs, pour une alliance entre les catholiques et les musulmans, afin de sauver la Nation.
Un homme est assis sur un canapé rouge et analyse ce qui se passe dans le monde : ainsi peut-on résumer l’émission préférée de nombreux Français actuellement. Alain Soral est capable pendant quatre à cinq heures, sans notes, d’apporter un éclairage si captivant sur les événements du mois précédent qu’il arrive à rassembler des personnes issues de toutes les couches de la société. Ces « entretiens du mois » sont désormais visionnés plus de 300 000 fois sur YouTube, une performance conséquente compte tenu de l’exigence des sujets traités. Mais comment se fait-il que le penseur le plus célèbre de France soit qualifié de fasciste par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, alors qu’il est célébré comme un sauveur de la Nation par les petites gens ?
Alain Soral est né le 2 octobre 1958, d’un père notaire et d’une mère au foyer. Il grandit dans une banlieue modeste de Paris, mais fréquenta une école privée catholique réputée. Lorsque le cabinet de son père déclara faillite en 1973, la famille déménagea à Grenoble, puis dans un second temps à Annemasse dans une cité misérable d’immeubles en préfabriqué. Le jour de ses 18 ans, il répondit à son père par une volée de coups de poing et s’enfuit à Paris peu de temps avant de passer le bac. Cette tension entre la pression élitiste et la pauvreté quotidienne a marqué la « conscience de classe » du futur marxiste.
Un coureur de jupons
Au printemps 1976, Soral atterrit dans la scène punk et joint les deux bouts avec des petits boulots. À cette époque, deux universités acceptent des étudiants n’ayant pas obtenu le baccalauréat : les Beaux-Arts pour l’art et l’École des hautes études en sciences sociales pour la sociologie. Il réussit les deux examens d’entrée. Il fut un disciple du philosophe marxiste Cornelius Castoriadis. C’est à ce moment-là qu’il commença les entraînements intensifs de boxe, le conduisant à l’obtention du diplôme d’entraîneur de boxe en 2004.
Son premier livre, intitulé Les Mouvements de mode expliqués aux parents, une étude sociologique amusante sur les nombreuses cultures liées au style vestimentaire, parut en 1984. Son premier essai littéraire fut un succès de librairie. En ce temps-là, la bohème parisienne existait encore : Soral fit la connaissance de Jean-Paul Gaultier, Andy Warhol et de Salvador Dali. Il étudia par ses propres moyens et dévora tous les livres interdits, essentiellement de philosophie, et plus particulièrement ceux de Karl Marx, Georg Lukács et du Français Michel Clouscard. L’artiste bohème ne pouvait pourtant prendre la voie d’une carrière intellectuelle. Au lieu de se consacrer aussitôt à l’écriture d’un nouveau livre, il enseigna la mode, repoussa une offre lucrative dans le domaine de la publicité et vivota en tant que journaliste.
Par ailleurs, il passa beaucoup de temps à draguer les femmes, une passion devenue drogue dont il se sevra en 1989 avec son premier roman La Vie d’un vaurien. Cinq années plus tard, il approfondit le sujet dans Sociologie du dragueur, un travail pertinent qui expose les mécanismes de la séduction et fait figure de psychanalyse du dragueur-type.
« C’est une chose profondément morale que de se présenter comme un salaud. (…) Ce livre a été un cadeau de mariage pour ma femme. Ce faisant, je lui assurai : Maintenant j’arrête ! »
Son activité de séducteur ne cessa pas seulement devant l’autel de l’Église, mais également au sein du Parti communiste français (PCF), dont il fut membre de 1990 à 1997.
Groite et Dauche
En 1993 déjà, il appelait avec d’autres partis de gauche, à un « front national de la civilisation contre la marchandise… de la grandeur des nations contre la balkanisation de l’Europe ». Quatre années plus tard, il quitta le parti communiste, qui, selon lui, avait tourné le dos aux ouvriers. Suivirent plusieurs romans et essais, consacrés au déclin de la Grande Nation [1] au tournant du millénaire. Soral considérait le féminisme moderne comme le « dernier étage du capitalisme, qui veut créer du pouvoir d’achat en se servant des femmes ». Il critiqua également le lobby homosexuel :
« Que la persécution des homosexuels soit réactionnaire ne signifie pas pour autant que l’homosexualité est un progrès [2]. »
Sa maîtrise rhétorique – le génie conceptuel d’un bandit ayant soif de vérité – lui ouvrit les portes des talk-shows, où il deviendra rapidement redouté. En juin 2004, le philosophe juif et belliciste Bernard-Henri Lévy appela un présentateur de télévision au milieu de la nuit et exigea de celui-ci qu’il annule l’invitation de Soral afin qu’il n’ait pas maille à partir avec lui lors de l’émission du lendemain. En septembre 2006, ses positions pro-palestiniennes l’ont amené à se rendre au Sud-Liban, accompagné de l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala et du journaliste Thierry Meyssan. Le 1er décembre 2006, Soral fit sensation lorsqu’il rendit public son soutien à Jean-Marie Le Pen pour la campagne des présidentielles à venir. Sa justification : « Le Front National est le premier parti ouvrier de France. » Pendant deux ans, il essaya d’imposer une vision sociale au sein du FN, mais quitta le parti de nouveau, car il refusait la ligne anti-islam de Marine Le Pen. Pour les Européennes de 2009, Dieudonné et Alain Soral créèrent une liste antisioniste n’ayant aucune ambition parlementaire, mais qui voulait montrer qui a le pouvoir.
Contre l’empire
En mars 2007, Alain Soral fonda l’association Égalité & Réconciliation, depuis lors devenue la plus grande force politique extraparlementaire, qui recrute avec la devise « Gauche du travail et droite des valeurs : pour une réconciliation nationale ! ». Il s’agit d’une plateforme d’idées avec un haut niveau de conscientisation intellectuelle et artistique, très implantée aussi bien dans la tradition nationale que chez les jeunes issus de l’immigration. En tant que président de l’association, Soral critique certes la politique d’immigration de la France, mais refuse cependant de pointer du doigt les immigrés africains, même s’ils sont ceux que l’État a le plus massivement recrutés. Pour éviter la guerre civile, il propose une alliance entre les catholiques et les musulmans.
En février 2011, Soral publie Comprendre l’empire, avec le sous-titre Demain la gouvernance globale ou la révolte des Nations ?, un résumé des mécanismes de domination depuis la Révolution française. Il y explique que la période 1789-1795 ne fut pas un mouvement de libération, comme l’enseigne l’histoire officielle, mais bien la prise de pouvoir de puissances nouvelles qui n’opèrent plus au grand jour comme les rois auparavant, mais plutôt dans l’ombre. Ce qu’il appelle « l’empire » ne se rapporte pas à un seul pays, mais à une oligarchie supranationale, portant le costume présentable des droits de l’homme, qui exerce sa domination à travers le système bancaire et les lobbys mafieux et qui – lorsque ça ne marche plus – envoie l’armée américaine.
Ennemi public
Lors de l’été 2013, le ministre de l’intérieur socialiste désigna Alain Soral et l’humoriste Dieudonné comme ennemis publics. En janvier 2014, Manuel Valls alla jusqu’à interdire un spectacle de l’humoriste dont la tournée se poursuivit à guichets fermés. Soral déclara :
« Nous nous trouvons dans une situation qui rappelle l’URSS sous Brejnev. Les hommes politiques et les médias racontent des histoires auxquelles plus personne ne croit. La fin approche, c’est pourquoi les personnes au pouvoir sont de plus en plus agressives. »
Phillipe Guichard
L’article original en allemand :
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Voir aussi, sur E&R : Qui est Alain Soral ? (par la revue Faits & Documents)