L’une des raisons qui expliquent le recul du nombre d’actes de piraterie au large de la Somalie est la présence de gardes armés à bord des navires civils croisant dans les eaux de l’océan Indien et la mer Rouge.
« Nous constatons que les bateaux embarquant des gardes privés armés ne sont plus la cible des pirates », avait affirmé, en février 2012, Peter Vierstraete, alors président de l’Association belge des armateurs.
Si la présence de gardes armés est autorisée par 11 pays de l’Union européenne, ce n’était pas le cas en France, où tout ce qui touche de près ou de loin à des activités militaires privées soulève des réticences. Aussi, à défaut, un dispositif appelé « EPE » (Équipe de protection embarquée), faisant appel à des fusiliers marins de la Marine nationale, a été proposée dès 2007 aux armateurs français.
Seulement, cette solution est soumises à de fortes contraintes logistiques et économiques. La Marine nationale, qui mobilise 152 commandos ou fusiliers marins pour ce type de mission, ne peut répondre favorablement qu’à 70% des demandes. Et ces dernières sont très en deçà des besoins.
Du coup, de nombres armateurs ont agité la menace de « dépavillonner » pour justement avoir le droit d’avoir recours aux services d’une société militaire privée (SMP) pour protéger leurs navires. Une situation inacceptable pour l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Guillaud, qui, lors d’une audition parlementaire, s’était emporté contre cette interdiction d’embarquer des agents de sécurité privés « pour des raisons d’angélisme idéologique ».
D’autres pays, principalement anglo-saxons, n’ont pas ces problèmes existentiels : 1500 SMP (ou Entreprises de services de sécurité et de défense – ESSD) se partagent un marché évalué entre 200 et 400 milliards de dollars par an.
Aussi, le gouvernement a décidé d’autoriser les armateurs français à avoir recours à des gardes armés en soumettant un projet de loi allant dans ce sens au Parlement. Après avoir été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, puis remanié au Sénat, le texte a été voté par les députés le 19 juin, après avoir fait l’objet d’un accord au sein de la Commission Mixte Paritaire.
La loi – dont le décret d’application sont désormais attendus – autorise donc les armateurs français à solliciter les services d’ « entreprises privées de protection des navires ». Ces dernières devront obtenir une « autorisation d’exercice » auprès du « Conseil national des activités privées de sécurité ».
En clair, l’État autorisera les entreprises à exercer et les contrôlera. Les armateurs ne pourront faire appel à des « agents » que lorsque leurs bâtiments auront à traverser des zones à risques. Ces gardes armés, dont le nombre minimum à bord a été fixé à 3, auront la tâche de « garantir la sécurité des personnes embarquées sur le navire, équipage et passagers et d’assurer également la « protection des biens transportés ». Quant à l’usage éventuel de la force, il est limité aux situations de légitime défense.
Lors de l’examen du texte en première lecture, à l’Assemblée nationale, l’article 9 prévoyait que « les documents contractuels et publicitaires émis par les sociétés privées de protection des navires ne peuvent faire état de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire que pourrait avoir l’un des dirigeants ou agents de l’entreprise ».
Pour expliquer cette disposition, le secrétaire d’État aux Transports, Frédéric Cuvillier, avait avancé le curieux argument selon lequel il était « nécessaire (…) de maintenir une distinction sans ambiguïté entre ce qui relève des prérogatives de la sécurité publique et le champ des activités privées de sécurité, afin d’éviter par le biais d’un affichage des fonctions précédemment exercées au nom de l’État de faire naître une confusion ». Finalement, les sénateurs ont supprimé cet article lors du passage de ce projet de loi au Palais du Luxembourg.
Et pour cause : interdire aux dirigeants et aux personnels de ces futures « entreprises privées de protection des navires » de faire état de leur qualité d’anciens militaires ou policiers les aurait privés d’arguments commerciaux, dans la mesure où cela est une garantie de professionnalisme pour leurs clients potentiels.