En marge d’une invitation à Madrid par le centre de la Culture arabe, Abdelhak El Khiame, directeur du Bureau central d’investigation judiciaire, a accordé une interview au quotidien espagnol El Pais dans laquelle il revient sur la lutte antiterroriste au Maroc.
Premiers chiffres marquants de cette interview, 1 579 djihadistes marocains ont rejoint les rangs de Daech en Syrie ou en Irak. Entre 200 et 240 des djihadistes marocains sont de retour soit au Maroc soit dans des pays européens. Au Maroc, les djihadistes de retour sont sous étroite surveillance, certains sont même arrêtés pour être livrés à la justice, souligne le chef du BCIJ. Ce dernier incite ainsi les pays européens à renforcer la coopération inter-États pour signaler les djihadistes ayant rejoint une organisation terroriste.
Le patron de la lutte antiterroriste marocaine note un changement dans la stratégie de recrutement et de radicalisation de Daech. « Avant l’avènement de Daech c’était les dirigeants salafistes qui endoctrinaient. Maintenant, le phénomène a changé et est devenu mondial. La radicalisation a augmenté de façon catastrophique avec Internet. Plus besoin d’assister à une réunion pour se radicaliser, il suffit de se connecter à Internet. Daech a mené sa propagande sur le Web et c’est comme ça qu’il recrute de djihadistes dans la région », souligne Abdelhak Al Khiame.
Il précise qu’au contact de cette idéologie, des jeunes radicalisés se sentent directement prêt au djihad. De plus, dans un changement de tactique, note Abdelhak Al Khiame, Daesh ne demande plus à ses recrues de subir un entraînement paramilitaire en Syrie ou en Irak avant de retourner dans leurs pays mais de frapper ou elles se trouvent. Ce qui, selon le chef du contre-terrorisme marocain, est un « changement de profil, de tactique et de stratégie organisationnelle ».
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Le cœur du terrorisme international bat au nord du Maroc
Depuis des siècles, les montagnes du Rif sont le refuge des trafiquants, des dealers de cannabis et des criminels. Aujourd’hui, la région est devenue le creuset du terrorisme djihadiste européen.
- Une femme marche dans une petite rue de Chefchaouen, dans le nord-est du Maroc, le 1er mai 2016
Dans les semaines qui ont suivi les attentats dans la capitale belge, les autorités et les journalistes n’ont pas perdu de temps à cartographier les liens entre les terroristes de Bruxelles et ceux de Paris – entre Molenbeek, Schaerbeek et les banlieues françaises, entre une planque ici et une empreinte trouvée là. Les lignes de ce réseau, complexe, fait de nœuds familiaux et amicaux chevauchant les frontières, en viennent à ressembler à un tableau de Jackson Pollock à la signification effrayante : voici les points et les barbouillages capables d’ourdir des complots terroristes meurtriers, de leur conception à leur exécution.
Au cœur des attentats terroristes qui ont frappé une bonne partie du monde ces quinze dernières années, il y a le Rif. Une région montagneuse du nord du Maroc, s’étirant du tumulte de Tanger et de Tétouan à l’ouest, jusqu’à la frontière algérienne à l’est. Le Rif est un pays pauvre, riche en plantations de marijuana, trafiquants de drogue, trafiquants tout court, petits margoulins, héros de la résistance contre les administrateurs coloniaux et les rois de l’indépendance. Des rebelles à toute autorité. Pour les enfants du Rif transplantés en Europe, ces origines peuvent se mêler à la marginalisation, à l’accès à des réseaux criminels et à la radicalisation, afin de rendre les plus vulnérables d’entre eux particulièrement sensibles aux sirènes du terrorisme.
Les liens entre le Rif et le terrorisme djihadiste ont probablement été mis en lumière pour la première fois en 2004, après les attentats de Madrid du 11 mars, quand on allait découvrir que quasiment tous les conjurés avaient une attache à Tétouan. Trois ans après, lorsque la journaliste Andrea Elliot enquête au cœur de la misère de cette ville du cœur du Rif pour un article du New York Times Magazine, elle y trouve bon nombre de jeunes inspirés par les poseurs de bombe de Madrid. Ils espèrent rejoindre les rangs d’Al-Qaïda en Irak, le précurseur de l’État islamique, afin de mener le djihad contre les troupes américaines.
Près d’une décennie plus tard, la même piste touristique du djihad mène aux attentats de Paris et de Bruxelles. L’un des derniers Rifains à avoir accédé à la notoriété internationale s’appelle Najim Laachraoui, l’artificier de l’État islamique parti en Syrie en 2013 pour parfaire son expertise en matière d’explosifs. Tout le monde le connaît désormais : c’est l’un des trois hommes immortalisés par des caméras de vidéosurveillance à l’aéroport de Bruxelles derrière un chariot à bagages, le matin du 22 mars. Au départ, les enquêteurs pensaient qu’il s’agissait du « troisième homme », aussi surnommé « l’homme au chapeau », celui qui avait posé sa bombe avant de s’enfuir. Mais aujourd’hui, ils savent que Laachraoui était l’un des deux kamikazes qui se sont faits exploser à Zaventem.